Stephen Okechukwu Keshi (Nigeria)
Le « Big Boss » des Super Eagles
Ils sont rares les grands joueurs d’hier qui, devenus entraîneurs, trouvent du boulot. Stephen Keshi, limogé par la Nigeria Football Association (NFA) de son poste d’entraîneur national adjoint, après la Coupe d’Afrique des nations 2002, a eu la chance de croiser sur sa route, en février 2004 à Tunis, un dirigeant passionné de foot, le général Seyi Mémène. L’ancien président de la Fédération togolaise de football (FTF) convainquit le Nigérian de prendre la direction de l’équipe nationale de son pays. Le 16 avril, Keshi signe avec le commandant Rock Gnassingbé, alors président en exercice de la FTF, un contrat de deux ans. Il remplace le Brésilien Antonio Dumas. « J’ai choisi de venir au Togo parce qu’il y a de bons joueurs, annonce-t-il d’entrée. Mon ambition est de les amener à la Can et à la Coupe du monde 2006. » Une double promesse qui sera tenue.
Stephen Keshi, né le 23 janvier 1962 à Lagos, fait partie du gotha africain. Jeune collégien, il est le capitaine de l’équipe de foot du Saint Finbarr’s College, un établissement d’où sont « sorties » d’autres vedettes du ballon comme Chibuzor Ehilegbu, Samson Siasia, et autre Henri Nwosu. Les ACB Lagos Rangers le recrutent en 1979. Il n’y fait pas long feu et rejoint le club huppé de l’État du Bénin, le Nigeria National Bank (NNB), qui remporte en 1983 et 1984 la Coupe de l’Union des fédérations de l’Ouest de l’Afrique (Ufoa). Capitaine de son équipe, Keshi gagne ses galons d’international à part entière chez les Green Eagles. Le sélectionneur Chief Festus Onigbinde le retient pour la Can 1984 qui se déroule en Côte d’Ivoire et lui confie le brassard. Ses coéquipiers le surnomment « Big Boss ».
Le Nigeria produit du beau jeu et atteint la finale après avoir éliminé le Ghana et l’Égypte. Las, Roger Milla et ses frères mettent fin à l’ambition des Aigles (1-3). Keshi répond favorablement à une offre du Stade d’Abidjan, qu’il quitte une année après pour l’Africa Sports. Christopher Udemezue remplace Onigbinde à la tête des Green Eagles. Il instaure de longs regroupements que Keshi refuse. Il est banni pour six mois et ne renoue avec la sélection qu’à l’occasion de la Can 1988. Entre-temps, il a émigré en Belgique.
Il boucle une saison au FC Lokeren avant de rejoindre le richissime Anderlecht, dont il va diriger la défense pendant quatre ans. À son palmarès belge, deux Coupes et un titre de champion. La Can 1988 est l’occasion de retrouvailles avec Roger Milla et le Cameroun. Mais, encore une fois, les Nigérians échouent en finale (0-1).
De la banlieue de Bruxelles, Big Boss part pour l’Alsace, en France, où il est engagé par le Racing de Strasbourg pour deux saisons, 1991-1992 et 1992-1993. Il retourne ensuite en Belgique, au Racing de Molenbeek. Avril 1994, il gagne la Can à Tunis et reçoit le trophée de l’Unité africaine des mains du roi Pelé. Il s’embarque en juin pour la World Cup USA 1994, mais ne dispute qu’un match face à la Grèce, à Boston (2-0). La même année, il décide de s’installer avec sa femme et ses cinq enfants à San Francisco.
Il endosse le maillot de CCV Hydras puis des Sacramento Scorpions avant de tenter une ultime escapade à Perlis en Malaisie. De retour en 1997 en Californie, il devient entraîneur par accident. En s’occupant des jeunes de l’école de sa fille Jennifer. La Fédération américaine l’envoie effectuer un stage en Hollande. Il est ensuite détaché auprès du football universitaire. La NFA le récupère en 1999 et en fait l’adjoint du coach hollandais Jo Bonfrere, puis de son successeur Amadu Shaibu. Il occupe le poste jusqu’en février 2002. Après deux ans de chômage, sa route croise celle des Éperviers du Togo. Avec le succès que l’on sait : une qualification pour le Mondial 2006. Sa force : la sérénité. Sa recette : jouer au ballon, construire, attaquer… Pas mal pour un ancien pilier défensif.
En janvier 2006, à cinq semaines mois du Mondial, il est limogé par le commandant Rock Gnassingbé et remplacé par l’Allemand Otto Pfister. En janvier 2007, la FTF change de président : Keshi est rappelé pour diriger les Éperviers qu’il quitte en 2008.
Il rebondit au Mali où une guerre de clans fait rage. Suivent quatre ans de galère. Et en 2012, le Nigeria le rappelle et lui refait confiance. Les Super Eagles prennent un nouvel envol et gagnent, le 10 février dernier, la 29e Can. Ils disputeront, à partir du 15 juin, au Brésil, la Coupe des confédérations.
