Selon un rapport de l’Ong américaine « Enough Project » rendu public le 2 avril, le commerce illicite de diamants et d’ivoire finance les groupes armés qui s’affrontent sur le terrain centrafricain.
Malgré la présence de forces internationales, le bilan meurtrier en Centrafrique ne cesse de s’alourdir. Depuis le début du conflit, les violences entre communautés, en particulier chrétiens et musulmans ont fait des milliers de morts et près d’1.5 million de déplacés. Dans un rapport paru le 2 avril, l’Ong américaine « Enough Project » dénonce le financement des principales bandes armées impliquées dans les affrontements par le commerce illicite de diamants et d’ivoire. Deux ressources abondantes dans le pays.
Précieuses pierres
« Quand l’alliance rebelle Séléka s’est emparée de la capitale en mars 2013, elle était soutenue par des mercenaires et des braconniers lourdement armés et bien entraînés du Tchad et du Soudan, dont certains appartenaient aux milices djandjawid soutenues par le gouvernement soudanais », note le chercheur Kasper Agger, auteur du rapport. « Les rebelles Séléka et les combattants étrangers ont pillé et fait du trafic de diamants et d’ivoire pour payer des armes, du carburant, de la nourriture et leurs soldats », ajoute M. Agger.
Malgré la dissolution de la Séléka en janvier dernier, l’exploitation de ces ressources alimente toujours le conflit centrafricain. Les ex-Séléka « utilisent la violence et les menaces contre les populations locales » pour s’enrichir sur le commerce du diamant, « grâce à l’exploitation minière forcée, le vol et les achats à bas prix auprès des commerçants locaux », affirme M. Agger. Parallèlement, les milices anti-balaka à dominante chrétienne qui combattent les ex-Séléka, en majorité musulmans, « ont pillé et tué des membres de la communauté musulmane pour prendre le contrôle des zones riches en diamants de l’ouest de la Centrafrique. (…) Les diamants sont ensuite vendus à des commerçants locaux ou sortent du pays pour être vendus à des intermédiaires, principalement dans le sud du Darfour (au Soudan), au Cameroun et en République démocratique du Congo », explique le chercheur.
Marchés mondiaux
Après la prise du pouvoir de la capitale Bangui en mars 2013 par les rebelles de la Séléka, la Centrafrique a été suspendue en mai 2013 du Processus de Kimberley, le régime international de certification visant à empêcher que l’achat de diamants servant à financer des conflits puisse se négocier sur les marchés mondiaux. Mais « le commerce du diamant a continué en RCA et les diamants du conflit sont susceptibles de pénétrer sur les marchés internationaux » affirme Kasper Agger.
Citée dans un communiqué, l’Ong « Enough Project » estime que « les Etats-Unis et la Chine devraient exhorter le Processus de Kimberley à envoyer une mission pour enquêter dans les centres d’échange mondiaux où les diamants du sang centrafricains sont susceptibles d’être négociés, en particulier Dubaï. »
Avant le conflit, l’exploitation et le commerce de diamant faisait vivre près d’un quart de la population centrafricaine et assurait des recettes clés à l’export.
THALIA BAYLE
Journaliste. Diplômée en sciences politiques à Lille, passée par le think tank “European Institute” à Washington, ARTE, et pigiste pour différentes publications.
https://mondafrique.com/lire/decryptages/2014/05/05/centrafrique-les-diamants-du-sang