El Moudjahid (Algérie) rend hommage à Stéphane Hessel.
En 1902 Lénine écrivait « Que faire ? » Au crépuscule de sa vie, Stéphane Hessel, a écrit Indignez-vous ! qui résonne comme le dernier vœu et la réponse de celui qui sait qu’il partira prochainement.
Décédé à l’âgé de 95 ans, ce résistant français qui a toujours épousé les positions des damnés de la terre contre les tyrannies est né l’année de « la révolution bolchevique », comme il aimait à le rappeler. Son verbe et son attitude étaient une dénonciation des dérives et injustices de ce siècle qui l’a vu naître et qu’il a traversé de bout en bout en militant. Né d’une famille juive, il dira à propos de l’agression israélienne dans la bande de Gaza en 2009 « ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre l’humanité. » Cette même année, membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine que se tient en Afrique du Sud, il dénonce l’apartheid israélien à l’encontre des Palestiniens et cite Israël dans une liste des États « tyranniques ». Naturalisé français au moment où le pas de l’oie commence à résonner en Europe, il rejoint Charles de Gaulle à Londres en passant par Oran. Fait prisonnier par les nazis, il est envoyé au camp de concentration de Buchenwald, d’où il s’évadera. Diplomate de carrière, il était naturellement devenu l’ami de Michel Rocard, celui-là même qui va dénoncer l’horreur des camps de regroupements en Algérie. Il se présentait comme « un citoyen sans frontières » aux côtés des sans papiers en France, respectant en cela les « les valeurs fondamentales d’humanité et de solidarité » qu’il n’a cessé de défendre. Ses livres sont la traduction sur papier de ses engagements permanents. « Il faut chercher un sens à l’aventure humaine », disait-il. A cette indignation contre les dérives d’une société du gain, il prônait un « engagement » (entretien avec Gilles Vanderpooten) dans ce Chemin de l’espérance (co-écrit avec Edgar Morin). Escarpé et difficile ce chemin aussi avec Aung San Suu Kyi il publie Résistances. « La pire des attitudes est l’indifférence », disait cet humaniste. « Vivez » et « Exiger » deux dernières publications avant que ce morceau d’humanisme universel ne solde presque ses compte avec la vie. Tous comptes faits… ou presque… une sorte d’hommage à de nombreux compagnons de route, même si le genre littéraire emprunte ses règles à l’autobiographie.
M. Koursi
Co-fondateur de l’Association France-Algérie Stéphane Hessel, l’aiguillon de l’indignation
Grand résistant, évadé des camps nazis d’où l’on ne s’évade que vers l’au-delà, diplomate ami de l’Algérie et de la Palestine, Stéphane Hessel aurait pu achever le dernier quart de sa vie paisiblement, sans faire trop de bruit. Seulement, cet homme était un indigné de naissance, et il ne craignait pas de le faire savoir. En 2010, il avait publié un livre sous le titre-injonction Indignez-vous ! dans lesquels il reprenait les grandes lignes du programme du « Conseil national de la résistance » dont il fut membre. Le petit livre sans prétentions va devenir très vite un best-seller à la grande surprise de l’auteur lui-même, avec près de cinq millions d’exemplaires vendus, et une traduction dans une trentaine de langues. Ce livre, et son titre, vont surtout servir de plate-forme revendicative à toutes les manifestations, en Europe et dans le monde, contre les effets pervers et néfastes de la mondialisation. Le pamphlet a inspiré, en particulier, le mouvement d’occupation de Wall-Street à New York, de 2011 à 2012. A quatre-vingt-dix ans passés, l’ancien diplomate qui avait été, notamment en poste en Algérie, ne dédaignait pas d’aller là où il devait être, là où il risquait le plus d’indigner les acteurs des causes indignes. Son combat contre la tyrannie, et contre le racisme, il va commencer par le mener dans la résistance française, et en rejoignant de Gaulle, dès 1941, à Londres. Diplomate aux Nations unies, il y a laissé son empreinte en participant à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Comment ne pouvait-il pas devenir, après ça, le fervent et actif adversaire du colonialisme qu’il a été tout au long de sa vie. Partisan de l’indépendance de l’Algérie, et créateur de l’association d’amitié France-Algérie, il va choisir d’effectuer une partie de sa carrière diplomatique en Algérie, de 1964 à 1969. Puis, c’est le soutien à la Palestine, non pas seulement en signant des pétitions ou en manifestant dans la rue, mais en menant des actions plus directes. C’est ainsi qu’il a présidé, dès sa création en 2009, le Tribunal Bertrand Russel sur la Palestine, chargé de juger les crimes israéliens dans les territoires occupés. Auparavant, il avait rejoint, au grand dam des lobbies israéliens en France, le mouvement international B.D.S (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), pour faire pression sur Israël, et l’amener à mettre fin à sa politique de colonisation. Ce sont surtout les produits issus des territoires occupés, mais labellisés israéliens à l’exportation, qui étaient concernés. L’appel de Stéphane Hessel à boycotter les produits israéliens, suivi d’actions sur le terrain en 2010, lu a valu une cascade d’actions en justice de la part d’associations juives extrémistes. Ces groupes vont même aller jusqu’à vouloir l’empêcher de parler, en annulant in extremis une de ses conférences à l’Ecole normale supérieure, dont il était un ancien élève. Mais l’arme de l’interdiction s’est retournée contre ses utilisateurs puisqu’une manifestation de soutien a réuni au Panthéon, ou « Place des Grands hommes », cinq fois plus de personnes que celles prévues au colloque. Stéphane Hessel va encore susciter la haine, et la fureur des lobbies pro-israéliens en France, en menant campagne contre l’invasion de Ghaza. Il a dénoncé ce crime colonialiste, et a prédit que la paix sera « rendue de plus en plus difficile, au fur et à mesure que s’accumulent de part et d’autre, soit le mépris et l’humiliation, soit la haine. » Une inquiétude que confirment les derniers évènements qui secouent aussi bien la Palestine, que certaines autres régions du monde arabe. En 2011, pour avoir été, un « anticolonialiste exemplaire », Stéphane Hessel avait reçu le « Prix Frantz Fanon », décerné par la fondation éponyme.
S. AREZKI
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28-02-2013