L’Elysée a défini le 26 mars un plan fondé sur le renseignement, la surveillance et la prévention.
Les démocraties occidentales, à commencer par la France, n’en finissent pas d’essayer de trouver la parade au nombre croissant de départs de leurs nationaux pour le djihad en Syrie, en guerre depuis 2011. Semblant impuissantes, les autorités françaises ont tenté une fois de plus, lundi 24 mars, d’adapter leur dispositif pour contrer une menace qui pourrait un jour frapper non plus le sol syrien mais les capitales de l’Occident, comme vient de le prédire, devant des parlementaires américains, le directeur de la CIA, John Brennan.
Au terme d’un conseil restreint de défense convoqué, lundi, à l’Elysée, autour de François Hollande et consacré » à la situation en Syrie et à la lutte contre les filières djihadistes et la radicalisation violente « , la présidence a assuré qu' » une stratégie a été adoptée et un plan d’actions a été décidé « . Le communiqué officiel, laconique, ajoute : » Ils seront présentés ultérieurement. » Une formule qui porte la difficulté à saisir et juguler un phénomène massif situé aux portes de l’Europe dans une région facile d’accès pour une population peu repérable.
Le Monde a pu avoir accès aux principales lignes de cette stratégie et aux dispositions les plus saillantes. L’inventaire de propositions couvre trois domaines : le renseignement, la surveillance et la prévention de l’islam radical. La base doctrinale portant les éléments sur la lutte contre les dérives extrémistes doit beaucoup au rapport sur la prévention de la radicalisation remis, fin octobre 2013, au premier ministre par Yann Jounot, alors haut responsable au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Décalage
En matière de renseignement, un sérieux effort doit, notamment, être fait sur le plan de la coopération et de l’échange d’informations avec les services secrets turcs. Depuis le début de la guerre civile en Syrie, les services occidentaux ont constaté que des Européens venant notamment des Pays-Bas, de France et de Belgique, et qui ne se connaissaient pas, se retrouvaient en Turquie, après avoir partagé, sur Internet, leur volonté de combattre pour le djihad. Le peu d’énergie déployé par Ankara, depuis trois ans, pour faire la chasse aux djihadistes passant sur son territoire a été régulièrement regretté par des membres de la communauté du renseignement français. Pour les Turcs, les traquer signifie aussi en faire un ennemi sur son propre sol.
Pour répondre, par ailleurs, à la multiplication des départs de France (près de 250 personnes combattraient actuellement en Syrie), l’Etat français entend resserrer les mailles de ses filets à ses frontières. La surveillance des allers-retours entre la France et cette région sera étendue. Non seulement les interdictions de sortie du territoire seront systématisées pour les mineurs, mais le champ d’attention des policiers et des services de renseignements ne se limitera plus aux personnes signalées. Il couvrira une population plus large, comme le souhaitaient les policiers.
Pour ce faire, le conseil restreint a prévu de donner des moyens humains et techniques. Mais avant cela, il faut encore trouver un cadre légal à ces mesures qui élargissent beaucoup le périmètre des personnes suspectées. Les moyens de droit n’ont pas encore été finalisés, et ce, d’autant plus qu’ils touchent aux libertés et aux accords de libre circulation dans l’espace Schengen. Ce qui explique, en grande partie, le décalage entre la tenue du conseil restreint et l’annonce des mesures.
Enfin, le chef de l’Etat a validé l’engagement du gouvernement sur une piste jusqu’alors surtout privilégiée par les Anglo-Saxons, une approche interministérielle insistant sur le préventif. La réponse française pécherait, en effet, par son » tout-répression » qui l’empêcherait, par exemple, a dit le conseil, de disposer de » critères communs de détection » des personnes à risques.
Les municipalités, l’éducation nationale, le Conseil français du culte musulman seront, en particulier, associés à des campagnes de sensibilisation pour renforcer l’esprit critique des aspirants au djihad grâce à un » contre-discours argumenté « . Les actions en ce sens seront coordonnées dans des centres de prévention au sein des préfectures. Ces cellules auront également pour tâche de parler aux familles concernées par des cas de radicalisation. Les apprentis djihadistes potentiels seront approchés et se verront proposer des dérivatifs comme » œuvrer dans l’humanitaire plutôt que dans le djihad « , selon l’un des participants au conseil restreint.
Jacques Follorou
© Le Monde
De la poudre explosive retrouvée chez un ex-djihadiste
Les enquêteurs de la DCRI ont découvert quelque 900 grammes d’explosif, le 17 février, dans un immeuble de Mandelieu-La-Napoule (Alpes-Maritimes), lors d’une perquisition chez un homme de retour de djihad en Syrie. Un projet d’attentat a-t-il été déjoué ? » C’est de l’ordre de l’hypothèse. Il y a de fortes chances mais les enquêteurs n’ont pas trouvé de trace de projet formalisé « , a indiqué au Monde, le 26 mars, une source au ministère de l’intérieur. Lors de la perquisition, les policiers ont mis la main sur trois canettes remplies de TATP, un explosif rudimentaire pouvant être fabriqué à domicile. L’une d’elles était entourée de clous et de vis, fixés avec du scotch. L’appartement était utilisé par un homme de 23 ans lié à la cellule dite de Cannes-Torcy.
Source : Le Monde