L’auteure canadienne d’origine algérienne Djemila Benhabib a été « sévèrement blâmée » par le Conseil de presse du Québec (CPQ) pour plagiat et inexactitude. En effet, dans une décision publiée sur le site du CPQ portant la référence D2015-05-128, on peut lire « Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Odile Jouanneau et blâme sévèrement Mme Djemila Benhabib et Sympatico.ca pour les griefs de plagiat et d’inexactitude. La répétition du plagiat dans les différents articles de Mme Benhabib, une faute jugée grave par le comité des plaintes, motive la décision du Conseil de blâmer sévèrement la blogueuse » [1].
Mme Odile Jouanneau est une journaliste québécoise indépendante qui a déposé une plainte concernant neuf articles publiés en 2014 et 2015 pour les deux griefs retenus ainsi qu’un troisième, pour information incomplète, qui, lui, n’a pas été sanctionné.
Cependant, seul cinq articles ont été analysés. À ce sujet, le CPQ précise, « Devant l’ampleur qu’aurait constitué la tâche d’examiner l’ensemble des cas soumis, et d’un commun accord avec la plaignante, le Conseil a restreint son analyse à cinq articles »[2].
Dans tous les cas, l’analyse a montré que Djemila Benhabib a reproduit mot à mot ou a reformulé des passages appartenant à des auteurs littéraires, des chercheurs ou des intellectuels.
C’est ce qui a justifié la gravité de la sanction étant donné que le « blâme sévère » est la sanction morale la plus lourde que le CPQ peut émettre [3].
Cliquez pour voir le reportage de Laurent Therrien (Radio-Canada, 26 février 2016)
En guise de défense, la plagiaire a déclaré à Radio-Canada : « Je rejette cette accusation-là. Il m’arrive évidemment de noter dans un petit calepin toutes sortes de mots, toutes sortes de phrases pouvant venir de sources différentes et multiples » [4]. Avant d’invoquer un complot ourdi contre sa personne par ses adversaires politiques : « Pourquoi on fait ça? Dans quel but ? Avec quel motif ? Avec quel argent ? Mes adversaires politiques utilisent tous les moyens pour me faire taire ».
Il est vrai que Djemila Benhabib en connait un rayon sur la « théorie du complot ». Ses ouvrages, où la frontière entre « Islam » et « Islamisme » n’est souvent pas détectable, mettent en garde contre une invasion de l’Occident par le « péril vert ». Commentant l’un d’entre eux, au titre explicite « Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident », le journaliste québécois Marc Cassivi qualifie ce livre de « brûlot catastrophiste sur l’Islam » qui invoque un « grand complot islamiste dans nos chaumières » [5].
Son collègue Patrick Lagacé, a noté, quant à lui, que ce livre « se lit comme l’œuvre d’un hystérique du péril rouge des années 50 recyclé, au XXIe siècle, dans le péril barbu… » [6].
Il faut dire que l’auteure de « Ma vie à contre-Coran » a occupé l’espace médiatique québécois à chaque fois que l’actualité « sentait la merguez » [7]. Ses « compétences » ont été sollicitées dans des dossiers aussi divers que les minarets suisses, la viande halal, les écoles musulmanes et, bien sûr, le sempiternel voile islamique qu’elle a combattu sur tous les fronts.
D’autre part, ses déclarations à la suite de la sanction du CPQ montrent que l’auteure n’a pas très bien saisi la gravité de ses actes. Dans le monde entier, et en particulier en Occident, le plagiat est considéré comme une faute grave. Toutes les universités ont un code de déontologie qui l’interdit et le punit. À l’université de Montréal par exemple, les sanctions pour plagiat peuvent aller jusqu’à l’exclusion de l’université, voire le retrait du diplôme [8].
Rappelons que l’exposition de Djemila Benhabib sous les feux de la rampe lui ont permis de prétendre à une carrière politique sous la bannière du Parti Québécois (PQ). Elle a été largement battue à deux reprises dans des élections provinciales. Dans la dernière, elle avait été pourtant présentée comme candidate vedette et même pressentie comme ministrable avec tout le battage médiatique que cette prétention impose.
On se rappelle qu’elle avait défendu bec et ongles la fameuse « Charte des valeurs québécoises » qui a été la cause principale du naufrage politique du PQ et de ses membres. Dans un de ses multiples plaidoyers pour cette charte qui visait notamment à exclure le hijab de l’espace public, elle a déclaré : « La charte propose des « valeurs communes », visant à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants et à assurer la cohésion et la paix sociales au Québec » [9].
Faudrait-il lui rappeler que l’éthique, l’honnêteté intellectuelle et le respect des droits d’auteurs sont aussi des valeurs universelles communes ? Et qu’elle devrait les respecter scrupuleusement afin de servir d’exemple à ces « nouveaux arrivants » à qui elle semble vouloir donner des leçons ?
Références
1- Conseil de presse du Québec, Décision D2015-05-128, 22 janvier 2016, https://conseildepresse.qc.ca/decisions/d2015-05-128/
2- Il s’agit des articles : 1) « Face aux naufragés de la Méditerranée, que faire ? » (23 avril 2015) ; 2) « Vers une hausse de la rémunération des députés ? » (20 avril 2015) ; 3) « SVP ! Mettons de côté la partisannerie dans le débat sur la laïcité » (23 janvier 2015) ; 4) « Fondation Louis Vuitton, quelle prouesse ! » (5 janvier 2015) ; 5) « Algérie : une fatwa contre un écrivain » (19 décembre 2014) ».
3- Laura-Julie Perrault, « Djemila Benhabib blâmée pour plagiat », La Presse, 26 février 2016, https://www.lapresse.ca/actualites/201602/26/01-4955095-djemila-benhabib-blamee-pour-plagiat.php
4- Jérôme Labbé et Laurent Therrien, « Djemila Benhabib blâmée sévèrement pour plagiat », Ici Radio-Canada, 26 février 2016, https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2016/02/26/003-djemila-benhabib-cpq-conseil-presse-quebec-blame-plagiat-sympatico-chronique.shtml
5- Marc Cassivi, « Les soldats de Djemila », La Presse, 18 octobre 2011, https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/marc-cassivi/201110/18/01-4458322-les-soldats-de-djemila.php
6- Patrick Lagacé, « La lapidation, c’est mal », La Presse, 20 septembre 2011, https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201109/19/01-4449282-la-lapidation-cest-mal.php
7- Expression empruntée à Al Kanz, « Dounia Bouzar : si les « intégristes musulmans » portent des jeans, c’est par « stratégie » », 19 janvier 2014, https://www.al-kanz.org/2014/01/19/dounia-bouzar-2/
8- Secrétariat de l’Université de Montréal, « Règlement disciplinaire sur le plagiat ou la fraude concernant les étudiants du premier cycle ». https://secretariatgeneral.umontreal.ca/fileadmin/secretariat/Documents/Reglements/ens30_3-reglement-disciplinaire-plagiat-fraude-etudiants-premier-cycle.pdf
9- Stéphane St-Amour, « Vibrant plaidoyer pour la charte », Le Courrier de Laval, 28 mars 2014, https://www.courrierlaval.com/Elections-provinciales/2014-03-28/article-3668140/Vibrant-plaidoyer-pour-la-charte/1
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