Les islamistes menaceraient la « révolution de la jeunesse », qualifiée de « pure » par les médias. Les Frères musulmans se défendent de toute ingérence dans le mouvement de la place Tahrir.
Tandis que le président Hosni Moubarak s’accroche au pouvoir près de deux semaines après le début de la tempête politique déclenchée par les jeunes internautes du « Mouvement du 6 avril », les autorités égyptiennes ont lâché les médias officiels pour dénoncer « la menace islamiste » qui pèserait, selon eux, sur la « révolution de la jeunesse » qualifiée de « pure » par ces mêmes médias.
« Plus de 90% des jeunes qui refusent de quitter Place Tahrir – qui a vu affluer des centaines de milliers de manifestants deux vendredis de suite, le « vendredi de la colère » et le « vendredi du départ » pour réclamer la « chute du régime » – sont membres des Frères musulmans », a ainsi affirmé un journaliste de la télévision d’Etat, M. Abderrahim. Selon lui, le « Mouvement du 6 avril » a été dévoyé et récupéré par les jeunesses islamistes, qui ont chassé ses représentants authentiques de la Place Tahrir.
Il s’appuie sur la déclaration diffusée par la télévision d’Etat, d’un jeune se présentant comme faisant partie des initiateurs du mouvement des internautes, et selon lequel « les objectifs de la révolution ont été dénaturés par les Frères Musulmans ». Dans cette déclaration, le jeune Egyptien affirme que le groupe qu’il représente ne cherchait pas à « humilier » le président Moubarak en réclamant son départ, mais à attirer son attention sur les revendications de la jeunesse. « Maintenant que vous y avez répondu, nous avons décidé de rentrer chez nous », a-t-il ajouté.
Des milliers de jeunes refusaient pourtant, samedi 5 février après-midi, de quitter la place Tahrir avant l’annonce officielle du retrait du président Moubarak. Ils appelaient à un autre sit-in le lendemain et à une nouvelle journée de protestation vendredi suivant, baptisée cette fois « vendredi de la fermeté ».
Un porte parole des Frères Musulmans, Rashad Al Bayoumi, a démenti que le mouvement des jeunes Egyptiens était dirigé par les islamistes. « Nous restons en retrait », a-t-il dit dans un entretien au journal allemand Der Spiegel . « Nous ne voulons pas que la révolution en Egypte soit présentée comme une révolution des Frères Musulmans, une révolution islamique », a-t-il souligné. « C’est un soulèvement du peuple égyptien », a-t-il dit, en déplorant que le régime du président Moubarak « donne volontairement une vision déformée du mouvement afin de manipuler l’opinion publique ».
"L'Occident ne veut pas nous écouter. Nous ne se sommes pas des diables. Nous voulons la paix, pas la violence. Notre religion n'est pas diabolique. Notre religion respecte les croyants des autres religions, ce sont nos principes", assure-t-il.
Tandis que sur les ondes d’Al Jazeera, le prédicateur égyptien Youssef Qaradawi, président de l’Union des Oulémas (savants) musulmans, multiplie ses encouragements au mouvement des jeunes égyptiens – « ne bougez pas de votre place avant d’avoir obtenu le départ de Moubarak et réalisé tous vos autres objectifs » — le grand mufti d'Arabie saoudite a condamné les révoltes dans les pays arabes. Cheikh Abdel Aziz al-Cheikh, a qualifié ces soulèvements "d'actes chaotiques" menés par des "ennemis de l'islam", visant à "diviser" le monde musulman.
"Ces actes chaotiques viennent des ennemis de l'islam et de ceux qui les servent", a affirmé le grand mufti, dont la proximité avec la monarchie saoudienne en fait le porte-parole officiel en matière religieuse. "Inciter à la révolte (…) vise à frapper au cœur la nation (musulmane) et à la diviser", a-t-il ajouté. Il a dénoncé un « complot » visant les économies de l’Egypte et la Tunisie pour les « transformer en pays arriérés ».
Le roi Abdallah d'Arabie saoudite – qui a accorde l’asile au président tunisien Zine el-Abine Ben Ali – a téléphoné le 29 janvier au président égyptien Hosni Moubarak pour lui exprimer sa solidarité et dénoncer "les atteintes à la sécurité et la stabilité" en Egypte.