Le Ministère des Affaires Culturelles tunisiennes a nommé le producteur Najib Ayed à la direction de la biennale des « Journées Cinématographiques de Carthage » – les JCC – pour leurs 28ème et 29ème éditions respectivement en 2017 (4 au 11 novembre) et en 2019 succédant ainsi à Nabil Letaeif.
Depuis 1999, Ayed est producteur indépendant à travers sa société de production « Rives productions ». Parmi les films qu’il a produits, l’on retrouve: “Une Odyssée” de Brahim Babaï, « War reporter » (Il Hay Irrawah) de Mohamed Amine Boukhris, « le Royaume des Fourmis » de Chawki El Mejri et de nombreux autres longs et courts métrages, ainsi que le succès du dernier ramadan sur El Hiwar Ettounsi, la série « Flashback » avec Lotfi Abdelli.
Nayla Abdelkhalek : Le festival de Cannes de cette année a proposé un film tunisien en compétition « Un Certain Regard ». Il y a eu aussi l’annonce d’une nouvelle direction des Journées Cinématographiques de Carthage. Je voudrais avoir une idée de la présidence, des objectifs et la différence par rapport aux années précédentes ?
Hichem Ben Khamsa : Pour cette 28ème session, qui est la 51ème édition des JCC, il y a un nouveau directeur général qui est Najib Ayed, enfant des JCC. Il faisait partie des jeunes producteurs et jeune professionnel du cinéma en 1972 et il connaît très bien le cinéma en tant que producteur. La ligne éditoriale de cette nouvelle formule du festival est justement une nouvelle page que l’on veut vraiment montrer, qui s’accroche aux fondamentaux du festival, d’un cinéma militant et aussi, une approche des nouvelles technologies, dans la perception de l’avenir du cinéma.
Militant n’a plus le même sens par rapport à avant.
Militant n’est plus la même chose c’est vrai, parce que Satyajit Ray, Tahar Cheriaa, Ousmane Sembène, Ahmed Bahaeddin attaya … sont morts, mais l’esprit militant c’est de savoir quelle est son identité, par rapport à d’autres cinématographies qui sont hégémoniques. Et pour nous on était le premier festival à mettre en avant son identité arabe et africaine, et on veut revenir à ça. Aussi, faire une transition pour dire que les cinémas arabes et africains et du sud en général méritent leur place dans le cinéma mondial. Nous sommes et nous allons être extrêmement modernes par rapport au choix de cinéma, des ateliers de travail et des plateformes que l’on va offrir à tous ces jeunes réalisateurs arabes et africains, et un acte de militantisme des JCC, c’est se recentrer sur le cinéma du sud, d’un festival tri-continental avec des cinémas d’Afrique, d’Asie, et d’Amérique Latine.
Ceux qui travaillent dans la culture actuellement dans les pays du monde arabe, sont des combattants. Ils font face à un certain regard d’une partie d’une société qu’on le veuille ou pas existe et qui voit tout ce qui se rapporte à l’art comme quelque chose de négatif. Comment, avec le festival allez-vous réussir à imposer ces visions militantes ?
H : Nous, on va arriver à imposer une chose. Nous sommes un pays qui s’appelle la Tunisie, et qui a vécu une révolution il y a 6 ans. Nous avons réussi à ne pas revenir en arrière. Grâce à notre société civile, le fait d’avoir un pays à la population fortement éduquée, où la femme est émancipée, combattante et ne se laisse pas faire, où on a très vite vu les limites de l’offre pieuse et de la place bonus au paradis si nous restons pieux… Sauf qu’il est clair que cette façon de penser ne nous ferait pas vivre et qu’on a besoin de travailler et faire que notre société continue d’avancer.
Avez-vous une idée quantitative du public du festival dont une grande partie est jeune, pour avoir assisté à plusieurs éditions ?
200000 spectateurs payants sur 9 jours. Le public vient à 9 heures matin à l’avenue Borguiba acheter des billets pour voir trois ou quatre films par jour…
Au niveau de l’organisation, il y a des activités annexes hors des films proposés par le festival ?
On va réduire la programmation, augmenter les prix, donner une place d’honneur aux films d’école avec le Carthage ciné promesse, pour les écoles de cinéma arabes et africaines et on va surtout faire des focus par pays, chaque année. Cette année, l’Algérie, L’Argentine, et l’Afrique du Sud. Nous avons aussi un accord avec le festival Buzan en Corée qui sont nos partenaires.
Carthage n’est pas uniquement des gens dans les salles, mais aussi un public de rue, avide de connaissance et de découverte. Nous prévoyons de travailler la diplomatie culturelle en proposant des événements musicaux et des arts culinaires.
De plus, notre envie d’encourager activement et sur le terrain les coproductions Sud-Sud, va nous mener à chercher à faire des films avec des productions coréennes et algériennes.
Il nous reste à souhaiter à Najib Ayed, producteur avisé et conscient des priorités, et à son équipe beaucoup de réussite pour cette 28ème édition du plus ancien des festivals de cinéma du monde arabe, les « Journées Cinématographiques de Carthage » du 4 au 11 novembre 2017.
Propos recueillis par Nayla Abdelkhalek