Cette analyse géopolitique est parue, dans sa version abrégée, dans le numéro de février 2017 de la revue Afrique Asie, dans le cadre d’un dossier de 36 pages intitulé : « Terrorisme, stade suprême du Wahhabisme ».
Introduction
Convaincus que le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les auteurs, le lieu et les buts, est inacceptable et injustifiable, les Etats membres de l’ONU avaient finalement pu adopter, le 8 septembre 2006, une démarche commune prévoyant des mesures globales, coordonnées et cohérentes visant à prévenir et combattre le terrorisme, dans le cadre d’une « Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies ». Mais, dix années plus tard, la « communauté internationale » n’est toujours pas parvenue à s’entendre sur une définition consensuelle de l’objet à combattre en commun. Or, celui-ci ne cesse de s’amplifier et de s’étendre en infligeant une dévastation et des souffrances indicibles, principalement aux Etats et aux peuples du monde arabo-musulman.
Paradoxalement, c’est à ces mêmes victimes et à leur religion majoritaire -l’Islam- que certains, au mépris des vérités historiques les plus établies, imputent la paternité du terrorisme transnational et, partant, la mise en péril de la paix et de la sécurité internationales.
Qu’en est-il au juste de la responsabilité des uns et des autres dans la naissance et l’expansion du phénomène de la violence dans les temps modernes ; une violence et ses conséquences contre lesquelles des penseurs visionnaires comme Malek Bennabi et Eric E. Hobsbawm[i] avaient pourtant mis en garde le monde, au siècle passé déjà ?
Les avis ici exposés sur cette thématique brûlante ne sont pas ceux exprimés par des officiels ou des penseurs arabo-musulmans ; ni par des victimes civiles innocentes ne trouvant personne pour leur donner justice concernant les bombardements aveugles et meurtriers d’avions et de drones occidentaux qu’ils subissent épisodiquement[ii] ; ni même par des Occidentaux, femmes et hommes de tous milieux, se convertissant à l’Islam nonobstant la diabolisation systématique dont celui-ci est l’objet de manière constante[iii]. Ils sont exprimés par des Occidentaux, situés à différents niveaux d’autorité et de responsabilité politique et morale, représentant l’avers et l’envers de la médaille du «terrorisme» et pointant du doigt la responsabilité historique de certains gouvernements de pays occidentaux dans les tragédies qui accablent les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et dont le terrorisme barbare n’est que la partie émergée de l’iceberg des méfaits d’une minorité d’acteurs hyperpuissants et sans scrupules. A l’évidence, pour une partie de cette minorité[iv], celle notamment appartenant au complexe militaro-industriel, la vie humaine et l’avenir de la civilisation universelle ne représentent, au mieux, que de la menue monnaie.
Ces avis sont représentatifs d’une voix «politiquement incorrecte» dont l’écho peine à se frayer un passage au milieu du tumulte médiatique des discours démagogiques des «nouveaux bien-pensants». Ce qui sera analysé dans cette étude c’est précisément ce que l’«érudition» de ces derniers ne dit pas ou ne veut pas dire concernant la face cachée du «terrorisme», tout entier et indûment collé à la peau de l’Islam et des musulmans, et qui explique dans une large mesure les tenants et les aboutissants du dérèglement de notre monde désormais irréversiblement globalisé.
A la recherche de l’introuvable définition commune du «terrorisme»
Il y a peu, le magistrat Vincent Sizaire, auteur d’un livre sur l’«imposture sécuritaire»[v], expliquait dans un article du MONDE diplomatique[vi] les difficultés qui s’attachent de nos jours à la qualification, sans risque de tomber dans le piège de la manipulation, de la notion de «terrorisme». Voilà plus de trente ans, dit-il, que «la même scène se rejoue. A chaque attentat présenté comme terroriste, les partisans d’un supposé réalisme sortent du bois et nous pressent d’adopter (enfin) des mesures qui, censées répondre à la gravité du péril, exigent la mise entre parenthèses plus ou moins durable de l’Etat de droit». Pour ce magistrat, la qualification de terrorisme relève davantage du rapport de forces politique que de l’herméneutique juridique puisqu’elle résulte nécessairement d’un rapport de forces et d’une appréciation politiques, au terme desquels les pouvoirs en place l’appliquent de façon plus ou moins discrétionnaire à tel phénomène délictueux plutôt qu’à tel autre. Il souligne à quel point il est problématique d’utiliser, aujourd’hui encore, le même terme pour désigner les activités de groupuscules fanatiques et obscurantistes et l’action d’opposants politiques à des régimes autoritaires. Car en fait, ajoute-t-il, qualifier un acte de terroriste contribue, au moins autant que les revendications de ses auteurs, à transformer ces derniers en «hérauts d’une philosophie, d’une religion, d’une doctrine politique ou, pis encore, d’une civilisation». Ce qui pourrait avoir pour effet indésirable de contribuer à rehausser la cause dont ces groupes se réclament et de nourrir leur pouvoir de séduction vis-à-vis d’une jeunesse en déshérence. Pour espérer désamorcer ce pouvoir, Sizaire est d’avis que le plus simple serait de refuser à ces groupes l’onction terroriste, pour ne les regarder que comme de vulgaires organisations criminelles ; autrement dit, de cesser de leur donner «fût-ce indirectement, crédit de leur prétention à représenter autre chose que leur appétit de pouvoir ou leur pulsion de mort».
Dès lors, il ne saurait être question pour nous, à travers ces lignes, de nourrir une quelconque prétention d’avancer une nouvelle définition de cette notion de terrorisme, qui soit moins équivoque que ce qui existe déjà. Il faut savoir en effet qu’il n’existe pas encore de définition consensuelle au niveau international à ce sujet. Alex Schmid et Albert Jongman recensent 109 définitions différentes dans leur livre[vii]. L’ONU n’arrive toujours pas à s’entendre sur une définition agréée de tous ses Etats membres depuis le 17 décembre 1996, date de l’adoption par l’Assemblée générale de la résolution 51/210 par laquelle il fut décidé de créer un Comité spécial chargé d’élaborer une convention générale sur le terrorisme international. Même les Etats-Unis d’Amérique d’où fut lancée la «guerre globale contre le terrorisme» (GWOT) en 2001, «personne n’est tout à fait sûr de ce qu’est au juste le terrorisme», à en croire Oliver Libaw d’ABC News[viii]. Ceci inclut les agences gouvernementales qui utilisent différentes définitions de cette notion. Libaw précise qu’en dépit de la pression exercée par les attaques du 11 Septembre sur le gouvernement pour s’accorder sur une définition unique, aucun résultat notable n’a pu être obtenu. Selon Richard Betts, Directeur de l’Institute of War and Peace Studies de l’Université de Columbia, cela est dû principalement au fait que «tout le monde peut trouver une exception à toute définition abstraite».
De beaux jours semblent ainsi promis à la fameuse expression «le terroriste de l’un, c’est le combattant de la liberté de l’autre»[ix], si souvent citée depuis qu’elle a été utilisée, pour la première fois en 1975, par Gerald Seymour dans son livre «Harry’s Game» dont la trame se déroule en Irlande du Nord autour d’une histoire de «terrorisme» de l’IRA.
Terrorisme, barbarie et… Islam !
