Les funérailles d’Etat de feu John Atta Mills, vendredi 10 aôut, promettent d’être grandioses.
Il a acquis un immense prestige depuis sa disparition soudaine. Le chagrin du peuple est perceptible dans les rues de la capitale, Accra, où les signes du deuil sont affichés partout. Le tissu pour la cérémonie funèbre choisi par le comité des vendeuses du marché proches du parti au pouvoir, le National Democratic Congress (NDC) – une coutume lors des obsèques de figures populaires – a été épuisé en un clin d’œil. Il est rouge très foncé. Les fabricants locaux ont aussitôt mis les métiers à tisser au travail afin de satisfaire la demande, avant l’échéance du 10 août. De nombreux invités étrangers sont attendus dès le 9 aôut. La Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton n’entend pas manquer l’évènement, après les paroles élogieuses prononcées par Barack Obama au sujet de l’ancien président et de l’exemplarité de la démocratie ghanéenne. L’intégrité désormais légendaire d’Atta Mills, comme son œuvre de chef d’Etat en faveur des plus démunis, ont été mis en avant par tous ceux – et ils ont été nombreux – qui se sont exprimés à son sujet. Au Ghana, Atta Mills est en voie de sanctification, notent les éditorialistes.
Cela ouvre en grand la voie de la succession par l’ancien vice-président John Dramani Mahama, devenu président intérimaire de la république quelques heures seulement après la disparition du chef de l’Etat. Le congrès du NDC se réunira le 31 août pour officialiser sa candidature, une formalité désormais. Mahama, 52 ans, jouera à fond la carte du renouvellement générationnel. Son co-listier pour la prochaine élection présidentielle est également un quinquagénaire : Paa Kwesi Bekoe Amissah-Arthur, actuellement gouverneur de la Banque du Ghana. Cet économiste, au passé de militant de gauche et originaire de la Western Region, comme Atta Mills, a été préféré par Mahama à Kwesi Botchwey, le brillant ministre des Finances de Jerry Rawlings qui avait révolutionné l’économie du Ghana, littéralement en ruine à l’époque de la prise du pouvoir par le capitaine d’aviation (1981- 2000). Amissah-Arthur était alors le bras droit de Botchwey.
S’il est élu, Dramani Mahama sera, après Hilla Limann (1979-1981), le deuxième président ghanéen issu du nord du pays – trois régions (Northern, Upper East et Upper West) qui ont majoritairement voté pour le NDC en 2008, comme du temps des deux mandats constitutionnels de Rawlings. Ce dernier, qui n’a cessé de se distancer de son ancien numéro deux, critiquant sa prudence et son refus de « nettoyer » l’administration des plus fidèles soutiens du NPP (National Patriotic Party, opposition), voire de poursuivre des personnalités de l’entourage du président John Kufuor impliquées dans des opérations financières douteuses, n’a pas épargné le défunt de ses critiques. Il est cependant improbable qu’il essaye à nouveau de proposer au congrès du NDC la candidature de son épouse, Nana Konadu Rawlings, ce qui lui avait valu, à la primaire de l’an dernier, l’humiliation de recueillir moins de 5 % des voix. Les Rawlings semblent d’ailleurs enclins à soutenir un nouveau parti, créé par des proches, le NDP (National Democratic Party), afin de redonner vie au capital de sympathie dont jouit encore l’ancien président Rawlings, surtout à l’intérieur du pays.
L’opposition, incarnée par le NPP, avec à sa tête le candidat malheureux de l’élection de 2008, Nana Akuffo-Addo, n’a cependant pas perdu espoir. L’on peut parier que, après la réserve exigée par le deuil national, les attaques contre le pouvoir du NDC n’en seront que plus virulentes. Cependant, l’argument de l’âge et de la maladie brandis auparavant par le NPP contre Atta Mills s’est retourné contre Akuffo Addo (68 ans) puisque la relève du NDC, pour la présidentielle, a nettement rajeuni et cela, dans un climat plutôt consensuel au sein de ce parti.
Rendez-vous le 1er septembre, au lancement de la campagne électorale.