En 2012, Benyamin Netanyahu déclarait à la tribune des Nations unies que l’Iran aurait sa bombe nucléaire dans moins d’une année. Il en appelait à une action internationale et invoquait la fameuse « ligne rouge ». Cependant, des documents fuités issus de ses propres services secrets, le Mossad, et au The Guardian, montrent qu’il n’en était rien. Un rapport secret concluait, quelques semaines plus tard, que l’Iran « n’était pas engagé dans les activités nécessaires à la production d’armes nucléaires ».
Les documents fuités estampillés « top secret » ou « confidentiel » couvrent une période allant de 2006 à aujourd’hui. Ils concernent, également, des informations détaillées sur des opérations contre al-Qaeda et autres organisations terroristes et sur des militants et des actions de mouvements écologistes, comme les contacts entre la CIA et le Hamas en dépit de l’interdiction américaine, le ciblage du dirigeant de Greenpeace par les services sud-coréens, les menaces de Barack Obama envers le président de l’Autorité palestinienne pour qu’il retire une demande de reconnaissance de la Palestine par les Nations unies, ou encore comment les services sud-africains ont espionné la Russie sur un accord controversé de $100 millions concernant un satellite.
Les documents secrets qui ont été authentifiés, concernent également les échanges entre l’agence sud-africaine de renseignement et ses partenaires dans le monde. D’autres documents sont issus des services russes, américains, français, jordaniens des Émirats, d’Oman et de plusieurs pays africains. Vingt mois après les révélations d’Edward Snowden ou WikiLeaks, sur la surveillance électronique planétaire par l’Agence de sécurité nationale américaine (NSA), ce nouveau fuitage révèle aussi comment l’Afrique prend une importance croissante dans l’espionnage internationale, qui s’explique par la concurrence nouvelle et accélérée entre les États-Unis et les puissances occidentales, d’un côté, et la Chine de l’autre, sur le continent.
Quant à l’affaire israélienne au regard du nucléaire iranien, il est clair que le Mossad avait un point de vue bien différent de celui de Netanyahou. Déjà en 2010, l’ex-chef du Mossad, Meir Dagan, avait démissionné après avoir refusé un ordre de Netanyahu de préparer une attaque militaire contre l’Iran. De même, on peut lire dans un rapport du 22 octobre 2012, que les services israéliens estimaient que l’Iran ne possédait que 20% d’uranium enrichi par rapport aux 90% que nécessite la production d’une bombe nucléaire. Cet uranium enrichi vestige de l’accord Eurodif avec la France, il y a plusieurs dizaines d’années, a, par la suite, été détruit aux termes de la convention de Genève en 2013, alors que l’Iran réaffirmait sa volonté de ne développer que des programmes nucléaires civils.
Ces révélations arrivent au moment où les relations entre les États-Unis et Israël sont tendues et juste avant le discours que doit prononcer Netanyahu devant le congrès américain, le 3 mars. Un discours qui ne manquera certainement pas d’attiser le feu contre l’Iran alors même que la Maison blanche est en train de négocier avec Téhéran et les six puissances mondiales le programme iranien nucléaire. Des négociations qui doivent aboutir au cadre d’un accord fin mars pour une conclusion définitive le 30 juin. Ce qui n’empêche pas le cabinet de Netanyahu de produire des communiqués alarmistes tels que celui de la semaine dernière disant que « l’Iran est plus près que jamais d’obtenir de l’uranium enrichi pour une bombe nucléaire », en réponse au rapport de l’Agence internationale pour l’énergie nucléaire, l’IAEA.
Benyamin Netanyahu agace les Américains et, signe du temps, Barack Obama ne le rencontrera pas lors de sa visite aux États-Unis, officiellement pour des raisons de protocole lié à la proximité des élections générales en Israël. Le 16 février, le secrétaire à la Défense, Leon Panetta mettait en garde contre les conséquences du discours à venir du Premier ministre israélien. « Je crains que l’intervention de Netanyahu ne divise les démocrates et les républicains et ne creuse un fossé dangereux ». L’invitation faite par le républicain John Boehner quelques heures après les menaces exprimées par Barack Obama au cours de son « Discours à l’Union », le 20 janvier dernier, d’apposer un veto contre toute mesure de sanction à l’encontre de l’Iran, était apparu comme une provocation et une tentative de sabotage des négociations avec l’Iran. « Nous devons revenir vers les présidents (américain, français, britannique, russe, chinois et allemand, NDT) et les élus au congrès qui peuvent œuvrer ensemble à essayer de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés », a déclaré Panetta, répondant aux propos de Netanyahu disant qu’il utilisera le discours pour critiquer la politique diplomatique de l’administration Obama envers l’Iran.
Source : www.theguardian.com
Traduit de l’anglais par : Christine Abdelkrime-Delanne