Pour une certaine pensée en Occident, le terrorisme, la barbarie et l’intolérance sont consubstantiels à l’Islam en tant que religion ; ils ne constituent pas, comme l’affirment «certains intellectuels rendus aveugles par leur pacifisme», une déviation par rapport au «vrai Islam». Par conséquent, face aux «fous de Dieu» musulmans qui «considèrent le progrès comme un mal, la tolérance comme une faiblesse et le pacifisme comme un pêché» et sont «porteurs d’un appel au meurtre et à la destruction», il faut opposer une résistance et une lutte implacables dans le cadre d’une «longue Quatrième Guerre mondiale»[x] ; à l’instar de celles livrées par le «monde libre» contre le fascisme et le nazisme durant les Première et Seconde Guerres mondiales et contre le communisme durant la «Troisième Guerre mondiale» qui se serait achevée avec la fin de la Guerre froide en 1989.
Rien ne semble ébranler les certitudes des tenants de cette «pensée dominante» souvent qualifiée de néoconservatrice, véhiculée principalement par des think tanks occidentaux et israéliens et relayée par nombre de leurs redoutables médias de masse. Et il serait vain de leur rappeler, par exemple, qu’en l’absence d’une convention générale internationale sur le terrorisme (en raison notamment des divergences avec les pays occidentaux sur la définition du terrorisme, qu’il faudrait distinguer de la lutte légitime des peuples pour l’autodétermination et dans laquelle il faudrait inclure le «terrorisme d’État»), les Etats arabo-musulmans ont élaboré leurs propres instruments juridiques contre le terrorisme dans le cadre des ensembles régionaux auxquels ils appartiennent ; que dans les années 1990, un pays comme l’Algérie avait lutté seul contre le terrorisme, durant une décennie et devant un mutisme international douteux; un terrorisme qui lui a coûté plus de 200.000 morts et des pertes économiques estimées à plus de 30 milliards de dollars[xi] ; que les victimes de la «barbarie terroriste» continuent d’être à 95% musulmanes, vivant dans le monde arabo-musulman[xii] ; que les plus hautes autorités officielles et les grands savants de l’Islam ont condamné sans appel tant l’idéologie que les actions des groupes terroristes et que l’écrasante majorité des populations du monde arabo-musulman rejette le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations, comme le confirment les statistiques fournies par des agences et des instituts de sondage occidentaux eux-mêmes[xiii].
En son temps, Julien Benda dénonçait la « trahison des clercs » dans son livre le plus célèbre. Plus près de nous, Pascal Boniface épingle les « intellectuels faussaires » qui portent une lourde responsabilité dans « la place occupée par le mensonge dans le débat public ». Il vise en particulier ceux qui, recourant à l’amalgame, font référence au « fascislamisme » et s’inscrivent ainsi dans une démarche néoconservatrice qui prospère en Occident depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Nous avons déjà abordé cette problématique de l’Islam comme épouvantail mobilisateur et rassembleur en Occident dans un travail précédent[xiv]. Nous y avions notamment signalé «un dangereux glissement sémantique que nous ne cessons d’observer depuis la chute du Mur de Berlin: de la “lutte antiterroriste”, l’on est passé à la guerre contre le “terrorisme islamiste” puis à celle contre l’ “extrémisme islamique”. Et nous nous étions alors interrogés: «Assistera-t-on bientôt à l’abandon des qualificatifs superflus et des euphémismes hypocrites pour revendiquer ouvertement la guerre contre l’Islam tout court ?». Le temps semble nous avoir donné raison à ce sujet, comme nous le verrons à travers quelques exemples d’écrits récents.
Ainsi, Alexandre Del Valle, l’auteur du livre « Le complexe occidental: Petit traité de déculpabilisation », est convaincu que « l’Occident se trompe systématiquement d’ennemis depuis la fin de la Guerre froide en désignant comme tel la Russie, qui est pourtant un allié naturel géopolitique et énergétique face aux pôles totalitaires de l’islamisme, donc face à nos vrais ennemis ». Explicitant davantage sa pensée, il soutient que « la pire menace pour nos sociétés gangrenées de l’intérieur par des Etats et institutions islamiques ayant pour horizon la charia et qui ambitionnent de conquérir/islamiser l’Europe, n’est pas le djihadisme de Daech ou Al-Qaïda » dès lors que, pour lui, la source idéologique et théologique du djihadisme réside dans la charia, et que celle-ci n’est ni remise en question ni réformée par les pôles soi-disant « modérés »[xv].
Le même discours guerrier est adopté par l’historien Gabriel Martinez-Gros[xvi] qui estime que l’Occident est tellement soucieux de préserver paix et prospérité qu’il ne veut pas se donner les moyens de lutter contre la violence, et s’en trouve ainsi handicapé face aux terroristes. Instrumentalisant les thèses du grand penseur musulman Ibn Khaldoun, il pense que l’Islam « est une religion née armée, aux marges d’empires par définition pacifiés, Byzance et l’Empire sassanide, dont les tribus arabes formaient la contrepartie violente » et que les djihadistes d’aujourd’hui « ne font que prendre exemple sur Mahomet et les premiers califes ». Que faire alors ? Martinez-Gros affirme que face à ce qu’il appelle l’ « impérialisme de la culpabilité, un néocolonialisme de la repentance » et aux djihadistes, « la seule chose que peuvent opposer les démocraties, c’est l’action solidaire. Les producteurs de l’empire doivent faire face ensemble à la violence des confins ».
Pis encore, des intellectuels comme Del Valle et Martinez-Gros réussissent à entraîner dans leur sillage une nouvelle génération de chroniqueurs de service zélés, originaires du Sud. En effet, dans une singulière entreprise d’incrimination d’un « certain discours colonial qui absout les islamistes » et au mépris des faits historiques les plus avérés, ces chroniqueurs n’hésitent guère à s’en prendre publiquement et violemment à tous ceux qui vilipendent l’islamophobie rampante et qui se rendent « coupables » de ce fait d’une « dangereuse dérive qui, au nom de la dénonciation du crime colonial ou ‘impérialiste’, s’allie avec le discours islamiste » ! Ils enchaînent dans l’amalgame et l’auto-flagellation en affirmant que « l’Islam n’est plus la forme d’une foi, mais d’un refus de vivre et de laisser vivre (…) si aujourd’hui l’Islam est islamisme, c’est aussi par ce que les gens de sa foi se taisent, laissent faire et s’accommodent de la prise en otage de leur parole et de leur statut de victime pour geindre et confondre droits et abus »[xvii].
Devant une aussi grossière confusion des genres, comment s’empêcher de rappeler le mot retentissant d’Arundati Roy « désormais, la guerre est appelée paix et le noir est appelé blanc »? Et comment ne pas compatir avec ceux qui, vaillamment, tentent de faire entendre sur cette thématique du terrorisme « islamiste », voire « islamique », un discours plus constructif, différent de celui omniprésent d’aujourd’hui, à un moment où s’exacerbent partout les plaies de l’extrémisme, de l’islamophobie, du racisme, de la xénophobie et, au bout du compte, de l’affrontement de tous contre tous !
Dans le contexte français, qui est de nos jours le plus marqué par ces plaies, un débat d’opinion houleux sur le thème de l’identité -que les politiciens de toutes obédiences ne manquent pas d’exploiter en prévision de la prochaine élection présidentielle- s’est solidement installé. Mais des voix nouvelles commencent à émerger, comme le résume bien Nicolas Truong dans une tribune[xviii] : « En philosophie comme en économie, une fronde intellectuelle conteste cette hégémonie. Une réfutation de la notion, un rejet de son obsession, un ras-le-bol vis-à-vis d’un débat qui tourne en rond ». Ces frondeurs se sont fixé pour objectif premier de ne plus devoir choisir entre les deux discours les plus saillants dans ce débat : « celui des ‘républicains fervents et martiaux’ qui rejouent ad nauseam la patrie en danger (…) et celui des ‘amis des musulmans’ qui font de la lutte contre l’islamophobie le refuge de l’esprit frondeur et le point de ralliement contre le capitalisme (…) Ces deux positions sont aussi incomplètes et de mauvaise foi l’une que l’autre »[xix]. Pour Guy Sorman, « face à cette déferlante de l’intolérance, se taire serait une nouvelle trahison des clercs »[xx].