Hassan Shehata (Égypte)
« Ingram » le romantique
Des bacchantes drues ornent un visage hâlé couronné par une coiffure afro et éclairé par un large sourire et une dentition d’une blancheur immaculée… Hassan Shehata, gueule de séducteur des comédies musicales égyptiennes, fut surnommé par le célèbre chroniqueur sportif cairote Neguib al-Mistakawi « Ingram », en référence à une marque de… dentifrice en vogue dans les années 1970 sur les rives du Nil. L’homme aimait bien en effet soigner sa mise, tout comme le footballeur peaufinait son style. Des joueurs comme Shehata, on n’en voit presque plus aujourd’hui, en Égypte. Un artiste, un vrai. Toujours en quête du geste technique ciselé. Un romantique et un jouisseur.
Hassan Shehata est un enfant du Caire où il est né le 19 juin 1949. À 18 ans, il porte fièrement le maillot blanc et rouge du Nadi Ezzamalek. Mais l’arrêt de la compétition en Égypte au lendemain de la guerre des Six Jours le contraint à s’exiler au Koweït, où il est embauché par Al-Kadhima. Il y évolue pendant trois ans.
En 1971, le ballon rebondit sur les pelouses nilotiques, Shehata retrouve le club de ses premières amours et lui sera fidèle jusqu’en 1983. Il est présélectionné en 1972. En 1974, l’Égypte accueille la IXe Coupe d’Afrique des nations. Les entraîneurs allemands Dietmar Cramer et Burkhard Pape titularisent le Zamlakawi dans l’entrejeu, aux côtés de ses deux coéquipiers de club, Farouk Gaafar « Onassis » et Taha Basri. Trois extraordinaires « manieurs » de balle qui distillent de superbes services au talentueux avant-centre Ali Abugreisha. Les Pharaons balaient les obstacles avant de fléchir, trahis par leur arrière-garde, en demi-finale face aux Léopards du Zaïre (2-3). Ils se rachètent en match de classement face au Congo : 4-0. Shehata est élu meilleur joueur du tournoi.
Deux années plus tard, sur les hauteurs d’Éthiopie, il dispute sa deuxième Can, toujours sous la conduite de Burhard Pape. Cette fois-ci, les performances sont en dents de scie et l’Égypte finit à la 4e place.
Avec Ezzamalek, Shehata est meilleur buteur du championnat national en 1976-1977 et 1979-1980. Il est champion en 1977-1978 et remporte trois coupes en 1975, 1977 et 1979. En 1980, au Nigeria, il est au rendez-vous de sa 3e Can, mais il doit se contenter de la quatrième place. En Coupe des clubs, il n’est pas mieux loti. En 1979, Ezzamalek parvient jusqu’aux quarts de finale avant d’abandonner le terrain face au Cercle sportif d’Imana, à Kinshasa. La carrière internationale prend fin en 1981, après une ultime pige au Koweït avec Nadi al-Arabi.
Hassan reste à Ezzamalek où on lui confie, de 1983 à 1985, l’équipe des moins de 20 ans. De 1986 à 1994, il est en service successivement au Nadi al-Khaleej (Émirats), au Mareekh (Égypte), à Shoutra (Oman), au Al-Ittihad d’Alexandrie et de nouveau à Shoutra. Il revient en 1995 à Ezzamalek qu’il quitte pour Menia, Sharquia, Nadi al-Shams et Suez. Les moustaches et les cheveux ont blanchi lorsque, en 2001, on lui confie l’équipe d’Égypte des moins de 20 ans. Le temps n’est plus au romantisme. « Captain » Hassan impose discipline et rigueur tactiques. Ses troupes sont championnes d’Afrique en 2003 et participent au Championnat du monde en Argentine. De retour du Mondial des jeunes, Shehata est embauché par Al-Muqawilun al-Arab (Arab Contractor’s) qui végète en division II. Il lui fait gagner la Coupe et la Super Coupe d’Égypte en 2004. Le 28 novembre, la Fédération égyptienne limoge l’Italien Marco Tardelli et demande à Shehata d’assurer l’intérim à la tête de la sélection. Elle le confirme, deux mois plus tard, dans ses fonctions jusqu’à fin 2006.
Shehata n’a pas de recette miracle. L’Égypte n’évite pas l’élimination du Mondial 2006, mais, du 28 novembre 2004 au 29 décembre 2005, elle gagne douze rencontres, en perd trois et fait match nul à deux reprises, totalisant trente-huit buts pour et treize contre. Le 10 février 2006, c’est la consécration. Au Caire, les Pharaons de Shehata l’emportent, à l’issue de la séance des tirs au but, sur les Éléphants de Côte d’Ivoire et remportent pour la cinquième fois la Coupe d’Afrique des nations. Ils récidivent en 2008, au Ghana, aux dépens du Cameroun (1-0), puis en 2010 en Angola, où ils dominent les Black Stars du Ghana (1-0). Trois couronnements consécutifs : du jamais vu en Coupe des nations !