États-Unis Et si le reste du monde percevait l’hyperpuissance comme exportatrice de terrorisme plutôt que le combattant ? La CIA s’est penchée sur la question, comme le prouve son mémo dévoilé sur le désormais célèbre site, adepte de la transparence. édifiant.
Le document de la « cellule rouge » de la CIA, intitulé Mémorandum sur les États-Unis « exportateurs de terrorisme » du 2 février 2010 a été mis en ligne par WikiLeaks, désormais célèbre pour la diffusion sur son site de 75 000 (1) documents classifiés par la Défense américaine. Derrière WikiLeaks, The Sunshine Press est une organisation internationale à but non lucratif soutenue financièrement par des organisations de défense des droits humains, des journalistes d’investigation, des juristes, et le public en général. Depuis sa création en 2006, des milliers d’abus militaires, politiques ou d’entreprises privées ont été dénoncés malgré toutes les attaques « légales » lancées contre WikiLeaks. (2)
Extrémisme des juifs américains
Selon le site, le document mis en ligne le 25 août dernier étudie les conséquences d’une perception internationale des États-Unis comme exportateur de terrorisme. « Contrairement à la croyance commune, l’exportation de terroristes ou de terrorisme par l’Amérique n’est pas un phénomène récent et n’est pas, non plus, associée seulement aux radicaux islamistes et aux gens d’origine moyen-orientale, africaine ou d’Asie du Sud. Cette dynamique est en contradiction avec la croyance américaine que notre société libre, ouverte et multiculturelle intégrée atténue l’attraction du radicalisme et du terrorisme pour nos citoyens étasuniens. »
Le rapport de la CIA examine plusieurs cas de terrorisme d’exportation américaine, y compris les attaques par des terroristes juifs, musulmans et de nationalistes irlandais établis aux États-Unis ou financés par eux. Il conclut que la perception extérieure des États-Unis « exportateurs de terrorisme » associée au double standard par rapport à la loi internationale peut conduire à un refus de coopération et à la décision de ne pas partager des renseignements liés au terrorisme avec les États-Unis.
Nombre d’Américains à l’étranger sont responsables d’actes de violence, dit le rapport. C’est le cas, par exemple, de David Headley, cet Américain d’origine pakistanaise qui a joué un rôle dans les attaques terroristes à Mumbai en 2008, ou de Baruch Goldstein, extrémiste juif émigré de New York en Israël qui s’est joint au groupe extrémiste Kach ayant tué vingt-neuf Palestiniens à Hébron en 1994. Une attaque tragique qui, pour beaucoup, « est à l’origine de la vague d’attentats contre des bus par le Hamas début 1995 ». La violence extrémiste chez les juifs américains n’est pas un fait nouveau. La Jewish Defense League (JDL, Ligue de défense juive) est listée par le FBI comme « organisation extrémiste violente ». En 1986, le Département américain à l’Énergie déclarait : « Pendant plus d’une décennie, la JDL a été l’un des groupes terroristes les plus actifs aux États-Unis. »
Terrorisme d’état
Selon le mémorandum de la CIA, des citoyens américains ont également apporté « un soutien financier et matériel » à des groupes d’Irlande du Nord. Par exemple, une grande partie des fonds de l’Irish Republican Army (Ira) est venue des Américains d’origine irlandaise, pendant la période des « troubles » et jusqu’en 1994.
Les analystes reconnaissent tous que le fait que les États-Unis soient perçus comme la source d’un extrémisme violent pourrait créer des problèmes. « Si les États-Unis étaient perçus de cette manière, nos partenaires étrangers seraient moins disposés à coopérer à des activités extrajudiciaires et aux interrogatoires de suspects dans des pays tiers. »
Plus troublant, selon le rapport, est la perspective pour les États-Unis d’être perçus comme exportant le terrorisme tout en refusant de coopérer avec des gouvernements étrangers pour extrader des citoyens américains soupçonnés de terrorisme à l’étranger.
Le rapport de la CIA omet – mais c’était prévisible – toute mention de soutien officiellement reconnu à des groupes terroristes internationaux ou d’actions terroristes menées par les services américains eux-mêmes. Le mémo de la « cellule rouge » se concentre exclusivement sur les extrémistes individuels et les groupes radicaux.
Comme l’a écrit l’historien américain de Princeton Arno Myer, peu après les attaques du 11 septembre 2001, « depuis 1947, l’Amérique a été le principal pionnier et “auteur préventif” du terrorisme d’État, exclusivement dans le tiers-monde et largement disséminé ». Washington a eu recours aux assassinats, aux escadrons de la mort et aux très douteux « combattants de la liberté ». Et ces actions de « voyous » n’ont fait qu’empirer les contextes politiques et économiques locaux. Il est clair que la CIA a tout intérêt à occulter le côté obscur de ses propres activités terroristes.
(1) Contrairement à ce que nous avions
écrit dans le numéro de juin, il ne s’agit pas
de 92 000 documents américains
secret-défense concernant l’Afghanistan,
mais de 75 000. WikiLeaks a annoncé
la publication à venir de quinze nouveaux documents du même type.
(2) Pour tout contact : https://sunshinepress.org