Pour les « intellectuels faussaires », adeptes de la thèse du « choc des civilisations » de Bernard Lewis et de Samuel Huntington et autres thuriféraires de l’extrême droite triomphante spécialement, et pour les faiseurs d’opinion en général, la lecture du dictionnaire des « barbares »[xxi] de l’historien Bruno Dumézil ne serait sans doute pas inutile. Fort opportunément, l’auteur y explique comment et pourquoi les Grecs ont inventé le mot « barbare ». Avant d’être une notion, dit-t-il, ce mot désignait « celui qui parle bizarrement ». A l’origine donc, les Grecs avaient un besoin anthropologique du « barbare » pour pouvoir se définir eux-mêmes: « Pour qu’il y ait des Grecs, il faut qu’il y ait des Barbares et, avant qu’il y en eût, il n’y avait pas vraiment de Grecs ». Ce mot devient ensuite synonyme d’ « un être menaçant (…) l’autre total, un autre militaire, politique, religieux, humain ». Une définition que l’on retrouvera plus tard, en permanence, chez d’autres civilisations. Il en sera ainsi pour la caractérisation de l’Islam et des musulmans, selon Dumézil : « l’Islam de ce point de vue, a subi des variations ondulatoires. Le musulman est barbare à l’époque de ‘La chanson de Roland’, où il est décrit comme le païen absolu[xxii]. Mais du temps des croisades, l’Occident découvre vraiment le musulman et son monothéisme. Il lui livre combat, mais passe son temps aussi à négocier avec lui. Il cesse d’être le ‘barbare’ qu’il redevient au XVIe siècle, au moment des grands affrontements avec les Turcs. Au XVIIIe siècle, la civilisation de l’Islam est idéalisée par les Lumières. Au siècle suivant, avec la colonisation, le musulman redevient barbare, ce qu’il cesse d’être avec la décolonisation ». Dumézil ajoute une judicieuse précision selon laquelle on parle aujourd’hui plus de barbarie que de barbare, car la dimension ethnique n’est plus acceptable. Mais, « dans ces termes devenus très vagues, on peut réinjecter tous les stéréotypes: le barbare est l’autre qui n’est pas comme nous ». C’est précisément à cela que Del Valle fait référence en parlant d’ « Etats et organisations étrangers qui n’adhèrent ni à nos coutumes et lois occidentales ni à la démocratie et au pluralisme religieux totalement bafoués chez eux »[xxiii].
La responsabilité de l’Occident dans la naissance et l’évolution du terrorisme transnational
D’aucuns estiment que l’islamisme radical et le djihadisme ne sont pas une « création » exclusive de l’Occident. Soutenir le contraire, argumentent-ils, équivaudrait à surestimer l’influence occidentale dans des régions comme le Moyen-Orient et le Sud-est asiatique où de nombreux autres facteurs, aussi bien locaux qu’internationaux, ont contribué à leur développement sur une longue période de temps. Ceci est vrai. Mais, il est un fait toutefois -dont se convainc un nombre croissant de penseurs, d’analystes politiques et de citoyens ordinaires de par le monde- que les politiques poursuivies par les puissances occidentales, anglo-saxonnes surtout, ont grandement favorisé l’émergence et l’expansion de ces phénomènes, notamment depuis les événements emblématiques du 11 septembre 2001 et leurs «sous-produits» guerriers afghan et irakien.
Le rôle de la Grande-Bretagne
Ce point de vue est partagé par Mark Curtis qui a documenté la collusion du Royaume-Uni avec l’Islam radical depuis le siècle dernier dans un livre[xxiv] qui a fait couler beaucoup d’encre depuis sa parution en 2010. S’appuyant sur une documentation fiable[xxv], il décortique un aspect de la politique étrangère britannique qui a été, longtemps, curieusement ignoré ou délibérément occulté par les grands médias. Cette connivence a « une longue histoire qui a contribué non seulement à la montée de l’Islam radical lui-même, mais aussi à celle du terrorisme international que la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale du gouvernement britannique désigne comme la plus grosse menace pour le pays » et que le plus haut gradé des militaires du Royaume a identifiée comme « le combat de notre génération, peut-être notre Guerre de Trente Ans ».
Curtis note que les raisons ayant conduit aux attentats de Londres du 7 juillet 2005, considérés par les Britanniques comme leur « 11 septembre », ont fait l’objet d’âpres discussions, notamment entre les commentateurs de droite qui blâmèrent la culture libérale ambiante et ceux de gauche qui considérèrent que ces événements sont imputables aux interventions militaires britanniques en Afghanistan et en Irak ainsi qu’au soutien apporté par Londres à Israël dans son conflit en Palestine occupée. Ce dernier point de vue était renforcé par les conclusions de deux rapports secrets précédant lesdits événements et ayant ultérieurement fait l’objet de fuites. Dans le premier rapport, datant d’avril 2005, la Commission Conjointe sur la Sécurité indique que « le conflit en Irak a exacerbé la menace provenant du terrorisme international et continuera d’avoir un impact sur le long terme. Il a renforcé la détermination de terroristes déjà engagés à attaquer l’Occident et motivé d’autres qui ne l’étaient pas encore ». Dans le second, intitulé « Jeunes musulmans et extrémisme », rédigé consécutivement à une réunion conjointe Ministère de l’Intérieur/Foreign Office, il était indiqué qu’il prévalait une perception de « duplicité » parmi nombre de musulmans en Grande-Bretagne qui pensent que la politique étrangère britannique, dans des endroits tels que l’Irak, l’Afghanistan, le Cachemire et la Tchétchénie, est « hostile à l’Islam ».
Curtis précise toutefois qu’il existe un maillon manquant dans cette chaîne narrative dans la mesure où la contribution du Royaume-Uni à l’émergence de la menace terroriste va bien au-delà de l’impact que ses guerres en Afghanistan et en Irak ont pu avoir sur quelques individus. Le plus important dans cette histoire est, selon lui, que les gouvernements britanniques, aussi bien travaillistes que conservateurs, ont, des décennies durant, connivé avec des forces radicales islamiques, y compris des organisations terroristes. Ils ont connivé avec elles, travaillé à leurs côtés et les ont, parfois, entraînées et financées, souligne-t-il, dans le but de promouvoir des objectifs spécifiques de politique étrangère et plus particulièrement ceux visant à préserver désespérément ce qui restait de puissance et d’influence britanniques au niveau international et surtout dans des régions considérées comme névralgiques mais où ils n’était plus possible d’imposer leur volonté et leurs intérêts de manière unilatérale ou en s’appuyant sur d’autres alliés locaux.
