Après 13 ans de rupture diplomatique, le Maroc et l’Afrique du Sud sont en passe de renouer des liens. En marge du sommet UA-UE qui s’est tenu à Abidjan les 29 et 30 novembre, le président Jacob Zuma, accompagné de la ministre des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, de l’ambassadeur à l’Union africaine, Ndumiso Ntshinga et du juriste de la présidence Michael Hulley, a rencontré le roi du Maroc, Mohammed VI. Les deux chefs d’État ont décidé de « travailler ensemble » et ont, également, discuté d’une future coopération économique et politique « pour construire des relations fortes, durables et stables et dépasser la situation qui a caractérisé les relations bilatérales pendant des décennies ».
Le Maroc qui avait quitté l’Union africaine, il y a trente-trois ans pour protester contre la reconnaissance de la RASD, avait rappelé son ambassadeur en Afrique du Sud en 2004, après la reconnaissance par Pretoria de l’indépendance de la République arabe démocratique sahraouie (RASD). Pour l’Afrique du Sud, « il n’est plus possible » que le Maroc ne dispose pas d’une ambassade à Pretoria à partir du moment où le royaume chérifien a réintégré l’Union africaine et accepté de facto la RASD comme membre fondateur de l’Union africaine. Une admission officialisée au sommet d’Addis Abeba, fin janvier 2017, à laquelle les Sud-Africains s’étaient opposés, en vain, pré-conditionnant celle-ci à la reconnaissance de la RASD par Rabat.
La question de la RASD a perturbé le sommet UA-UE, menaçant même de le voir reporté. La Côte d’Ivoire, hôte de la rencontre intercontinentale, qui, pour la première fois n’était pas un sommet « Europe-Afrique », mais « Union africaine-Union Européenne », n’avait, en effet, pas invité les représentants sahraouis, suite aux pressions exercées par le Maroc. Certains pays avaient alors menacé de transférer le sommet à Addis Abeba, siège de l’Union africaine. Une semaine avant le sommet, en partie grâce à l’Afrique du Sud, le dirigeant du Polisario, Brahim Ghali, a, finalement, été invité, non pas par la Côte d’Ivoire, mais par l’Union africaine. Le Conseil exécutif de l’organisation continentale réuni en session extraordinaire, le 16 octobre, avait, en effet, chargé le président de sa Commission, Moussa Faki, de trouver un consensus, et en cas d’échec, avait déclaré que la RASD y participerait « automatiquement », c’est-à-dire en tant que membre de l’UA, conformément aux règles de l’organisation. Il s’agissait en fait d’un camouflet politique pour le Maroc et ses amis ivoiriens.
Cependant, les Marocains dont le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’était rendu dans plusieurs pays du continent africain avant le sommet, n’en sont pas restés là. Celui-ci a mené une campagne anti-RASD tout azimut avant et pendant le sommet, et annoncé, dans une interview à l’agence espagnole EFE, l’amorce, par certains pays, d’ « un processus pour retirer leur reconnaissance à la République arabe sahraouie démocratique ». « Vous souvenez-vous d’un pays qui l’a reconnue dernièrement ? Je peux vous dire ceux qui vont la retirer, comme le Malawi. A partir de demain, d’autres suivront… et ça continuera ainsi », a-t-il affirmé. Il s’agit en fait d’une simple fanfaronnade à l’usage de son opinion publique, l’exclusion de la RASD nécessitant l’unanimité des membres de l’UA.
Que le roi du Maroc ait, finalement, accepté de s’asseoir dans la même salle que Brahim Ghali et sa délégation, « ce n’est pas un problème », minimise le ministre, considérant que les Sahraouis sont « invisibles », que « la RASD n’existe pas et n’existera jamais pour (nous) ». Il a également réaffirmé que le Maroc ne signera aucun document paraphé par le Front Polisario ou la RASD.
La stratégie du Maroc, en réintégrant l’Union africaine est claire : « ne plus laisser la chaise vide » et « ne plus laisser les ennemis avancer et décider». Au sommet de Kigali, en 2016, vingt-huit pays membres avaient ouvertement demandé le gel de l’adhésion de la RASD à l’UA et de ses activités au sein des différentes instances de l’Union. Le Maroc poursuit, donc, son offensive au risque de mettre la fragile unité de cette organisation panafricaine en danger.