Les islamistes jordaniens exigent désormais la démission du Premier ministre, juste nommé par le roi Abdallah II.
Après avoir longtemps fait le jeu de la monarchie contre les partis progressistes, les islamistes jordaniens, sans totalement rompre avec le roi Abdallah II, exigent désormais qu’il démette de ses fonctions le nouveau Premier ministre, Maarouf Bakhit, à peine investi. Le roi Abdallah II, un allié stratégique des États-Unis et d’Israël, avait rappelé Maarouf Bakhit, un ancien Premier ministre (2005-2007), ancien conseiller militaire du roi, ancien ambassadeur en Turquie puis en Israël, pour remplacer l’impopulaire Samir Rifaï, afin de calmer une opinion publique remontée contre la corruption, la crise économique et le manque de libertés.
Le roi avait cru alors désamorcer la crise en demandant à M. Bakhit, de "prendre des mesures rapides et claires pour des réformes politiques réelles qui reflètent notre vision pour des réformes générales modernes soutenant notre action en faveur de la démocratie". "Nous voulons des réformes qui ouvrent la voie à notre peuple vers de larges possibilités et une vie décente qu'il mérite", avait déclaré le roi.
Après une brève accalmie, le bras de fer entre le Palais et l’opposition, principalement islamiste, a repris de plus belle. Le Front de l'action islamique (FAI), principal parti d'opposition en Jordanie, aile politique des Frères musulmans, bien que se défendant de chercher un changement de régime, revigoré par les révoltes égyptienne et tunisienne, n’a pas tardé à critiquer le choix de Maarouf Bakhit, estimant qu'il n'est "pas un réformateur".
Durant deux semaines l’opposition et les syndicats menaient des «Actions de la colère», protestant contre la flambée des prix, le fardeau fiscal, le chômage, la corruption et le despotisme politique.
Aujourd’hui la rupture semble scellée en Jordanie entre le gouvernement et les islamistes : le Premier ministre les accuse de "recevoir des ordres de l’Égypte et de la Syrie", tandis que le principal mouvement d’opposition appelle à sa chute, après la mort d’un manifestant le 25 mars.?Par ailleurs, Islamistes, partisans de gauche et le groupe "des jeunes du 24 mars", ont demandé le limogeage du Premier ministre, Maarouf Bakhit. Cheikh Hamzeh Mansour, chef du principal parti d’opposition, le Front de l’Action islamique (FAI), avait appelé vendredi 25 mars dans une déclaration à l’AFP au "limogeage de M. Maarouf Bakhit". Il a répété cet appel samedi 26 mars pendant une conférence de presse. "Ce gouvernement doit être limogé (…) ceux qui font couler le sang des citoyens perdent leur légitimité", a-t-il dit.?Un appel repris par le groupe des "jeunes du 24 mars".?"Nous demandons que soient limogés le Premier ministre, le chef des Renseignements, le chef de la Gendarmerie et leurs adjoints, et qu’ils soient jugés", a affirmé l’un de leurs représentants, Firas Mahaddine.?La confrérie des Frères musulmans, dont le guide suprême se trouve en Égypte, jouissait historiquement de relations privilégiées avec le pouvoir jordanien, qui lui a assurée une protection dans les années 1950 et 1980 lorsque ses membres étaient persécutés en Égypte et en Syrie.?En retour, les Frères musulmans avaient fait preuve de loyauté envers les Hachémites, la famille régnante.?Ils ont été également instrumentalisés par le Palais dans ses multiples tentatives de déstabilisation du régime syrien. Sur un ton inhabituel, le Premier ministre Maarouf Bakhit les a accusés vendredi 25 de "recevoir des instructions des dirigeants des Frères musulmans d’Égypte et de Syrie", estimant que leur refus du dialogue signifie leur choix "du chaos" dans le pays.?"Cessez de jouer avec le feu (…), cessez de cacher vos véritables intentions", a-t-il martelé à l’adresse des islamistes, dans des déclarations à la télévision jordanienne.?Ces violences, les premières de ce genre depuis les déclenchement des protestations il y a trois mois, ont fait un mort et 130 blessés, dont trois se trouvent dans un état critique.?Elles sont intervenues au moment où le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates s’entretenait en Jordanie avec le roi Abdallah II.?Le manifestant décédé, Khairy Jamil Saad, âgé de 55 ans, est mort à l’hôpital Hamzeh d’Amman.?Sa famille refuse de l’enterrer avant d’obtenir des excuses officielles et la démission du ministre de l’Intérieur, a déclaré samedi son fils à l’AFP.?Nasser Saad, 34 ans, a expliqué que son père, Khairy Jamil Saad, 55 ans, et lui se trouvaient sur la place du rassemblement des "jeunes du 24 mars" lorsque "la gendarmerie (les) a attaqués". Il a affirmé que son père "avait reçu plusieurs coups sur le corps qui ont mené à son décès", démentant la thèse officielle de la "crise cardiaque".?Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Saad Hayel Srour, a annoncé l’ouverture d’une enquête "pour déterminer les responsables des violences.?La police a démonté vendredi 25 le camp des "jeunes du 24 mars", un groupe rassemblant différentes tendances y compris des islamistes, qui campaient depuis jeudi 24 pour réclamer des réformes.?Le Premier ministre a annoncé que le gouvernement "ne permettra plus dorénavant des rassemblements qui entravent la circulation, portent atteinte aux libertés des autres et affectent leur gagne-pain".?Après les violences, 15 membres de la Commission de dialogue national, mise en place par le gouvernement pour lancer des réformes politiques et boudée par les islamistes, ont démissionné vendredi 25. Ils ont accusé le gouvernement de "massacre" et de "manque de sérieux dans son engagement pour les réformes". ?Avec ces démissions, qui s’ajoutent à six autres précédemment, le futur de cette commission, qui ne compte plus que 31 membres sur les 52, apparaît très incertain.
(Samedi, 26 mars 2011 – Avec les agences de presse)