Dans une fiche de lecture de ce livre, publiée dans le quotidien The Independent, Kim Sengupta, écrit : « pendant des années, des groupes islamistes violents ont été autorisés à s’installer au Royaume-Uni, utilisant ce pays comme base de lancement d’attaques à l’étranger »[xxvi]. Ce fait était toléré dans la croyance que ces groupes ne commettraient pas d’attentats dans le pays où ils sont établis et qu’aussi longtemps qu’ils y demeureraient, les services de sécurité seraient en mesure de les infiltrer. Sengupta dit qu’il y avait même un nom pour cette « accommodation immorale: engagement de sécurité », et que « nous savons maintenant que les djihadistes feront sauter leur pays de résidence et que les agences de sécurité n’ont pas réussi à infiltrer les cellules terroristes lorsqu’elles en avaient la possibilité. Le prix en est payé aujourd’hui tant à l’intérieur qu’à l’extérieur » du Royaume-Uni.
Dans une autre fiche de lecture du même livre, Adam Brown[xxvii], écrit : « Cinquante ans durant, l’Occident, principalement la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, ont secrètement utilisé des individus et des groupes islamiques radicaux pour servir des objectifs de politique étrangère». Brown rappelle à cet effet que le Royaume-Uni a appuyé secrètement les services secrets pakistanais (ISI) qui sont « responsables de l’entraînement de milliers de terroristes, dont trois se sont trouvés impliqués dans les attaques du 7 juillet » et qu’en 1994 « Ben Laden a ouvert un bureau à Wembley, au nord de Londres, sous le nom de Advice and Reformation Committee. A partir de ce bureau il lança son djihad mondial ». Eu égard à cette histoire secrète qui se perpétue depuis cinquante ans, dit-il, le 11 Septembre et le 7 juillet peuvent être vus comme le résultat d’une politique étrangère occidentale connaissant un spectaculaire retour de bâton.
Il n’est pas inutile ici d’apporter un «éclairage français» sur ces racines britanniques du terrorisme, à travers le point de vue de Jacques Cheminade, candidat à l’élection présidentielle française 2017, exposé dans un entretien[xxviii] accordé lors d’un colloque organisé par l’Académie géopolitique de Paris à l’Assemblée nationale en 2014. Cheminade y indique qu’ «il est aujourd’hui fondamental de comprendre que les racines du terrorisme international (la violence infligée par principe à l’autre pour ce qu’il est) sont britanniques, pour éviter de commettre des erreurs d’évaluation désastreuses au sein des tempêtes politiques et stratégiques de notre temps». Il ne s’agit pas «de la responsabilité du Royaume-Uni proprement dite mais de la matrice impériale britannique qui a pris différentes formes dans son histoire», laquelle repose sur «une combinaison d’influence économique, de guerre irrégulière, de désorganisation des structures étatiques et de guerre globale, le terrorisme étant le levier permettant à la combinaison de fonctionner au plus haut niveau d’efficacité destructrice. Le terrorisme n’est donc pas un accident ou une arme isolée, mais une pièce maîtresse sur un échiquier complet. Il ne faut pas le penser d’abord comme un terrorisme d’Etat, bien qu’il puisse prendre cette forme, mais comme arme d’un Empire qui hier était maritime et colonial et qui est devenu aujourd’hui offshore ou hors sol, à partir de la City de Londres, de Wall Street et de leurs paradis fiscaux. Cet Empire récupère toutes les arriérations, tous les fondamentalismes religieux soi-disant régénérateurs et tous les archaïsmes, y compris l’outrage fait aux femmes, et en joue systématiquement».
Le rôle des Etats-Unis d’Amérique
En promouvant sa stratégie détaillée plus haut, La Grande-Bretagne a régulièrement collaboré avec les Etats-Unis qui ont une histoire similaire de collusion avec l’Islam radical, nous dit Mark Curtis: «En raison de la puissance britannique déclinante, les opérations anglo-américaines ont changé de nature à travers le temps, passant d’entreprises véritablement conjointes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à des actions où Londres prit l’habitude de jouer le rôle du partenaire mineur, souvent pourvoyeur de forces spéciales participant à des opérations dirigées par Washington. Occasionnellement, le Royaume-Uni a agi de facto comme le bras armé clandestin du gouvernement américain, faisant la « sale besogne » que Washington ne pouvait pas, ou ne voulait pas, faire».
Dans son livre paru en 2005, Robert Dreyfuss analyse de manière plus détaillée le rôle américain dans ce «jeu diabolique»[xxix]. Présenté comme étant la première enquête approfondie sur un soutien américain au « fondamentalisme islamique » qualifié de « plus dangereuse erreur de jugement » en matière de politique étrangère des Etats-Unis, ce livre est un témoignage essentiel. Basé sur des archives peu exploitées auparavant et sur de nombreuses interviews avec des décideurs politiques et des responsables issus de la CIA, du Pentagone et du Département d’Etat, il analyse les conséquences de « soixante ans d’efforts malavisés » des États-Unis dans le but de dominer la région économiquement et stratégiquement vitale du Moyen-Orient. Dreyfuss soutient que c’est cette alliance historique de Washington avec la droite islamique qui est à blâmer en ce qui concerne l’émergence du terrorisme islamiste dans les années 1990. Parmi les histoires cachées de cette collusion avec l’Islam radical révélées dans ce livre, figurent la rencontre, en 1953, entre le Président Dwight Eisenhower et un leader des Frères musulmans dans le bureau ovale de la Maison Blanche et l’alliance secrète scellée ultérieurement avec ce groupe « et ses mentors saoudiens contre le Président égyptien Nasser ». L’auteur y documente aussi « le financement par la CIA des Ayatollahs iraniens dans le cadre du coup d’Etat ayant remis au pouvoir le Chah d’Iran, l’appui des Etats-Unis aux efforts de l’Arabie Saoudite pour créer un bloc islamique mondial servant d’antidote au nationalisme arabe, ainsi que les liens anciens entre les fondamentalistes islamiques et les grandes banques occidentales ». Il raconte par ailleurs comment, dans les années 1970, « une clique de stratèges américains a exploité l’Islam politique afin de mener une guerre par procuration contre l’Union soviétique en Afghanistan, conduisant à la montée des Talibans ». Dreyfuss met ainsi en lumière une « histoire faite de duplicité et d’exploitation cynique qui se poursuit à ce jour, comme c’est le cas en Irak où les États-Unis appuient des radicaux islamistes alliés avec le clergé iranien ». Il en conclut que « loin de promouvoir la démocratie et la sécurité », cette politique produira, à coup sûr, d’autres « bévues et retours de manivelle » à l’avenir.
Pour sa part, Noam Chomsky -considéré par beaucoup comme le plus grand penseur vivant- réitéra dans une interview accordée en octobre 2014 au média américain TruthOut, à l’occasion de la parution de son livre sur « Les maîtres de l’humanité »[xxx], sa conviction maintes fois exprimée que les États-Unis, comme le Royaume-Uni avant eux, ont eu tendance à soutenir l’Islam radical et à s’opposer au nationalisme laïc que les deux États impériaux ont toujours vu comme plus dangereux pour leurs objectifs de domination et de contrôle. Quand les options séculières sont brimées, dit-il, l’extrémisme religieux remplit souvent le vide ainsi laissé. L’émergence de l’EIIL (Daech, pour l’acronyme arabe) et plus généralement la propagation du djihadisme «sont une conséquence somme toute naturelle du coup de massue de Washington contre la fragile société d’Irak qui arrivait à peine à maintenir sa cohésion consécutivement à une décennie de sanctions américano-britanniques tellement onéreuses et implacables qu’elles poussèrent les respectables diplomates internationaux chargés de leur mise en œuvre à travers les Nations Unies à présenter leur démission en signe de protestation tout en qualifiant ces sanctions de génocidaires ». Pour Chomsky, « une des sinistres conséquences de l’agression américano-britannique fut qu’elle enflamma les conflits sectaires qui déchirent à présent l’Irak en lambeaux et s’étendent à toute la région avec les conséquences désastreuses » que l’on sait. Dans cette même interview, Chomsky se déclara en accord avec Graham Fuller, l’ex-agent de la CIA devenu professeur d’université au Canada, qui affirmait à la même période que « Les Américains n’ont pas planifié la formation de l’EIIL, mais leurs interventions destructrices au Moyen-Orient et la guerre en Irak étaient les causes principales de la naissance de l’EIIL »[xxxi].
