Des pluies diluviennes se sont abattues sur le Mozambique et les fleuves Limpopo, Incomati, Save et Zambèze ont inondé de vastes régions du centre sud, forçant près de 200 000 personnes à fuir ou à chercher refuge sur les arbres ou les toits des maisons. Des bateaux et des hélicoptères sont venus leur porter secours. C’était le chaos jusqu’à Maputo. On a déploré près de cent morts. Des champs de maïs et de riz, mais également des zones arborées, ont été submergés par les eaux. Des jours difficiles nous guettent. Même ceux qui n’ont pas directement souffert de ce phénomène climatique seront touchés par les ajustements budgétaires auxquels l’État sera contraint. Il devra en effet réunir les ressources pour apporter de l’aide aux sans-abri, réhabiliter les routes, ponts et voies ferrées. La prévision d’un taux de croissance de 8,2 % pour 2013 devra sans doute être revue à la baisse.
En même temps, la multinationale Rio Tinto déclare une perte de trois milliards de dollars américains dans son opération minière à Moatize, dans la province de Tete, parce qu’elle n’a pas résolu la question de l’écoulement du charbon jusqu’à la mer. Elle avait imaginé transporter le minerai via des barges naviguant sur le Zambèze sur des milliers de kilomètres. Il aurait fallu recourir à des opérations permanentes de dragage du fleuve, avec des conséquences fort nuisibles pour des milliers de familles qui vivent le long des rives du fleuve, y pêchent, y puisent l’eau pour elles et leurs animaux, s’en servent pour les tâches domestiques, irriguer les champs, etc. Le gouvernement mozambicain a refusé le dragage. Reste la voie ferrée, plus chère, certes, mais la meilleure pour le Mozambique et son peuple. On verra où mèneront les discussions sur ces projets. Voilà encore des jours difficiles à venir.
Des jours difficiles aussi pour les travailleurs des mines de platine en Afrique du Sud : les patrons menacent de réduire la main-d’œuvre face aux hausses de salaires et au tassement des prix du platine. Des milliers de Mozambicains pourraient être touchés, ainsi que les immigrés du Zimbabwe et du Lesotho.
Sans compter la crise qui affecte le coton, le tabac et d’autres denrées exportables.
Malgré ces scénarios peu réjouissants, on peut envisager le maintien de taux de croissance relativement élevés au Mozambique, en Tanzanie, Angola, Namibie, Zambie, au Zimbabwe et au Botswana. On ne peut en dire de même pour le Swaziland, le Lesotho et l’Afrique du Sud.
Les conflits sociaux au Swaziland tendent à s’aggraver, ce à quoi l’État n’apporte pas de réponse, privé qu’il est des aides de pays donateurs touchés par la crise et écœurés par les fastes de la famille royale.
Le Lesotho, dont l’essentiel des revenus provient des travailleurs émigrés chez le voisin sud-africain, sera à son tour affecté par la crise des mines et de l’agriculture.
Confrontés à la demande de salaires plus conformes aux besoins, parfois exprimée par des émeutes et la violence, des fermiers blancs quittent le pays, y compris les riches régions viticoles du Cap en Afrique du Sud. L’apartheid avait créé une situation de tels privilèges pour les travailleurs blancs qu’ils avaient fini par gagner des salaires bien supérieurs à ceux de leurs homologues en Allemagne ou en Suède. Aujourd’hui, atteindre le niveau de vie des Blancs est au cœur des revendications de tous les non-Blancs, d’autant que ces derniers sont beaucoup plus touchés par le chômage.
L’apaisement des tensions raciales que Mandela a réussi à généraliser pendant son mandat s’effrite chaque jour. Les victimes de la dureté de la vie ne se contentent plus de mots, aussi beaux qu’ils soient. Il faut reconnaître que des dirigeants de l’ANC font très peu d’efforts pour dépasser le tribalisme, car, pour se faire élire, ils sont tentés de chercher des appuis sur cette base. Le président Zuma lui-même a quelquefois évoqué son appartenance à la communauté zouloue pour justifier sa polygamie ou ‑ oublions l’absurde ‑ le fait de n’avoir pas résisté à une aventure sexuelle avec une porteuse de HIV/sida au nom de la virilité intrinsèque à son ethnie. Les nouvelles générations sont de moins en moins attachées aux traditions ethniques et il faut croire qu’à moyen terme elles sauront abattre ces préjugés. À bientôt.