Condamné à 12 ans de prison, Lula da Silva, l’ex-président du Brésil et dirigeant charismatique, poursuit sa résistance soutenu par ses partisans. Le 4 avril, le juge Sergio Moro de la Cour suprême a rejeté le recours d’ « habeas corpus préventif » déposé par sa défense pour lui éviter la prison tant que tous les recours ne sont pas épuisés. Il avait 24 heures pour se constituer prisonnier, soit avant 17 heures, le 6 avril.
Refusant l’injonction, Lula da Silva s’est réfugié au quartier général du Syndicat ABC des Métallurgistes, à Sao Bernardo do Campo (Sao Paulo) protégé par des centaines de personnes rassemblées en rempart humain autour des bâtiments. Travailleu(ses)rs, militant(e)s des Paysans sans terre, étudiant(e)s, militant(e)s des droits de l’homme et autres associations progressistes, partisans du Parti des Travailleurs et population de manière générale, tous étaient là pour soutenir leur dirigeant et candidat à la prochaine présidentielle qui doit se tenir en octobre et dont les sondages le donnent vainqueur. La condamnation par les juges à la solde de la droite et de l’armée est, en effet, largement dénoncée comme un « coup d’état judiciaire » des militaires et des forces réactionnaires brésiliennes avec l’accord de Washington, après des mois de harcèlement et de procédure.
« Le combat continue. Merci ! », a tweeté Lula, en même temps que, depuis l’une des fenêtres du bâtiment, il encourageait ses partisans à ne pas abandonner la lutte. Les forces de la police fédérale venue négocier, en vain, la réédition du dirigeant, ont dû renoncer à entrer par la force dans les locaux pour l’arrêter. Elles ont tenu compte du fait qu’elles ne disposaient que d’un mandat de dépôt qui n’est pas exécutoire et qui spécifiait, par ailleurs, l’interdiction d’utiliser les menottes sur l’ancien président. D’autre part, les arrestations sont interdites au Brésil au-delà de 18 heures, le délai était dépassé compte tenu des négociations.
Les négociations se sont, cependant, poursuivies pendant la nuit entre les autorités et les représentants de Lula, son avocat Me Antonio Batocchio, notamment. « Lula n’ira pas à l’abattoir la tête baissée ! » a déclaré celui-ci. La situation était, cependant confuse. Lula allait-il se rendre, comme le laissait entendre une rumeur ? Gleisi Hoffmann, dirigeante du Parti des Travailleurs, assurait qu’il n’en était rien. Elle précisait qu’il assisterait, ce samedi, à la messe organisée au siège des métallurgistes à la mémoire de son épouse décédée en février.
Antonio Batocchio a annoncé qu’il allait déposer une ultime requête de suspension de mandat de dépôt au Tribunal fédéral suprême, arguant que son client était victime d’une persécution politique visant à l’empêcher de participer au scrutin présidentiel. « Lula est innocent, notre constitution est claire : vous ne pouvez pas être arrêté tant que tous les recours ne sont pas épuisés. Le président a le droit de faire appel », a, également, déclaré Dilma Rousseff, ex-présidente du Brésil, membre du Parti des Travailleurs, destituée en août 2016 de façon contestée, aux termes de fausses accusations dans le cadre l’affaire Petrobras. Elle fut, elle- même, victime d’un complot de la droite et l’extrême droite, orchestré par Michel Tremer qui l’a remplacée à la tête du pays et qui est, aujourd’hui, cité par la justice dans le scandale Petrobras, tandis que certains de ses ministres et amis sont sous les verrous.
Quoi qu’il en soit, le leader charismatique, icône de la gauche brésilienne et latino-américaine, pourra-t-il être candidat en étant incarcéré ? Oui, mais… L’objectif de l’armée et de la droite et de l’extrême droite brésiliennes est de l’affaiblir, voire d’obliger le PT à trouver un autre candidat qui serait, évidemment, moins charismatique. D’autre part, selon la loi brésilienne, toute personne condamnée en deuxième instance, comme Lula, ne peut assumer une fonction publique. Il ne serait donc pas autorisé à assurer son mandat s’il était définitivement condamné. Le Tribunal Supérieur Electoral qui analyse chaque candidature se prononcera en septembre sur les candidats potentiels. Cela laisse le temps au Parti des Travailleurs d’affiner sa stratégie.
Nul ne peut dire, à ce jour, ce qui peut se passer dans les semaines à venir. L’incarcération de Lula pourrait provoquer des manifestations importantes, voire violentes dans toutes les régions du Brésil, les Paysans sans terre sont, déjà, en train d’élever des barrages sur les routes. Les militaires brésiliens, dictateurs de sinistre mémoire de 1964 à 1985, semblent déterminés à bloquer la gauche, y compris, selon certains observateurs, par un coup d’État si nécessaire. Le général Hamilton Mourao n’a-t-il pas déclaré, avant le rejet de l’ « habeas corpus » par la Cour suprême que si celle-ci « n’assure pas sa respectabilité, (nous) entrerons dans la route du chaos, et seules les forces armées peuvent empêcher cela ».