Robert F. Kennedy Jr., neveu du Président américain assassiné, J.F. Kennedy, a lui aussi examiné la longue histoire des interventions violentes de son pays dans la région du Moyen-Orient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il explique dans un long article du magazine américain «Politico»[xxxii] pourquoi il faut «aller au-delà des explications commodes de la religion et de l’idéologie». Nous devons examiner, dit-il, les raisons plus complexes de l’histoire et du pétrole et comment elles font souvent pointer un doigt accusateur en direction des rivages américains. Selon lui, le registre peu reluisant de ces interventions peu connues du peuple américain «a constitué un terrain fertile pour le djihadisme islamique qui rend aujourd’hui compliquée toute réponse efficace par notre gouvernement au défi posé par l’EIIL». Afin de comprendre la dynamique destructrice à l’œuvre au Moyen-Orient, il faut garder à l’esprit, ajoute-t-il, que «la CIA avait nourri le djihadisme violent en tant qu’arme de la Guerre froide». Il faut également être conscient du fait qu’ «au cours des sept dernières décennies, les frères Dulles, le gang Cheney, les néoconservateurs et consorts ont détourné ce principe fondamental de l’idéalisme américain et déployé notre appareil militaire et de renseignement au service des intérêts mercantiles des grandes entreprises et, en particulier, les compagnies pétrolières et les entrepreneurs militaires qui se sont littéralement enrichis de ces conflits».
Co-auteur avec N. Chomsky d’un livre[xxxiii] qui a fait date, André Vltchek a publié une tribune[xxxiv] où il dénonce la responsabilité de l’establishment américain et de ses principaux alliés dans le monde en matière de terrorisme transnational. D’emblée, il y donne le ton en affirmant que « si l’Occident en général, et les États-Unis en particulier, pliaient bagages et laissaient le monde arabo-musulman tranquille, nous ne verrions probablement plus jamais toutes ces attaques terroristes qui secouent aujourd’hui le monde, de l’Indonésie à la France ». Il soutient que « l’Islam a été usé et abusé, manipulé et pratiquement dépouillé de son essence ». Vltchek ajoute que « tel un enfant méchant, gâté et sans cœur, l’Occident, après avoir détruit l’Union soviétique, a soigneusement construit son nouvel ennemi -l’Islam militant- afin de pouvoir continuer à se livrer à son activité préférée qui est le conflit perpétuel, les guerres et les pillages sans fin ». Et que dire de la « guerre contre le terrorisme » ? Se demande-t-il: « Oui, une telle guerre existe bel et bien, mais ce n’est pas l’Occident qui la mène. Au moment d’écriture de ces lignes, la guerre contre le terrorisme est livrée par la Russie, l’Iran, la Chine, la Syrie, le Hezbollah et leurs alliés ! », tandis que l’Occident « continue de collaborer étroitement avec les terroristes. Comme par miracle, il ‘évite de les cibler’ lorsqu’il ‘est en guerre contre eux’; il finance les uns et entraîne les autres. Il critique et s’oppose à ceux qui sont réellement en train de combattre les groupes militants extrémistes ». Ceux-ci, dit-il, « ont été fabriqués à Washington, Riyad, Londres, Doha (et très probablement même à Tel Aviv) pour plusieurs raisons concrètes, toutes absolument immondes ». Et de conclure sa tribune en affirmant qu’ « il y a eu trop d’ ‘épisodes’[xxxv], trop de sang…il est temps de dire ce qui paraît désormais évident: l’establishment américain n’est pas en train de lutter contre le ‘terrorisme musulman’, ou même l’ ‘extrémisme’; il est en train de les fabriquer et de les injecter partout ».
Par ailleurs, un article[xxxvi] du magazine électronique américain Foreign Policy Journal datant d’août 2015, nous apprend que la Maison Blanche avait pris la décision d’aider les rebelles armés en Syrie malgré les avertissements des services secrets qui prévoyaient l’avènement du groupe État islamique. Cette information stupéfiante a été confirmée par l’ancien chef de la Defense Intelligence Agency (DIA), le Lieutenant Général Michael Flynn, lors du dernier épisode de l’émission « Head to Head » de la chaîne satellitaire qatarie Al Jazeera. Ce très haut fonctionnaire des renseignements du Pentagone (démissionnaire de son poste en avril 2014, à la surprise générale) fut auparavant le Directeur des renseignements pour le Centre de commande des opérations spéciales et, en cette qualité, avait pour principale mission de traquer Oussama Ben Laden et de démanteler Al-Qaïda. Durant l’émission, Flynn affirma que non seulement il avait bien étudié le rapport secret de sept pages de la DIA lorsqu’il lui fut soumis en 2012, mais aussi que le sponsoring de groupes djihadistes radicaux (qui deviendront EI et Al Nosra) par la Maison Blanche et le transfert d’armes vers ces groupes dans le but de contrer le régime d’Al Assad furent « une décision délibérée ». Le rapport, déclassifié en 2015 par décision de justice, disait à ce sujet: « Il existe une possibilité d’établir une principauté salafiste en Syrie orientale et c’est exactement ce que veulent les puissances soutenant l’opposition syrienne, afin d’isoler le régime syrien ».
Une autre information troublante concernant le rôle des Etats-Unis dans l’exacerbation de la menace terroriste dans le monde a été avancée dans une interview accordée par Nada Bakos[xxxvii], une ancienne analyste de la CIA ayant fait partie de l’équipe de la Navy Seal qui a traqué et retrouvé Ben Laden à Abottabad au Pakistan en mai 2011. Selon elle, les Etats-Unis ont commis une erreur monumentale en n’éliminant pas au plus vite Abou Mousaab Al-Zarqawi, le leader d’Al-Qaïda en Irak, l’ancêtre de l’EI, alors qu’ils en avaient la possibilité, avant même l’invasion de l’Irak en 2003. Elle affirme que c’est le Président George W. Bush qui avait refusé d’autoriser le tir, car celui-ci risquait de perturber les plans d’invasion et que si Al-Zarqawi avait été éliminé à ce moment-là, l’EI « n’aurait certainement pas le pouvoir qu’il a aujourd’hui ».
Ces informations et d’autres ont été rappelées dans un film documentaire de 52 minutes diffusé par la chaîne de télévision ARTE[xxxviii] qui explique « comment, de Bush à Obama, l’Amérique a laissé prospérer la terreur aveugle dont Daech a repris le flambeau. D’anciens membres du renseignement, des représentants des forces américaines en Irak, l’ancien Secrétaire d’Etat Colin Powell et des experts du terrorisme retracent, archives à l’appui, les treize ans de guerre perdue contre la terreur ».
