S’agissant du Hamas, nous avons déjà cité cette phrase de M. Nasser Kandil, le rédacteur en chef du quotidien libanais Al-Binaa :
«Une seule chose a changé et c’est qu’en 2012 le Hamas s’était rangé du côté des partisans de la guerre contre la Syrie, alors qu’aujourd’hui il s’est réconcilié avec la Syrie. Il a réarrangé ses cartes sur la base de l’unité des forces de l’Axe de la résistance, parce que la priorité est revenue à la Palestine et non au service de projets qui ne la concernent pas et se trament plutôt à ses dépens. C’est pourquoi ceux qui soutenaient le Hamas en 2012 le traitent d’ennemi aujourd’hui».
Or, en 2012, ceux qui le soutenaient se rangeaient dans la cohorte des « Faux amis de la Syrie » au sein d’une coalition américano-otano-israélo-arabe, alors que le chef de sa branche politique, Khaled Mechaal, avait opté pour son appartenance au parti des Frères Musulmans, plutôt qu’à son appartenance à la Palestine, et s’était engouffré dans le projet qualifié de néo-ottoman, sur lequel nous ne reviendrons pas.
Beaucoup ont douté de l’utilité stratégique de la réconciliation avec la Syrie, mais pour nombre d’analystes régionaux elle a permis l’unification de tous les composants de l’Axe de la résistance et des diverses factions de la Résistance palestinienne. Et beaucoup de Syriens ont été indignés de cette réconciliation acceptée par leur président en octobre 2022, après dix ans d’une rupture douloureuse pour la bonne raison que les compétences militaires que le Hamas a acquises grâce à la Syrie ont servi à nourrir les malheurs de la guerre menée contre le peuple syrien.
Nul autre Syrien que Naram Sarjoun n’a mieux exprimé le sentiment de rejet du Hamas devant une telle forfaiture. Mais nul autre Syrien, non plus, n’a reconnu en des termes aussi profonds les mérites de sa nouvelle équipe politique à Gaza, sous la direction de Yahya Sinwar, et la bravoure des Brigades al-Qassam, sous la direction de Mohammad Deif, tous les deux étant dans le viseur d’Israël. [Présentation et traduction de Mouna Alno-Nakhal].
Par Naram Sarjoun
Dois-je vous confirmer que l’absolution est l’une des décisions les plus difficiles qu’un être humain puisse prendre, vu qu’il n’est pas pétri de l’essence divine mais de l’essence de son âme qui le commande et décide de son amour ou de sa haine ? Ce qui pourrait expliquer pourquoi Dieu S’est présenté comme « le Clément et le Miséricordieux », non comme le Pardonneur.
Le pardon est une décision de la raison, issue d’une réflexion profonde et d’un calcul humain des pertes et profits. Quant à l’absolution, elle ne peut être issue que d’une personne dont l’âme a autorité sur sa décision. L’autorité de l’âme est donc autre chose que l’autorité de la raison. La raison pardonne, l’âme absout. Et l’absolution est une nouvelle naissance du cœur, une purification de l’âme et de la conscience, une éradication de la plaie et un effacement d’un morceau de temps, comme s’il n’avait jamais existé.
Je ne nie pas que mon cœur était plein des blessures laissées par le fameux coup de poignard planté par le Hamas dans mon dos, à tel point que la célèbre phrase de Jules César, même toi Brutus, a atteint sa date de péremption au cours de la guerre sur la Syrie avec l’émergence d’une phrase encore plus amère et plus douloureuse : même vous, Hamas !
Nous Syriens, c’est des mains du Hamas que nous avons reçu les coups de poignard les plus durs et les plus cruels, parce qu’ils nous ont transpercés jusqu’à l’os. Des coups donnés par les dirigeants de ce mouvement qui ont rejoint le Qatar, ont serré la main du criminel Erdogan, se sont agenouillés aux pieds du prédicateur Youssef al-Qaradawi qui a émis la fatwa invitant à nous tuer. Ce qui a fait que le Hamas a laissé son saint et précieux fusil dans les palais de descendants des Ottomans pour qu’il serve de décor sur le mur du sultan, et a abandonné la Palestine au Qatar en fermant les yeux sur la base américaine d’Al-Udeid.
Le « Hamas de Khaled Mechaal » ayant ainsi abandonné Al-Qods (Jérusalem) pour rejoindre la planète turque où s’était déjà glissé le Qatari, la planète Mars était devenue plus proche de la Palestine qu’Istanbul ou Doha, tandis qu’Al-Qods était restée en plein cœur de Damas.
À cette époque, je ne savais pas comment choisir les mots qui auraient exprimé mon mépris et mon rejet du Hamas. Il est sorti de mon cœur comme gicle le sang d’une blessure sans possibilité de retour. La rupture était telle que même si j’avais vu le Hamas tenir le soleil de sa main droite et la lune de sa main gauche, j’aurais dit qu’il souffre d’un manque considérable de moralité et de loyauté.
