À l’occasion du colloque « Investir à Oman », organisé, le 12 mai dernier à Paris, Azzan al-Bousaïdi, directeur général du plan et des études de l’Ithraa, nous a présenté les grandes lignes de sa stratégie d’expansion économique.
Propos recueillis par Majed Nehmé
Après plus de quarante ans de développement économique continu et de stabilité politique et sociale enviable dans un environnement régional explosif, le sultanat d’Oman veut mettre ses atouts au service d’une stratégie d’expansion économique en phase avec les exigences d’une mondialisation maîtrisée.
Ainsi, lors du colloque « Investir à Oman » le 12 mai dernier à Paris, la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA) a mis en contact une délégation omanaise conduite par Azzan al-Bousaïdi, directeur général de l’Autorité publique pour la promotion de l’investissement et le développement de l’export du sultanat (ITHRAA), et de nombreux chefs de grandes entreprises françaises. Azzan al-Bousaidi a expliqué à Afrique Asie sa stratégie, et particulièrement son projet phare : la création d’une nouvelle zone industrielle autour du port de Duqm, au sud de Mascate. Les futurs dividendes de ce pôle de développement n’ont pas échappé aux grands investisseurs internationaux, et en premier lieu à la Chine, qui a d’ores et déjà signé avec Oman un accord portant sur de premiers investissements de 10,7 milliards de dollars d’ici à 2022 sur des projets industriels.
Quelle plus-value cette nouvelle zone économique va-t-elle générer pour le développement d’Oman ?
Il s’agit d’abord d’un projet de développement de première importance, à la fois local et à l’international. Il se situe à mi-chemin entre Mascate et Salalah, dans la province d’Al-Wausta, au bord de la mer des Arabes, sur l’océan Indien, un emplacement stratégique. Sa finalité est de créer des emplois, de diversifier l’économie en réduisant sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.
Le rôle de l’État consiste à créer les infrastructures permettant au secteur privé et public tout comme aux investisseurs nationaux et internationaux de générer de nouvelles activités économiques rentables et un développement durable respectueux de l’environnement humain et naturel. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un plan national visant un développement industriel basé sur les petites et moyennes industries et sur l’industrie lourde : raffinerie, pétrochimie, cimenteries, sidérurgie, aluminium…
Dans le but de booster l’exportation ?
Pas seulement. Nous cherchons à exporter tout en satisfaisant les besoins du marché national. Les investisseurs internationaux sont déjà attirés par ce pôle, qui sera une base pour développer leur production vers les marchés africains et asiatiques tout proches. Parallèlement à l’activité industrielle proprement dite, ce pôle comprendra des projets touristiques ambitieux, générateurs d’emplois et respectueux de l’environnement : hôtels, infrastructures sportives, tourisme culturel…
Quand le projet a-t-il démarré ?
Il y a quatre ans. Une bonne partie des infrastructures ont été achevées (ports en eau profonde, aéroports, édifices), mais on n’est pas encore à la vitesse de croisière prévue initialement, étant donné le gigantisme des chantiers qui s’étalent sur 2 000 km2.
Quelles sont les incitations pour les investisseurs nationaux et étrangers ?
Il y a des mesures de nature fiscale et législative, sans parler des facilités d’installation, d’exportation et d’utilisation des infrastructures financées par l’État…
Entrerez-vous en concurrence avec la zone toute proche de Jabal Ali à Dubaï, aux Émirats arabes unis ?
La zone de Jabal Ali est pionnière dans la région. Elle a le privilège de l’antériorité puisqu’elle a démarré dans les années 1980, tout comme la zone de Singapour. Mais ces deux zones commencent à dater. Nous nous lançons avec la technologie du xxie siècle et nous profitons des innovations les plus fturistes.
Quand le projet fonctionnera-t-il à plein régime ?
Il passera par trois étapes. Nous en sommes à la première. Nous prévoyons une vingtaine d’années pour atteindre la vitesse de croisière. Nous adoptons une approche progressive, graduelle, comme c’est le cas de tous les projets gigantesques de ce genre.
Qu’en est-il des investisseurs étrangers ?
Ils sont attirés par le projet, mais pas encore comme nous l’aurions souhaité. C’est compréhensible dans la mesure où toutes les infrastructures prévues ne sont pas encore achevées. Nous visons actuellement l’Europe, en commençant par la France et les pays avec qui nous avons tissé des relations économiques mutuellement bénéfiques. Nous attirons déjà des investisseurs asiatiques (Inde, Iran, Malaisie, etc.) étant donné notre situation géographique, et surtout notre positionnement géopolitique – la stabilité dans une zone tourmentée. Le mouvement n’en est qu’à ses débuts et il s’amplifiera au fur et à mesure de l’avancée du projet. Les Chinois sont déjà présents et comptent utiliser Duqm comme un hub vers l’Afrique. Pour conclure, le capital confiance, la stabilité, la politique de bon voisinage, le pragmatisme, le dialogue social, qui sont le socle du contrat social omanais, sont des atouts qui attirent de plus en plus d’investisseurs.
* https://www.duqm.gov.om ; https://ithraa.om/EN/Pages/Home.aspx
Article paru dans le numéro de juillet/août d’Afrique Asie
Mots clés : Oman, investissements, Duqm, Ithraa, Majed Nehmé, Azzan al-Bousaïdi