Le rapporteur spécial des Nations unies sur la justice transitionnelle au Soudan du Sud fera, dans sa communication, une proposition originale, très attendue.
À l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvre aujourd’hui à New York, au titre des questions africaines ce sera peut-être le cas du Soudan du Sud qui sera le plus discuté. En effet, le rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, Pablo de Greiff, a publié à cette occasion un document sur l’importance des événements qui se déroulent toujours actuellement dans le 55ème et dernier-né des pays d’Afrique et sur l’absolue nécessité d’entamer un processus de réconciliation nationale. Comme ce pays n’aurait pu être créé sans l’intervention active, tant sur le plan politique que diplomatique, voire même économique, des États-Unis, c’est de plein droit que le sujet sera évoqué dans les réunions plénières.
Le Soudan du Sud vit dans la guerre depuis maintenant plus de cinquante ans, d’abord au lendemain de l’indépendance, dans les années 1950, avec le pouvoir de Khartoum et maintenant, depuis la partition en 2011, par le biais d’une lutte interne entre communautés culturelles du sud qui a tout l’air d’une guerre civile, tant il y est employé d’armements modernes. Ce qui était, aux début des événements en décembre 2013, une simple lutte de pouvoir entre le président élu, Salva Kiir Mayardit et son vice-président Riek Machar, a dégénéré en conflit interethnique. Les atrocités qui se commettent chaque jour depuis décembre 2013 sont inimaginables, et les rescapés des massacres n’envisagent même pas que l’on puisse un jour leur rendre justice.
L’Union africaine a mis sur pieds une Commission d’enquête, en 2014, pour faire le point sur les violations des droits humains, mais l’impunité reste de mise. Les meurtres, les kidnappings et les disparitions sont monnaie courante et selon l’organisation Amnesty Internationale, les violences sexuelles sont commises à très grande échelle dans tout le pays. À mesure que le temps passe, les acteurs changent mais la dynamique de la guerre perdure.
La communication de Pablo de Greiff portera donc sur la prochaine mise en place d’un système de justice transitionnelle, centré sur les victimes. Celles-ci devront témoigner et faire part de la solution la meilleure qu’elles envisagent pour elles-mêmes, à chaque pour les institutions d’y faire droit. Cela pourra être très technique, comme des aides économiques, l’octroi de parcelles de terre ou des compensations financières.
Pablo de Greiff insiste sur l’opportunité qui sera donnée aux victimes de s’exprimer lors des réunions de commissions vérité et réconciliation, bâties sur le modèle sud-africain. À une différence près : pour les crimes les plus graves, les coupables seront renvoyés devant une cour pénale et devront passer en procès.
La disparité entre cour pénale et commission vérité et réconciliation est grande. C’est pourquoi pour qu’un processus de justice transitionnelle soit efficace au Soudan du Sud, Pablo de Greiff préconise la création d’un « tribunal hybride », sorte de moyen-terme entre ces deux institutions. Cette cour d’un nouveau genre accorderait donc une attention soutenue aux victimes, mettant en branle le processus de réparation. Elle coordonnerait les débats afin que nul ne soit obligé de porter témoignage deux fois sur le même sujet et que les coupables des crimes les plus graves soient condamnés à de lourdes peines de prison. Une première, que les spécialistes du pays attendent avec impatience de voir fonctionner.