Le ministre français des Affaires étrangères et actuel maire de Bordeaux semble gagné par le communautarisme. Après avoir fait la promotion de l’islam politique dit modéré dans les pays arabes, le voilà qui finance, dans sa ville Bordeaux, des événements interreligieux en foulant aux pieds les principes fondateurs de la république et de la laïcité. Tribune.
Malika Bouali est candidate du Front de Gauche aux municipales de Bordeaux. Face à elle, Alain Juppé, actuellement maire de la ville, dont elle dénonce l’un des derniers événements médiatiques : la municipalité a organisé et financé une « rencontre interreligieuse et citoyenne », loin des idéaux laïques.
Le 2 février 2012 s’est déroulée à Bordeaux une « rencontre interreligieuse et citoyenne » que la municipalité a organisée et financée. Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, puisqu’il faut bien nommer les personnes directement concernées, avait fait le choix de donner un important retentissement médiatique à l’événement.
Ce fait constitue une grave entorse au principe de laïcité. En effet, la loi de séparation de l’État et des Églises de 1905 stipule que l’État, et par extension les collectivités locales, ne reconnaissent aucune religion. Par conséquent, l’institutionnalisation d’un dialogue selon ces modalités y circonvient fondamentalement et structurellement.
Il y aurait en outre matière à gloser abondamment sur cette conférence interreligieuse abusivement baptisée (sans jeu de mots…) « citoyenne ». N’y a-t-il pas en effet oxymore à associer de la sorte les adjectifs qualificatifs interreligieux et citoyen ? La religion est une affaire strictement privée, et non citoyenne. C’est l’essence même de la laïcité que de distinguer les sphères publique et privée.
Inviter les Bordelais à participer à une manifestation interreligieuse ne relève en aucun cas et d’aucune manière des compétences d’une municipalité. Ni d’aucune instance publique d’ailleurs. Ce mélange des genres dénote d’une confusion regrettable qu’un dirigeant de premier plan ne devrait pas faire. Les citoyens doivent être respectés dans leur diversité : certains sont croyants, d’autres pas. Il n’y a pas lieu de sommer ou même d’inciter les citoyens à participer à des manifestations qui devraient rester privées. La théologie n’est pas du ressort des politiques. L’État et les élus sont simplement garants de l’ordre public et de la liberté de culte.
« Une conception communautariste de la société »
Indiscutablement, une conception communautariste de la société est ainsi à l’œuvre. C’est une dérive condamnable qui bafoue clairement le principe de laïcité reconnu dans le Préambule de la Constitution. Après tout, est-il véritablement surprenant que le numéro deux du gouvernement promeuve une conception de la laïcité globalement similaire à celle du président de la République et chanoine du Latran dont il est devenu un des hommes de confiance ? A priori non. Mais ce qui est encore plus gênant dans l’affaire, c’est que cette initiative se retrouve en contradiction avec les professions de foi laïques qu’adopte à l’occasion au niveau national Alain Juppé en guise de vernis républicain. En fin de compte, pourrait-il exister des laïcités à géométrie variable selon que l’on soit maire de Bordeaux ou ministre de la République ?
Nous ne saurions accepter sans mot dire des pratiques en rupture totale et flagrante avec la tradition laïque de notre pays. En tant que candidate pour le Front de Gauche dans la même circonscription qu’Alain Juppé, il est de ma responsabilité de réaffirmer qu’il n’appartient pas aux responsables politiques de porter un jugement sur les rapports que les religions entretiennent ou n’entretiennent pas entre elles, ni d’interférer en quoi que ce soit avec elles. Un élu n’a pas à porter à la connaissance du public ses options en matière de religion. Elles ne regardent strictement que sa conscience. Et la liberté de conscience ne peut être garantie à toutes et à tous que par le respect d’une laïcité, qui se suffisant à elle-même, n’a pas besoin d’adjectifs qui la déqualifieraient.
La laïcité est notre bien commun garantissant la liberté, stipulant l’égalité et favorisant la fraternité. Elle est trop souvent outragée. Au cœur de l’exigence républicaine, elle n’est pourtant ni négociable ni amendable.
Source : https://www.marianne2.fr/Dans-ses-quartiers-Alain-Juppe-oublie-la-laicite_a215871.html