Mais aujourd’hui, le Hamas a rectifié son tir après avoir récupéré son fusil vendu aux califes ottomans comme parure ostentatoire. Il est revenu de ses néfastes voyages et de ses délires révolutionnaires, saturé de l’odeur des cheikhs du pétrole… Il est retourné en Palestine et a rendu la Palestine au Monde. Il a pointé son fusil dans la bonne direction et a mené la bonne et sainte bataille.
Ainsi, il a expié cette étape de la maladie qui l’a rendu fou et politiquement schizophrène, car on ne peut pas aimer la Palestine, Al-Aqsa, Al-Qods et poignarder Damas qui a refusé de serrer les mains israéliennes, de vendre et d’encaisser le prix de la Palestine.
L’Amérique a exécuté la danse de Salomé pour la séduire et obtenir la tête de la Palestine sur un plateau d’argent comme Hérode a décapité le « Baptiste » après l’avoir vue danser. L’Amérique a aussi exécuté sa danse de la guerre pour la terroriser. Mais Damas n’a pas cédé et a défendu la Palestine de toute la force de son cœur.
Nombreux sont ceux qui ont signé les documents reconnaissant Israël. Tous ont accepté la paix. Tous ont trahi. Tous ont normalisé leurs relations, sauf la Syrie parce que la Palestine compte autant pour elle-même que la Palestine pour la Palestine.
Les coffres thoraniques sont remplis de traités arabes de capitulation, de réconciliation et de paix jusqu’à en déborder, mais le document manquant le plus précieux qu’Israël n’a pas pu obtenir est celui de sa reconnaissance par Damas. Une reconnaissance qu’elle s’est interdite et qui signifie : « Vous pourriez obtenir la reconnaissance du monde entier et entraîner tout l’univers à mener la guerre contre nous, nul ne verra un tel document oubliant la Palestine et reconnaissant Israël. Et le drapeau israélien pourrait flotter dans toutes les couches de l’atmosphère, il ne se lèvera pas dans le ciel syrien même à une hauteur stratosphérique au-dessus de Damas ».
Nous n’avons pas cédé aux menaces, ni lorsque les légions de George W. Bush ont atteint notre frontière orientale (allusion aux menaces de Colin Powell ayant exigé du président Bachar al-Assad, suite à l’invasion militaire de l’Irak en 2003, l’expulsion du Hamas ; NdT), ni lorsque le prétendu Printemps arabe est arrivé. Tout ce qu’ils voulaient était le serment d’allégeance de Damas à Israël, le document reconnaissant Israël comme le propriétaire exclusif et définitif de la Palestine.
Les hordes de Daech, de Jaïch al-Islam comme celles d’Al-Qaïda sont arrivées jusqu’au cœur de Damas et les Israéliens ainsi que Netanyahou, muni de ses jumelles, se sont installés sur le plateau (du Golan occupé) afin d’observer la nuit de la chute de Damas, la mort d’Aram et de Canaan. Netanyahou attendait que les nouveaux rois de Damas hissent le drapeau de la révolution syrienne sur le mont Qassioun pour ensuite lui amener le plus précieux des gages d’allégeance : le document signé établissant la paix entre la Syrie et Israël. Mais Damas a empêché la levée du drapeau des prétendus révolutionnaires qui voulaient livrer la Palestine aux Israéliens et Netanyahou n’a rien obtenu.
Aujourd’hui, le Hamas s’est vengé pour moi, personnellement, en tant que citoyen syrien. Il s’est vengé de l’Israélien qui nous a combattus en se servant des traîtres d’un prétendu printemps arabe, qui a épié notre mise à mort depuis le plateau de notre Golan occupé transformé en hôpital de campagne pour secourir les mercenaires lâchés contre nous.
Aujourd’hui, le Hamas a rectifié son parcours et a tiré sur Israël, non dans le dos de la Syrie. Le sang de ses martyrs versé sur la terre de Gaza, et son enveloppe, a purifié son poignard à la Brutus et l’a nettoyé de ce qui l’avait souillé durant ledit Printemps arabe.
En effet, la guerre de Gaza menée par le héros Mouhammad Deïf est, entre autres, une guerre de purification du Hamas, une guerre de son absolution et de son retour à la Palestine et à la Syrie.
Par conséquent, ma blessure a été éradiquée. Et grâce à la bénédiction du sang versé à Gaza, j’ai effacé, j’ai pardonné et j’ai absous l’ingratitude et les péchés commis par certains membres du Hamas qui s’étaient égarés, mais qui ont retrouvé leur âme et m’ont ramené vers la mienne.
J’espère que le Hamas préservera cette sincère et fidèle salutation de tout citoyen syrien et, aussi, qu’il préservera son fusil devant lequel je m’incline maintenant. J’espère qu’il ne permettra à personne de l’emmener hors de Palestine, car si le fusil de la lutte quitte son pays et s’accroche sur les murs de palais étrangers, il se prostitue. Alors que lorsqu’il demeure sur sa terre, parmi les oliviers et les palmiers de sa Palestine, il retrouve sa pureté, se trouve sanctifié et nous apporte une victoire du Saint-Esprit qui nous dit : « Que la paix soit sur moi le jour de ma naissance, le jour de ma mort et le jour de ma résurrection à la vie… ».
Naram Sarjoun
21/11/2023
Source : le blog de l’auteur