Enfin, et ce n’est pas le moins important, lors de la campagne présidentielle américaine de 2016, le candidat républicain, Donald Trump, a déclaré qu’il maintenait les propos qu’ils avait tenus auparavant en Floride, selon lesquels le Président Barack Obama « est le fondateur de l’EIIL ». Et quand l’animateur conservateur de l’émission de radio, Hugh Hewitt, tenta de clarifier la position de D. Trump en disant qu’il l’avait comprise comme signifiant « qu’il (Obama) a créé un vide, qu’il a perdu la paix », le candidat Trump objecta en affirmant « Non ! Je voulais dire qu’il est le fondateur de l’EIIL. Je le pense vraiment. Il a été l’acteur le plus utile. Je lui attribue le titre de meilleur acteur, tout autant d’ailleurs qu’à Hillary Clinton ».
Le rôle de la France
Réagissant aux attentats terroristes qui ont frappé la France en dernier lieu, deux auteurs français aux convictions politiques différentes font une lecture très similaire des origines du « terrorisme islamiste » qu’ils lient étroitement aux interventions militaires occidentales dans le monde musulman.
Ainsi, dans son dernier livre[xxxix], le philosophe Michel Onfray estime que « nous nommons barbarie ce que nous ne voulons pas comprendre ». Pour lui, « l’Islam terroriste » a été partiellement créé par l’Occident belliqueux. Dénonçant ce qu’il appelle « les guerres coloniales contemporaines » menées par certains pays occidentaux dont la France, il considère que les régimes islamiques ne menacent l’Occident que depuis que celui-ci les menace et que « nous ne les menaçons que depuis que ces régimes aux sous-sols intéressants pour le consumérisme occidental ou aux territoires stratégiquement utiles pour le contrôle de la planète manifestent leur volonté d’être souverains chez eux ». Onfray se demande: « Si les droits de l’homme étaient la véritable raison des attaques françaises aux côtés, comme par hasard, des États-Unis, pourquoi n’attaquerions-nous pas les pays qui violent les droits de l’homme et le droit international? » Et, allant jusqu’au bout de cette logique, il lâche: « Pourquoi ne pas bombarder la Chine ? Cuba ? L’Arabie Saoudite ? L’Iran ? Le Pakistan ? Le Qatar ? Ou même les États-Unis qui exécutent à tour de bras, sinon Israël que les résolutions de l’ONU condamnent depuis si longtemps pour sa politique de colonisation dans les territoires palestiniens ? ». La conséquence qu’il tire de cet état de fait est que les droits de l’homme ne sont qu’un alibi pour continuer le colonialisme sous le prétexte politiquement correct de l’humanitaire, ou celui, politiquement rentable, d’apaiser les peurs des citoyens occidentaux, avant de conclure : « Nous devrions réserver nos guerres au strict cas défensif avéré. Attaquer en disant que l’on agit de manière préventive est une sophisterie qui n’abuse que les victimes de l’idéologie dominante ».
De son côté, Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la défense français, affirme dans un entretien accordé à un quotidien suisse[xl] que la France « est en train de payer au prix fort une guerre qui n’est pas la sienne ». Tout comme Onfray, il ne croit pas aux prétextes mis en avant pour justifier les interventions militaires occidentales dans le monde musulman. Il estime plutôt que « nous défendons nos intérêts commerciaux, économiques, pétroliers, énergétiques dans les pays du Golfe ». S’agissant du pourquoi de l’engagement de la France en Syrie, après la prudence qu’elle a affichée il y a quelques années en Irak, il dit: « Ce retournement s’explique par l’arrivée d’une série de néoconservateurs au Quai d’Orsay, avec Nicolas Sarkozy d’abord puis avec François Hollande. Des néoconservateurs qui se sont donné pour but de renouer des liens étroits avec Washington. La décision prise par Jacques Chirac de ne pas intervenir aux côtés des Etats-Unis en Irak en 2003 a créé un traumatisme considérable dans le système diplomatique du Quai d’Orsay, au point de provoquer un violent retour de balancier ». Conesa cite à cet égard l’exemple de l’intervention française en Libye. La France, dit-il, a « fait à son échelle ce que Bush avait fait en Irak, c’est-à-dire détruire un régime et laisser derrière elle un chaos qu’elle n’a aucune capacité à gérer ». Pour lui comme pour d’autres intellectuels et analystes politiques occidentaux, l’idéologie salafiste est un problème interne à l’Islam. La cible principale des salafistes, fait-il remarquer, «ne sont d’ailleurs pas les Occidentaux, ce sont les chiites, puis les soufis, puis les ‘mauvais musulmans’. Qu’avons-nous à monter en première ligne pour la combattre ? ».
En Syrie, en particulier durant la période où Laurent Fabius était à la tête du Quai d’Orsay, cette politique interventionniste hasardeuse s’est traduite par un soutien total aux rebelles luttant contre le régime d’Al-Assad. Estimant que le départ de ce dernier « n’est qu’une question de semaines », Fabius affirmait en août 2012, lors d’un déplacement à la frontière turco-syrienne, que « Bachar Al-Assad ne mériterait pas d’être sur terre ». Et, en décembre de la même année, réagissant à la décision de Washington de placer Jabhat Al-Nosra, une branche d’Al-Qaïda, sur sa liste des organisations terroristes, il déclarait : « tous les Arabes étaient vent debout » contre la position américaine « par ce que, sur le terrain, ils (les éléments d’Al-Nosra) font un bon boulot »[xli] . Le quotidien parisien Le Figaro rapporte à ce propos que « des Syriens, dont des proches ont été victimes de rebelles, ont demandé au tribunal administratif de Paris une réparation symbolique d’un euro, ‘pour les fautes personnelles commises par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, dans ses fonctions’ « [xlii].
Cet état délétère de l’environnement géopolitique international ajouté à la polarisation idéologique et sociale due au débat sur le « terrorisme islamiste » en France ont été jugés suffisamment sérieux par un ministre de la défense occidental pour leur consacrer un livre. Il s’agit d’un opuscule, digne d’intérêt, intitulé « Qui est l’ennemi ? « [xliii], dans lequel Jean-Yves Le Drian répond non seulement à la question de savoir si la France est en guerre depuis les attentats terroristes de 2015, mais aussi et surtout à celle de la désignation de l’ »ennemi » de l’Occident, aujourd’hui et demain. Il y explique que la France est bel et bien en guerre, mais une guerre inédite représentant « une rupture grave et sans nul doute durable de la situation d’insularité stratégique dans laquelle semblait nous placer la fin de la Guerre froide ». Si ses affirmations concernant la désignation de l’ennemi d’aujourd’hui, Daech en l’occurrence, et la nécessité de le vaincre par tous les moyens, n’ont rien d’une révélation, il en est autrement concernant le plus large spectre de menaces liées aux « ennemis en devenir ». Dans cette catégorie de « nouveaux ennemis » sont rangés les acteurs étatiques et non étatiques répondant à trois types de profil. Le premier, concerne ceux qui récusent « la suprématie technico-militaire occidentale ». Le second, est représenté par ceux qui partagent la vision, exposée dans un livre de stratégie militaire[xliv] devenu célèbre depuis sa publication en 1999, écrit par deux colonels de l’armée chinoise. Dans cette vision, il est expliqué comment une nation comme la Chine peut défaire un adversaire qui lui est supérieur sur le plan technologique (comme les Etats-Unis) en utilisant une variété de moyens incluant le droit international et différents outils économiques susceptibles de placer l’adversaire dans une mauvaise posture, sans avoir à recourir à une action militaire directe. Le troisième, concerne l’ « ennemi hors limites », qui serait ainsi le corollaire de ladite « guerre hors limites » et pour qui la population civile « est bien devenue un objectif militaire majeur, qu’il s’agisse de la menacer, de l’atteindre ou de l’influencer ». Car comme l’écrivent dans un livre[xlv] deux colonels français, « les guerres actuelles et futures sont des guerres du découragement » et les populations civiles occidentales se retrouvent de ce fait aux prises directes avec une menace qu’elles pouvaient tenir à distance jusque-là, dans le confort de l’observation.
