Les jeunes Ivoiriens qui ont été enrôlés et inconsidérément armés par le « général de la jeunesse », Charles Blé Goudé, s’apprêtent à entrer en action à Abidjan.
Dans le camp du président sortant, Laurent Gbagbo, une seule personnalité peut se targuer de faire l’unanimité, au point de susciter l’envie du premier ministre Aké M’bo ou du chef d’État-major de l’armée : c’est Charles Blé Goudé, le chef des Jeunes Patriotes prêts à mourir pour Gbagbo, récompensé par un poste de ministre de la Jeunesse dans le gouvernement parallèle officiant au quartier du Plateau.
Son appel aux jeunes pour qu’ils se fassent enrôler dans l’armée « afin de libérer la Côte d`Ivoire de ces bandits » (entendez les partisans du président déclaré élu Alassane Ouattara), a été largement suivi à Abidjan et dans d’autres localités du sud encore aux mains des forces loyales à Laurent Gbagbo, qui conteste sa défaite électorale proclamée par la Commission électorale et certifiée par les Nations unies. Dans un pays où des centaines de milliers de jeunes, la plupart sans diplômes ni qualifications professionnelles sont au chômage, c’est par milliers que les jeunes ont accouru à l’appel du « général de la jeunesse ». Souvent rétribués après « prestations » de façon officieuse par leurs commanditaires, selon certaines sources. Ces jeunes qui se font enrôler espèrent décrocher un emploi dans l’armée, pour mettre fin à la précarité de leurs vies confisquées par les crises à répétition que connaît le pays et l’égoïsme de la grande partie de la classe politique. Qu’adviendra-t-il si ces jeunes, après leur formation militaire sommaire et leur dotation en armes, étaient laissés par la suite en rade ?
L’hypothèse ne fait pas encore débat, l’essentiel étant, pour le camp Gbagbo, de passer le cap de la situation explosive actuelle où, pour la première fois depuis l’éclatement du conflit post-électoral, la peur a changé de camp, avec les actions des insurgés pro-Ouattara en plein cœur d’Abidjan, autrefois à l’abri.
Demain samedi 26 mars, le « général Blé Goudé », narguera à nouveau l’Onu qui l’a soumis à des sanctions depuis trois ans, en organisant un « soulèvement populaire » au cœur du quartier administratif du Plateau, à un jet de pierre du palais présidentiel. L’objectif, selon le chef des patriotes qui l’a dévoilé avant-hier, lors d’une réunion à Abidjan, est de démontrer que Gbagbo serait majoritaire dans le pays. Pour lui, il faut mettre fin à ce débat : Gbagbo est minoritaire versus Gbagbo est majoritaire. « Chacun doit venir avec sa natte, chacun doit venir avec son baluchon pour passer la nuit au Plateau ».
Alors que les jeunes patriotes s’apprêtent à suivre le mot d’ordre de leur champion, le camp Ouattara s’interroge sur les motivations réelles de ce soulèvement, Blé Goudé ayant déjà, plus d’une fois, fait part de son intention et de celles de ses troupes de déloger par la force « ceux qui se trouvent au Golf Hôtel d’Abidjan », à savoir le président Alassane Ouattara et son gouvernement qui y ont trouvé refuge et y restent sous bonne garde d’un contingent de la force onusienne en Côte d’ivoire et d’un détachement des forces armées des Forces nouvelles de Guillaume Soro. « Abidjan ne constitue pas seule la Côte d’Ivoire, et les urnes ont déjà démontré que le président Ouattara était majoritaire dans le pays », soutient ce militant du parti de Ouattara, pour qui il s’agit ni plus ni moins d’une « fuite en avant » du camp Gbagbo.
Comme si elles pressentaient un danger imminent, les populations d’Abidjan fuient en masse la capitale économique, où les différents camps affûtent leurs armes pour « l’assaut final » tant redouté.