Jacques Vergès dénonce la «mainmise des Etats-Unis» derrière le maintien en détention de son client.
La décision du ministre français de l’Intérieur, Emmanuel Valls, de céder aux pressions américaines réclamant le maintien en prison du militant libanais Georges Ibrahim Abdallah constitue, en premier lieu, une gifle assénée à la justice française, qui a donné son vert pour sa libération. En choisissant de répondre aux exigences américaines plutôt qu’à l’avis de la justice de son pays, le ministre viole le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs et malmène la souveraineté de son propre pays.
Cette décision inattendue a surpris aussi bien les milieux politiques que populaires au Liban. Le Premier ministre, Najib Mikati, est entré en contact téléphonique, hier, avec l’ambassadeur de France à Beyrouth, M. Patrice Paoli, pour s’enquérir des circonstances de l’affaire. M. Mikati avait évoqué la cause de Georges Abdallah lors de sa visite officielle en France, en novembre dernier. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, a convoqué ce mardi l’ambassadeur Paoli pour l’interroger sur les raisons du retard pris dans la libération de Georges Abdallah. Le diplomate a affirmé avoir fait part à son gouvernement des «préoccupations qui s’expriment au Liban» concernant cette affaire. «Une préoccupation s’exprime ici au Liban. Elle a été relevée aujourd’hui par les autorités, par le ministère des Affaires étrangères en la personne de son ministre. Je relaie cette préoccupation aux autorités françaises», a-t-il dit. L’annonce du report de l’application de la décision de la justice française a provoqué la colère des proches et amis du détenu qui se sont rassemblés par dizaines devant l’ambassade de France rue de Damas, lundi. Les jeunes ont lancé des œufs sur la chancellerie et inscrit sur son mur: «France=pute américaine» en français et en arabe, reprenant les termes de l’avocat Jacques Vergès, qui avait dénoncé la «mainmise des Etats-Unis» derrière le maintien en détention de son client. M. Paoli a estimé que la manifestation de lundi était une «expression de frustration et de colère». Les partisans de Georges Abdallah ont installé une tente devant l’ambassade pour observer un sit-in permanent. Le correspondant de L’Orient-Le Jour à Paris, Elie Masbounji, écrit que «des commentateurs politiques et des chroniqueurs judiciaires français ont laissé entendre que le dossier Georges Abdallah aurait été rattrapé par le cercle vicieux politique dans lequel il gravitait depuis presque dix ans lorsque, ayant purgé sa peine, tous les recours de son avocat Jacques Vergès ont été rejetés sous de fortes pressions américaines et israéliennes.» «Cette grande déception des amis de Georges Ibrahim Abdallah a provoqué une vive colère qui pourrait s’exprimer dans les prochains jours en France par des rassemblements et meetings de protestation auxquels pourraient participer des ONG et des associations de défense des droits de l’homme. Ceux-ci laissent entendre que des mises en garde (contre la libération de l’ex-activiste) auraient été adressées aux autorités françaises et Paris ne peut se permettre de provoquer la colère de Washington au moment où il s’apprête à apporter une aide sérieuse aux troupes françaises au Mali», a ajouté le journaliste.
Source : Médiarama
15 janvier 2013