Il serait équitable ici -comme nous l’avons fait précédemment pour le Royaume-Uni- de donner un éclairage britannique sur ce rôle de la France. En effet, dans son rapport[xlvi] rendu public le 14 septembre 2016, le Parlement britannique accable à la fois le Premier Ministre de l’époque, David Cameron, et le Président français Nicolas Sarkozy pour leur mésaventure militaire commune, avec l’appui des Etats-Unis, en Libye en février/mars 2011. Jugeant que la soi-disant menace contre la population de Benghazi était « nettement exagérée », le rapport accuse Nicolas Sarkozy d’avoir favorisé cette intervention, notamment pour « accroître l’influence française en Afrique du Nord » mais aussi pour « améliorer sa situation politique en France ». Il conclut également que le résultat de l’intervention est « un effondrement politique et économique, des affrontements entre milices et tribus, des crises humanitaires et migratoires, des violations des droits de l’homme à grande échelle, la dissémination des armes du régime de Kadhafi dans toute la région et l’expansion de l’Etat islamique en Afrique du Nord ».
Conclusion
Dans son livre précité, Michel Onfray fait remarquer, très justement, que sur la thématique que nous avons abordée dans cette étude, « les choses ne sont pas aussi simples que ce que, de part et d’autre, on voudrait nous faire croire, d’où la nécessité de se remettre à penser. Sur ce sujet comme sur d’autres ». Parmi ceux-ci, nous voudrions inviter le grand public à méditer la sagesse d’un penseur qui disait qu’autrefois on fabriquait des armes pour livrer des guerres, mais aujourd’hui on fabrique des guerres pour livrer des armes.
Force est malheureusement de constater que la rhétorique sur le « choc des civilisations« , ressassée à l’envi depuis la fin de la Guerre froide et la disparition subséquente de l’ »ennemi nécessaire », semble avoir atteint l’objectif qui lui a été assigné, notamment par ceux qui profitent et tirent les ficelles de la perpétuation des conflits dans le monde. Elle a ainsi produit un redoutable « choc des fondamentalismes »[xlvii] qui a remis au goût du jour les notions de « revanche de Dieu », de « croisades » et de « djihad » et en a ajouté de nouvelles comme celle d’ »islamofascisme ». La conséquence de cette tournure dramatique des événements s’exprime, sur le terrain de l’affrontement recherché et obtenu, par un « choc des barbaries »[xlviii] que les plénipotentiaires des nations réunies à San Francisco résolurent pourtant de bannir, au sortir des dévastations de la Seconde Guerre mondiale.
Or, le grand danger associé à cette évolution est que depuis cette dernière guerre marquée par les bombardements de Hiroshima et Nagasaki, le monde est entré dans l’âge de l’ « arme suprême » -l’arme atomique-, mais aussi des autres armes de destruction massive, et que la guerre que nous promettent et promeuvent activement les extrémistes de tous bords est une « guerre cosmique » pour « le triomphe du Bien contre le Mal ». Pour certains parmi ceux-ci, il s’agit là d’une guerre religieuse, l’ultime guerre, celle précédant l’Apocalypse ou la fin du monde, et dont le théâtre d’opérations nous est fixé, par les uns, à « Armageddon« [xlix], et par les autres, à « Dabiq« [l], endroits tous deux situés au Levant, qui englobe la Syrie aujourd’hui à feu et à sang…
Est-ce à cette seule « fatalité » terrifiante que le monde civilisé doit désormais se résigner et se préparer ?
[1] Chercheur algérien en relations internationales, auteur notamment du livre «L’Orient et l’Occident à l’heure d’un nouveau ‘Sykes-Picot’», paru en septembre 2014 aux éditions Alem El Afkar, Alger.
[i] Consulter en particulier son livre paru en 1984 sous le titre «L’Age des extrêmes, histoire du court XXe siècle».
[ii] Comme par exemple les dizaines de civils dont des enfants et des femmes qui ont péri à la suite des raids menés par la coalition occidentale les 19 et 20 juillet 2016 près de la ville de Manbij dans le nord de la Syrie, en représailles à l’attentat terroriste du 14 juillet à Nice en France. Ces frappes, passées sous silence dans un premier temps, ont été qualifiées par Le Monde et Libération de «plus grosse bavure» de la coalition depuis son entrée en action en septembre 2014.
[iii] Lire à ce sujet: Le rapport de Pew Research Center publié en avril 2015 sous le titre “The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050”.
[iv] Lire à ce sujet les livres de Joseph Stiglitz: «The Price of Inequality: How Today’s Divided Society Endangers Our Future», W.W. Norton & Company, 2012 et «The Great Divide: Unequal Societies and What We Can Do About Them», W.W. Norton & Company, 2015, où il aborde les effets néfastes sur la société dans son ensemble de l’élargissement continu du fossé entre les «très riches» et les «autres», les premiers représentant seulement 1 pour cent de la population, mais détenant l’essentiel de la richesse nationale et mondiale !
[v] Vincent Sizaire, «Sortir de l’imposture sécuritaire», éditions La Dispute, Paris, 2016.
[vi] Intitulé «Une notion piégée: Quand parler de « terrorisme » ?», Le MONDE diplomatique, août 2016.
[vii] Alex Schmid & Albert Jongman, «Political Terrorism: A New Guide To Actors, Authors, Concepts, Data Bases», Transaction Publishers, 1988.
[viii] Oliver Libaw, «How Do You Define Terrorism ?», ABC News Network, 11 octobre 2015.
[ix] Lire également l’article de Conor Friedersdorf, «Is One Man’s Terrorist Another Man’s Freedom Fighter ?», magazine The Atlantic du 16 mai 2012.
[x] Norman Podhoretz, «World War IV: The Long Struggle Against Islamofascism», Doubleday, 2007.
[xi] Lire l’article «L’Algérie plaide pour une nouvelle stratégie mondiale de prévention du terrorisme», Algérie Presse Service, 24 janvier 2016.
[xii] Le rapport 2015 de Global Terrorism Index, publié en novembre 2015, indique que l’année 2014 a été la plus meurtrière du XXIe siècle en matière de terrorisme avec 32.658 morts contre 18.000 enregistrés en 2013 (80% d’augmentation) ; que les attaques terroristes sont concentrées dans cinq pays à majorité musulmane : Afghanistan, Irak, Nigeria, Pakistan et Syrie, totalisant à eux seuls 78% des morts et 57% du total des attaques, l’Irak enregistrant trois fois plus de morts en 2014 que l’ensemble des morts recensés dans le monde entier en 2000 ; que l’Occident est remarquablement protégé du terrorisme, sauf pour ce qui concerne les «loups solitaires» dont le nombre est en augmentation : 2,6% «seulement» des décès intervenus dans des attaques terroristes depuis le début du 21è siècle ont eu lieu en Occident (en excluant les 3000 morts du 11 septembre 2001, cette proportion tombe à 0,5%).
