Après huit ans d’absence, Jocelyne Béroard fait son retour sur la scène parisienne.
Dans ce come-back dans la salle du 18ème arrondissement, la grande dame de la chanson créole revisitera l’ensemble d’un répertoire issu de ses albums réalisés en solo ou avec Kassav’, la formation culte de la musique antillaise avec laquelle elle a partagé sa carrière
Un concert événement qui annonce les festivités de l’année prochaine pour célébrer les 40 ans du groupe qui a propulsé la musique de la Martinique et de la Guadeloupe dans l’orbite planétaire.
INTERVIEW
AA Bonjour, un mot pour commencer pour les lectrices et les lecteurs d’Afrique Asie ?
JB Venez toutes et tous ! Ce concert en solo sera l’occasion de mieux fouiller dans notre répertoire, passer en revue tous les albums et reprendre les chansons oubliées autant que les incontournables. Les mélomanes ont l’habitude de retenir que deux ou trois chansons de chaque album… Il y a les autres aussi, autant jolies et qui ont marqué notre histoire.
AA Un mot aussi sur vos débuts ?
JB J’ai commencé à chanter Barbara à la fac, avec les copains et pour le plaisir. J’ai fait piano et danse classiques, Chopin et Tchaikovsky, cultivé une passion pour le jazz et la salsa. Disons une éducation musicale éclectique, avec une préférence pour les grandes chanteuses à voix : Mahalia Jackson, Miriam Makeba, Edith Piaf, Celia Cruz, Maria Bethania. A l’époque, je ne pensais pas de devenir chanteuse, puis j’ai rencontré Kassav’. Et aujourd’hui, ce que je fais, c’est du zouk.
AA Comment est-elle née cette musique ?
JB A la fin des années 1970 aux Antilles, il y avait une grande variété de styles et de groupes : les Vikings, les Léopards et la Perfecta de chez nous, les Grammacks de la Dominique, le genre Toumbélé qui venait du Zaïre, Eugène Mona avec sa flûte des mornes, inspiré autant par les airs du bélé que par les mélodies classiques, l’influence d’Haïti et celle de la salsa qui avait introduit les cuivres.. Mais il n’y avait pas une formation connue à l’étranger, prête pour l’export. Kassav’ a commencé à travailler dans cette perspective et ce fut le début de l’histoire du zouk !
AA Comment ?
JB Nous avons pris pour base la musique traditionnelle de chez nous, celle du tambour gwo-ka notamment. A partir de là, Kassav’ a développé un style, un son. Chaque membre du groupe y apportait du sien : Jean-Claude Naimro son penchant pour la world en héritage de ses collaborations avec Peter Gabriel, Jacob Desvarieux sa touche funky et africaine…
AA L’Afrique justement, qui a accueilli les premières tournées de Kassav’ avec un grand enthousiasme…
JB Oui, et je peux dire que nous avons été comme un pont qui a réconcilié l’Afrique et les Antilles depuis l’histoire de la traite transatlantique et le contentieux dû au fait que certains Africains avaient vendu à l’époque leurs frères aux négriers.
AA Pensez-vous qu’avec le boom de la littérature, de la peinture et du théâtre, Kassav’ ait donné une contribution importante à la renaissance antillaise des années 1980 ?
JB Absolument. Les Antilles étaient fières de leur identité et les gens disaient : ‘Nous, on a Kassav’…’. Tout cela a suscité un nouvel espoir d’émancipation, de visibilité.
AA La langue créole a-t-elle joué un rôle important dans cette dynamique culturelle ?
JB Certainement car, avant cette période, le créole était considéré comme un juron et dévalorisé. Nous l’avons repris dans les textes de nos chansons d’une manière créative, enrichissante et avons contribué à sa réhabilitation. C’est une langue très poétique, constitutive de ce que l’om appelle l’ ‘imaginaire créole’.
Propos recueillis par Luigi Elongui
Le 16/06/2018 à 20h00 à La Cigale, 120 Boulevard Rochechouart. Prix des billets : à partir de 50,50 euros