Il y a une dizaine de jours, les rumeurs annonçant une attaque imminente djihadiste sur Idlib dans le nord ouest de la Syrie faisaient fureur. Idlib, capitale du gouvernorat qui porte le même nom, était jadis peuplée de 100 000 habitants. Elle est située à seulement quelques miles de la frontière turque et les forces gouvernementales syriennes ne détenaient qu’un couloir étroit vers elle.
Il y a trois semaines, le gouvernement turc a fermé au trafic civil tous les passages frontaliers à proximité entre Turquie et la Syrie. Il y a quatre jours, une coalition de Jabhat al-Nosra (la filiale officielle d’Al-Qaïda en Syrie), le groupe islamiste Ahrar al Sham et quelques petits groupes ont déclenché une offensive pour la conquête de la ville. Au moins 1 500 combattants ont pris part à l’attaque. Quatre véhicules bourrés d’explosifs furent lancés contre des barrages routiers tenus par les forces loyalistes, brisant ainsi les défenses extérieures de la ville.
L’armée syrienne a envoyé quelques renforts mais pas suffisants pour contenir les attaques venant simultanément de trois côtés. Aujourd’hui, les forces gouvernementales ont reculé et ont formé une nouvelle ligne de blocage au sud de la ville. Jabhat al-Nosra a publié des vidéos montrant certains de ses combattants dans le centre de la ville d’apparence vide. Cette carte de Peto Lucem montre la situation actuelle.
D’autres vidéos et photos sur Idlib ne montrent que très peu de véhicules capturés. Un T-62 semble avoir été détruit, un autre a été pris ainsi que trois transporteurs de troupes. Cela laisse penser que les troupes loyalistes avaient déjà retiré leurs armes lourdes en prévision d’un abandon de la ville aux assaillants.
Dans les circonstances actuelles, la ville était de peu de valeur stratégique, militaire ou économique. S’y maintenir nécessitait de gros efforts pour son réapprovisionnement. S’y retirer tout en intensifiant les efforts dans les zones plus stratégiques dans le sud et autour de Damas est la bonne décision d’un point de vue purement militaire. Mais du point de vue politique et de la propagande, il s’agit d’une perte.
Située à proximité de la frontière turque (et des bases américaines), qui ne lésinait pas sur les moyens pour soutenir Jabhat al-Nosra et les autres groupes djihadistes, il fallait à l’armée loyaliste d’énormes efforts pour tenir la ville contre une attaque déterminée par des forces supérieures en nombre, ce qui aurait affaibli les défenses des autres fronts ailleurs.
Il s’agit d’une coïncidence intéressante concernant trois événements simultanés dans trois pays :
– L’attaque contre Idlib ;
– L’intervention américaine contre les milices chiites participant à la reconquête de la ville de Tikrit en Irak ;
– L’attaque wahhabite contre le Yémen.
Tous ces événements semblent être conçus pour affaiblir les forces alliées Iran., et ce au moment même où les négociations à propos du programme nucléaire iranien en Suisse atteignent leur paroxysme. Est-ce une coïncidence qui suggère une coordination centrale de ces attaques destinées à affaiblir (psychologiquement) la position de l’Iran dans les négociations nucléaires ?