Jacob Zuma a, une nouvelle fois, survécu au vote d’une motion de censure par le Parlement, qui s’est déroulé à bulletin secret pour la première fois.
« Si vous voulez manger un éléphant, vous devez procéder morceau par morceau » a déclaré Julius Malema, dirigeant du parti d’opposition Economic Freedom Fighters (EFF) à l’issu du vote, reprenant de façon très à propos un proverbe africain. Car s’il s’est targué, à l’issu de la séance, de « représenter, avec l’ANC, la majorité du pays », Jacob Zuma et l’ANC ne peuvent occulter qu’il s’agit bien d’une victoire à la Pyrrhus. En effet, une trentaine de députés de l’ANC, ont, pour la première fois, voté avec l’opposition à laquelle il n’a manqué qu’une vingtaine de voix (177 votes en faveur de la motion de censure, 9 abstentions et 198 contre) pour faire passer la motion et renvoyer Jacob Zuma à sa « ferme » de Nkandla.
Malgré le mécontentement de la population, malgré les les appels à la démission du président par d’anciens dirigeants historiques, anciens ministres ou députés, par les organisations de la société civile et l’opposition, malgré les scandales à répétition qui ont éclaté ces dernières années, impliquant Jacob Zuma, et malgré le recul spectaculaire de l’ANC aux dernières élections municipales – l’ANC a perdu, entre autres, trois des principales villes, Pretoria, Johannesburg et Port Elizabeth – c’est une nouvelle fois la fraction « Zuma-Gupka » qui l’a emporté. Cependant, l’éléphant vient de perdre un morceau consistant et l’ANC ne peut en sortir que plus divisée et affaiblie qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Le réseau mis en place par Jacob Zuma avant même son accession à la présidence en 2009, facilité par ses responsabilités à la tête des services de renseignement pendant et après la lutte contre le régime d’apartheid, et le système clientéliste et corrupteur, qui lui garantit un soutien indéfectible, particulièrement au sein des branches de l’ANC sur lesquelles il s’appuie, lui ont, certes permis de résister une nouvelle fois, mais l’étau se resserre.
Le vote à bulletin secret avait été demandé par requête auprès de la Cour constitutionnelle par le parti United Democratic Movement créé en 1997 par Bantu Holomisa, ministre dans le premier gouvernement Nelson Mandela, exclude l’ANC en 1995 pour avoir dénoncé devant la Commission vérité et réconciliation une affaire de corruption touchant la ministre Stella Sicgau.
Le 22 juin dernier, la Cour concluait que la décision du vote à bulletin secret revenait à la présidente du Parlement, Baleka Mbete, une proche de Jacob Zuma. Ce n’est que la veille du vote qu’elle a informé de sa décision en faveur du vote à bulletin secret, après s’être assurée qu’un nombre suffisant de députés ANC voterait contre la motion.
Jacob Zuma ne se représentera pas, en décembre prochain, à la présidence de l’ANC et ne sera pas donc le prochain président sud-africain, après les élections générales de décembre 2019, selon les statuts de l’organisation. Mais d’ici cette date, il reste dix-huit mois au cours desquels on pourrait assister à de nouveaux rebondissements, compte tenu des enquêtes en cours sur les liens de corruption entre le président et la famille Gupka, chaque jour apportant de nouveaux éléments de preuve.Par ailleurs, en septembre, le président doit se présenter devant la Cour d’Appel pour entendre la décision des juges sur la réintégration des 783 chefs accusations (corruption, blanchiment d’argent, fraude et racket) qui pèsent contre lui et qui avaient été abandonnées « sous la pression » en avril 2016.
En votant contre la motion de confiance, les députés de l’ANC fidèles à Zuma ont pris la responsabilité de diviser et affaiblir encore davantage l’organisation historique de Nelson Mandela qui, dans ce contexte, se rapproche toujours plus d’une défaite en 2019, face à une opposition qui a développé sa capacité à avancer ensemble au-delà des divergences. Un grand nettoyage de l’organisation commençant par le départ de Jacob Zuma, aurait, sans aucun doute, convaincu de nombreux ex-militants et dirigeants de l’ANC, respectables et respectés, de réintégrer l’organisation qu’ils ont quittée au cours des dernières années, ou dont ils ont été arbitrairement exclus, et de lui donner un nouvel élan populaire.