Après l’échec de la huitième cession des négociations inter-syriennes à Genève et la charge du gouvernement français accusant la Syrie d’en être responsable, le président syrien Bachar el-Assad a estimé que la France n’était pas à même de parler de paix et n’avait «pas le droit de s’ingérer dans les affaires syriennes» et ses mains «sont trempées dans le sang syrien»
Répondant à une journaliste qui lui demandait de réagir aux dernières déclarations du président français et du Quai d’Orsay lui faisant porter la responsabilité de l’échec du huitième round des négociations de Genève, le président syrien a répondu clairement et vertement à ces allégations : «Quant à la France, il est de notoriété qu’elle a été en tête des pays qui ont appuyé les terroristes en Syrie. Ses mains sont trempées dans le sang syrien. Elle n’a pas le droit de jouer le rôle de critique lors des conférences prétendument organisées au nom de la paix. Celui qui a soutenu le terrorisme, n’a pas le droit de discuter de la paix. Leurs déclarations n’ont aucune importance pour nous. Elle sont creuses», a-t-il déclaré à des journalistes à la fin de sa rencontre avec une délégation de responsables et d’hommes d’affaires russes le 18 décembre venus négocier des contrats de reconstruction de la Syrie.
Cette déclaration du dirigeant syrien intervient quelques jours après les accusations de Paris évoquant une obstruction de Damas aux dernières négociations à Genève, qui ont échoué.
«La France a été le porte-étendard du soutien au terrorisme en Syrie dès les premiers jours [du conflit]», a estimé Bachar el-Assad, en référence au soutien apporté par Paris aux rebelles qui combattent son gouvernement depuis 2011.
«[La France] n’est pas en position de donner son avis sur une conférence de paix», a-t-il déclaré à l’adresse de journalistes présents, selon l’AFP. «Celui qui soutient le terrorisme n’a pas le droit de parler de paix et n’a pas le droit de s’ingérer dans les affaires syriennes», a-t-il ensuite précisé.
Le dernier cycle de pourparlers organisé sous l’égide de l’ONU entre le gouvernement syrien et l’opposition s’est achevé le 14 décembre à Genève, sans avancée notable.
Le lendemain, le Quai d’Orsay avait dénoncé la «stratégie d’obstruction irresponsable» de Damas, estimant que la Syrie de Bachar el-Assad avait «refusé de s’engager» dans les pourparlers.
«A Genève, les personnes avec lesquelles nous négocions ne sont même pas représentatives d’elles-mêmes», avait fait savoir Bachar el-Assad, alors que d’autres pourparlers sont prévus en 2018 à Sotchi, en Russie.
Le 8e volet des négociations inter-syriennes a pris fin jeudi dernier à Genève. Contre toute attente, il n’a pas donné de résultats tangibles, les délégations de Damas et de l’opposition unifiée syrienne n’ont pas entamé de négociations directes.
Le ministère français des Affaires étrangères et l’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie Staffan de Mistura ont estimé que Damas était responsable de l’absence de progrès.
«Il est normal qu’ils aient déclaré cela, parce qu’ils ne peuvent pas accuser les groupes qui défendent leurs intérêts. Les déclarations faites par la France et d’autres pays occidentaux confirment que ces groupes agissent pour leur compte au lieu d’œuvrer pour le bien de leur pays natal, la Syrie», a ajouté Bachar el Assad.
Lors des négociations de Genève, les représentants du gouvernement syrien ont qualifié d’inacceptable l’exigence de l’opposition qui insistait sur le départ du Président al-Assad. Mais l’opposition a maintenu cette exigence. L’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie Staffan de Mistura a estimé qu’une «chance en or» a été ratée lors du 8e volet de Genève.
Le 17 décembre, le président français Emmanuel Macron a estimé qu’il fallait «parler» à Bachar el-Assad tout en estimant que le dirigeant syrien devrait «répondre de ses crimes».
Concernant la reconstruction de la Syrie, le président syrien a fait remarqué que son pays avait opté pour une réorientation stratégique culturelle, économique et politique vers l’Est, à savoir la Russie et la Chine et tous les pays qui avaient soutenu la résistance de la Syrie face à la guerre qui l’avait ciblée.
Depuis Washington où il se trouvait Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, piqué au vif, a réagi aux déclarations du président syrien en avançant des contre-vérités.
« M. Bachar el-Assad ne me semble pas vraiment en situation de pouvoir affirmer une prise de position politique tant qu’il est dépendant de la Russie et de l’Iran. Ensuite, quand on a été le premier à libérer (de prison) les djihadistes de Daech, on ne donne pas de leçon. Et enfin, quand on a passé son temps à massacrer son peuple, on a généralement un peu plus de discrétion.»
Autant d’approximations dans quelques lignes. Car si la Syrie a libéré quelques centaines de prisonniers, c’était à la demande express de la Ligue arabe soutenue par l’opposition dites modérée portée alors à bout de bras par la France, les monarchies du Golfe et la Turquie. A l’poque Daech n’existait pas. Par contre, le prédécesseur de Le Drian, de son nom Laurent Fabius n’avait pas, comme d’ailleurs l’opposition « modérée, de mots assez élogieux pour Al-Nosra, alias Al-Qaïda, « qui faisait du bon boulot en Syrie ».
Faut-il rappeler à Monsieur Le Drian, qui est plus proche de la politique catastrophique suivie par le duo Hollande-Fabius que de celle de l’actuel locataire de l’Elysée, qu’en répétant à la nausée « Bachar assassine son peuple », il occulte la responsabilité de la France dans l’alimentation de la guerre civile syrienne politiquement et militairement, une guerre où l’opposition dite démocratique et modérée avait massacré pas moins de 70.000 militaires loyalistes et des dizaines de milliers de civils.
Dernière baliverne de Le Drian : «Ce qui est clair, a ajouté le chef de la diplomatie française, c’est que la France a été dès le départ dans l’action de la coalition contre Daech, et qu’aujourd’hui c’est la coalition qui a permis la victoire. Mais Daech n’a pas encore complètement perdu la guerre, donc il faut continuer le combat».
Si victoire il y a c’est d’abord à l’armée nationale syrienne qui a pu, aidé par ses alliés russes et iraniens tout comme le Hezbollah libanais, qu’on la doit. La France n’a réellement commencé à combattre Daech qu’après les monstrueux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Le rôle destructeur de la diplomatie française dans la crise syrienne n’est plus à démontrer. Emmanuel Macron l’avait souligné à de nombreuses occasions. François Hollande avait lui-même reconnu dans un livre-entretiens avoir fourni des armes à l’opposition syrienne « modérées », des armes qui s’étaient retrouvées entre les mains d’Al-Qaïda et Daech.
Rappelons enfin que le ministre des Affaires étrangères de la Syrie, Walid Al Moallem, avait dès 2012 déclaré que l’Europe n’existera plus pour la Syrie comme partenaire d’avenir. « Nos regards, disait-il, sont désormais tournés vers l’Est.
Afrique Asie avec agences