[xiii] Selon un sondage réalisé par Pew Research Center en novembre 2015 dans 11 pays à majorité musulmane (dont le Nigeria, la Jordanie et l’Indonésie), de très larges majorités, atteignant 99% au Liban, ont une vue très négative de l’EIIL (Lire l’article : «In nations with significant Muslim populations, much disdain for ISIS»).
[xiv] Dans notre livre « L’Orient et l’Occident… », op. cit.
[xv] Lire son article paru sur le site « Atlantico » sous le titre « Le Koweït, plus grand financier des djihadistes anti-occidentaux…« , le 29 août 2016.
[xvi] Auteur du livre « Fascination du djihad: fureurs islamistes et défaite de la paix« , éditions P.U.F, septembre 2016. Lire à ce sujet l’entretien paru dans le no. 2295 du magazine Le Point du 1er septembre 2016, sous le titre « Gabriel Martinez-Gros: Il faut sortir du discours victimaire« .
[xvii] Lire la chronique intitulée « L’Islamophobie, fille de l’islamisme« , Le Point, op. cit.
[xviii] Nicolas Truong, « Ces intellectuels qui veulent sortir du piège identitaire« , Le Monde, 2-3 octobre 2016.
[xix] Matthieu Amiech, « Contre l’islamisme, ni ‘Causeur » ni ‘Crieur’« , Le Monde, ibid.
[xx] Guy Sorman, « Finissons-en avec l’horreur identitaire !« , Le Monde, ibidem.
[xxi] Bruno Dumézil, sous la direction de, « Les Barbares« , éditions P.U.F, septembre 2016.
[xxii] Dans son livre « La Chanson de Roland« , Flammarion, 1993, Jean Dufournet décrit comment étaient dépeints
les Sarrasins (mot issu de l’arabe Charqiyyin signifiant « Orientaux ») du temps de cette chanson.
[xxiii] Alexandre Del valle, op. cit.
[xxiv]Mark Curtis, « Secret Affairs: Britain’s Collusion With Radical Islam« , Serpent’s Tail, Londres, mai 2011.
[xxv] Selon l’auteur, le livre résulte partiellement de plusieurs mois de recherche auprès de la «National Archives» de Londres.
[xxvi] Kim Sengupta, « Secret Affairs, by Mark Curtis« , The Independent du 30 Juillet 2010.
[xxvii] Adam Brown, « Secret affairs with radical Islam: why Britain’s covert foreign policy needs to change« , blogs.lse.ac.uk, 8 novembre 2010.
[xxviii] Jacques Cheminade, “Les racines britanniques du terrorisme international”, site de Solidarité et Progrès, 16 décembre 2014.
[xxix]Robert Dreyfuss, « Devil’s Game: How The United States Helped Unleash Fundamentalist Islam« , Metropolitan Books, New York, 2005.
[xxx] Noam Chomsky, « Masters of Mankind: Essays and Lectures, 1969-2013« , Haymarket Books, Chicago, septembre 2014.
[xxxi] Citation tirée d’une interview accordée par G. Fuller au quotidien turc « Radikal » le 1er septembre 2014, reprise par le site « Al-Monitor » dans un article daté du 14 septembre intitulé « Former CIA officer says US policies helped create IS« .
[xxxii] Paru sous le titre «Why the Arabs Don’t Want Us in Syria» dans l’édition du 22 février 2016 dont nous avons réalisé la traduction française suivante :
[xxxiii] Intitulé «L’Occident terroriste, d’Hiroshima à la guerre des drones», éditions Ecosociété, mai 2015.
[xxxiv] Andre Vltchek, « Hillary Clinton is Spreading Islamist Extremism« , Informationclearinghouse.info, 26 août 2016.
[xxxv] Allusion faite probablement aux « bavures » de certains raids aériens américains ayant coûté la vie à des soldats des armées irakienne et syrienne ou aux largages « par erreur » d’armes à Daech.
[xxxvi]Brad Hoff, « Rise of Islamic State was a ‘Willful decision’: Former DIA Chief Michael Flynn« , Foreign Policy Journal, 7 août 2015.
[xxxvii] Lire l’article de Jason M. Breslow intitulé: « The Secret History of ISIS. Nada Bakos: How Zarqawi Went From ‘Thug’ To ISIS Founder« , Frontline, 17 mai 2016.
[xxxviii] Intitulé « Du 11 septembre au Califat: l’histoire secrète de Daesh« , 30 août 2016.
[xxxix] Michel Onfray, « Penser l’Islam« , éditions Bernard Grasset, Paris, mars 2016.
[xl] Paru sous le titre « Les attentats sont la suite logique des bombardements » dans le journal « Le Temps » du 16 juillet 2016.
[xli] Lire à cet effet l’enquête menée par Benoît Collombat et Jacques Monin, publiée sur le site de la radio « France Inter » sous le titre « Daesh: autopsie d’un monstre », le 20 novembre 2015:
https://www.franceinter.fr/emissions/l-enquete/l-enquete-20-novembre-2015
[xlii] Le Figaro « Des Syriens demandent réparation à Fabius », 10 décembre 2014.
[xliii] Jean-Yves Le Drian, « Qui est l’ennemi ?« , Les éditions du Cerf, mai 2016.
[xliv] Qiao Liang et Wang Xiangsui, « Unrestricted Warfare » (dans sa version anglaise) et « La guerre hors limites » (dans sa traduction française).
[xlv] Pierre-Joseph Givre et Nicolas Le Nen, « Enjeux de guerre« , éditions Economica, Paris, 2012.
[xlvi] Intitulé « Libya: Examination of intervention and collapse and the UK’s future policy options« , Third Report of session 2016-17.
[xlvii] Lire, entre autres, à cet effet, le livre de Tariq Ali «The clash of fundamentalisms : Crusades, Jihads and Modernity », Verso books, avril 2002.
[xlviii] Lire à ce propos le livre de Gilbert Achkar, «Le choc des barbaries : terrorismes et désordre mondial», éditions 10/18, Paris, 2004. La réalité humaine écœurante décrite dans ce livre transparaît également dans l’effarante interview publiée dans le magazine allemand «Der Spiegel», le 28 octobre 2014, sous le titre «Democracy Is For Infidels». A la question posée à son interlocuteur (un recruteur de Daech opérant en Turquie): «Croyez-vous que ceux qui décapitent des personnes sont de bons musulmans ?», la réponse est cinglante : «Laissez-moi vous demander ceci : croyez-vous que ceux qui lancent des raids aériens contre des personnes célébrant des mariages en Afghanistan, ou qui envahissent des pays comme l’Irak en invoquant des arguments fallacieux sont de bons chrétiens ? Et les responsables de Guantanamo et d’Abu Ghraïb sont-ils de bon chrétiens ?».
[xlix] Le pasteur protestant américain John Charles Hagee, connu pour ses prêches apocalyptiques, consacre un chapitre entier («Inching Toward Armageddon») à cette vision dans son livre «From Daniel To Doomsday : The Countdown Has Begun», Thomas Nelson Publishers, Nashville, 1999.
[l] Pour plus d’informations sur cette vision, lire l’article intitulé«Syrie: Dabiq ou la cité de l’Apocalypse pour l’EI», AFP, 16 octobre 2016.
Légende : Ronald Reagan rencontre le 2 février 1983 des moudjahidines Afghans à la Maison Blanche pour coordonner avec eux la guerre contre la présence soviétique en Afghanistan. Appelés alors des « combattants pour la liberté », ils se transformeront, une fois le sale travail accomplis, en vulgaires terroristes à éradiquer. Crédit : Courtesy Ronald Reagan Presidential Library