Tendance, provocant, contraire à la tradition, ce vêtement n’a jamais eu la cote auprès des Africaines. Elles sont pourtant de plus en plus nombreuses à l’adopter, à l’instar des Togolaises. Car il peut revenir jusqu’à sept fois moins cher qu’un pagne.
Au Togo, le pantalon ne connaît pas la crise. Au contraire : il est devenu le chouchou de ses dames, venant à la rescousse des budgets les plus serrés. Pourtant, passé la quarantaine, les Africaines le boudaient. Seule la jeune génération et les femmes de niveau social élevé l’enfilaient pour se rendre au travail, faire des courses ou sortir. Comment expliquer cet engouement soudain pour quatre morceaux de tissu habilement assemblés ? Tout simplement par son coût : il se révèle cinq fois moins cher que le pagne, vendu à partir de 2 500 francs CFA. Et sept fois moins si on ajoute la main-d’œuvre nécessaire à la confection d’une tenue simple. Du coup, ce sont les vendeuses du tissu traditionnel africain qui peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts.
Budget serré
« Certains jours, je ne vends même pas un seul pagne. Il est devenu rare que je dégage des bénéfices, explique Elagnon, vendeuse ambulante. Maintenant, les femmes préfèrent acheter un pagne de temps en temps pour faire une chemise qu’elles portent sur leur pantalon. » Et même lorsqu’elle a l’occasion de vendre, les temps restent durs. « Je négocie toujours âprement les prix de mes pagnes, raconte Meyé, une cliente de 40 ans. Et désormais, j’achète à crédit presque à chaque fois. » Elagnon a du mouron à se faire : même pour des funérailles, l’occasion de vendre plusieurs mètres de pagnes pour les tenues traditionnelles, les familles préfèrent acheter dans les grands magasins où elles obtiennent des remises importantes. Être toujours à l’affût de la bonne affaire est devenu une habitude en ces temps de crise.
Le pays sort à peine d’une récession de quatorze ans. En 2007, l’Union européenne a enfin levé les sanctions économiques établies pour cause de « déficit démocratique ». Depuis, il y a eu la crise mondiale et le Togo, déjà fragilisé, a dû faire face à des ennuis financiers – comme toute l’Afrique subsaharienne. Pour 2009, les prévisions annoncent un taux de croissance sur le continent de 2,8 %, alors qu’il avait atteint 5,4 % en 2008 et 6,5 % en 2007. L’emploi vulnérable devrait concerner plus de 82 % des travailleurs subsahariens.
Les femmes africaines, qui tiennent souvent les cordons de la bourse, ont dû composer avec cette situation, sommées d’arbitrer entre le nécessaire et le plaisir pour équilibrer leur budget. Le pantalon répond aux deux. « Il en existe de toutes les longueurs, de toutes les couleurs et de toutes les formes, explique Dorothée, vendeuse au marché de Lomé vêtue d’un jeans. Avant, je vendais des chaussures mais une amie qui vendait des pantalons m’a conseillé de m’y mettre parce que c’est beaucoup plus rentable. »
Chasse au futal
La partie n’est pas gagnée : en Afrique en général, le pantalon continue à être principalement porté par les jeunes filles qui préfèrent une mise occidentale. Et nombre de femmes et d’hommes y voient toujours un moyen de s’éloigner de la culture traditionnelle, voire d’aguicher les hommes. D’où une chasse au pantalon acharnée. On se souvient de la Soudanaise Loubna Ahmed al-Hussein, condamnée en juillet 2009 pour avoir mis un pantalon. Un délit passible de quarante coups de fouet dans son pays qui applique la charia. En 2004, en République démocratique du Congo, des agents des forces de l’ordre ont traqué les porteuses de ce vêtement, les déshabillant même avec violence en pleine rue. En 2003, au Cameroun, l’administration a interdit aux femmes fonctionnaires de l’arborer au travail avant qu’un assouplissement ne soit accordé. Au Swaziland, le roi Mswati III l’a même banni pour les dames, le considérant plus « tentateur » que le pagne… Mais cette chasse ne fait pas l’unanimité en Afrique, comme au Togo où la plupart des femmes l’ont définitivement adopté. Pas question de le laisser traîner dans les armoires !