La Syrie un nouveau champ d’action pour al-Qaïda
La Syrie est-elle, après l’Irak, un nouveau champ d’action de la nébuleuse d’al-Qaïda ? C’est la conclusion à laquelle plusieurs observateurs sont parvenus. L’ambassadeur américain à Damas lui-même l’admet désormais à mots à peine couverts en parlant de la possibilité de voir la Syrie se diriger vers une guerre civile et confessionnelle.
Allant dans ce sens, le site arabophone, arabi press (https://www.arabi-press.com/index.php?page=article&id=5073) publie dans son édition du 29 septembre 2011, un message d’un porte-parole d’al-Qaïda. « Nous tenons à assurer notre peuple en Syrie, affirme ce porte-parole, que nos Moudjahidins sont déjà entrés en Syrie et qu’ils sont à l’œuvre pour mettre en place des cellules qui vont préparer le terrain djihadiste en vue d’y créer l’Etat de l’Islam et y instaurer la loi (charia) divine.»
La même source, toujours citée par arabi-press.com, s’engage à « soutenir le peuple syrien dans sa révolte armée contre la tyrannie du régime en place » et à « mobiliser ses troupes et ses soutiens, notamment dans les capitales occidentales, pour dénoncer ce régime et appeler à le renverser, selon les mots d’ordre brandis lors des manifestations devant l’ambassade syrienne à Londres».
Al-Qaïda est parvenue ces derniers temps, selon cette source, à pénétrer en Syrie où, en dépit de la main de fer que les services de sécurité syriens impose au pays, à y envoyer de nombreuses cellules qui ont rejoint les différents foyers de contestation armée. Citant le prédicateur jihadiste radical Omar Bakri, le site arabi press rapporte des propos récents de ce prédicateur exhortant les révolutionnaires syriens à faire appel aux services d’Al-Qaïda. Selon lui, « le chaos actuel en Syrie a permis aux cellules d’al-Qaïda de s’y infiltrer, à partir de l’Irak. Leurs prochaines cibles seront les principaux centres du pouvoir syrien et les ambassades occidentales »
Originaire de Syrie mais détenteur d'un passeport libanais, ce religieux, qui avait notamment qualifié de « 19 magnifiques » les terroristes d’al-QaÏda du 11-Septembre, est depuis 2005 interdit de séjour en Grande-Bretagne où il a vécu et prêché pendant une vingtaine d'années.
Le prédicateur, de son nom complet Omar Fostoq Bakri Mohammed, s'était installé en Grande-Bretagne en 1986, où il était devenu une figure de proue des milieux islamistes à Londres, jusqu'au tour de vis donné par les autorités britanniques après les attentats du 7 juillet 2005 (56 morts, 700 blessés).
Celles-ci avaient profité de l'absence de Bakri, parti au Liban pendant l'été, pour le priver de son droit de séjour en Grande-Bretagne. Il avait prédit les attentats de Londres, selon certains médias, et avait affirmé que l'ancien Premier ministre John Major et l'ancien président russe Vladimir Poutine étaient des « cibles légitimes ».
Né en 1960 au sein d'une famille aisée de Syrie, Omar Bakri est devenu membre des Frères musulmans à l'adolescence.
En 1983, il a fondé sa propre formation, Al-Mouhadjiroun, (Les Emigrés) à Jeddah (Arabie saoudite), d'où il est expulsé trois ans plus tard.
Al-Mouhadjiroun est officiellement dissous en octobre 2004.
Dans ses déclarations à l'AFP, il a nié tout lien logistique avec Al-Qaïda. « Je n'ai pas de relations avec Al-Qaïda, directes ou indirectes, à part que je crois en la même idéologie », a dit le prédicateur.
Dans une récente interview publiée par le site Internet du Nouvel Observateur, après la liquidation de Ben Laden (https://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/05/03/apres-ben-laden-), Omar Bakri donne, après son mentor, Ayaman al-Zawahir, son « analyse » des printemps arabes.
« Ces soulèvements, dit-il, n'étaient pas des appels à la charia, c'est vrai. Mais nous aurons notre butin de ces révolutions et un gros ! Déjà, en Egypte et en Tunisie, les services secrets ne traquent plus les salafistes. Désormais, nous avons pignon sur rue, nous pouvons voyager dans tout le pays, recruter, personne ne parle de nous. Le nouveau gouvernement a même ouvert les prisons et libéré nos frères.
Dès le début, Al Zahawiri avait bien compris tout le bénéficie que nous pourrions tirer de ces soulèvements. C'est pour cela qu'il conseillait aux moudjahidines de ne pas intervenir. Le temps joue pour nous. Regardez : au Caire, on commence à dire qu'il faudrait dénoncer l'accord de 1979 avec Israël et les islamistes modérés qui vont probablement gagner les élections disent que l'Egypte doit être gouvernée selon l'esprit de la Sharia. Tout s'accélère en notre faveur. Dans quelques mois ou quelques années, nous aurons gagné la bataille idéologique dans tout le monde arabe! »
Peu avant, dans un message vidéo de 7 minutes diffusé le 27 juillet dernier– mais qui aurait été enregistré en juin -, le nouveau chef d’Al-Qaida Ayman al-Zawahiri a apporté son soutien plein et entier aux opposants syriens, les exhortant toutefois à ne pas remplacer Bachar al-Assad par un régime pro-américain. Décernant aux activistes anti-Baas le label officiel de « moudjahidins » , le successeur d’Oussama ben Laden les a félicités de « donner des leçons à l’agresseur, l’oppresseur, le traître, le déloyal, et de se dresser contre son oppression« . L’ « agresseur, le traître, etc » c’est donc Bachar al-Assad, dont le plus grand crime aux yeux d’al-Zawahiri est certainement de maintenir un régime officiellement et effectivement laïc.
Ce soutien d’Al-Qaida aux opposants syriens – armés ou non – aurait du ne pas être uniquement rhétorique : al-Zawahiri était en effet disposé à faire profiter les Syriens de son « expertise » en matière de lutte armée, développée notamment dans l’Irak voisin ces dernières années. Oui, mais malheureusement, la guerre en cours entre les Etats-Unis et leurs alliés et Al-Qaida, ainsi que les « barrières et frontières » séparant les pays arabes et musulmans ne lui permettent pas de rejoindre la lutte du peuple syrien… Mais le n°1 d’Al-Qaida proteste de sa bonne volonté : « S’il n’y avait eu ces problèmes, mes frères et moi-même seraient parmi vous et avec vous, et vous défendraient avec nos vies » tient-il à assurer les anti-Bachar.
Actuellement ces barrières n’existent plus puisque la jonction vient d’être faite avec l’intérieur syrien en insurrection armée.
« Déjà en butte à l’action de groupes armés salafistes et liés à certains régimes sunnites du Golfe, écrit le site français infoSyrie.fr, la Syrie baasiste se voit à présent excommuniée par la mouvance la plus radicale de l’islamisme militant. C’est finalement plutôt une bonne nouvelle pour le président Bachar : avec un ennemi comme celui-ci, on a moins besoin d’alliés. On souhaite en revanche à Barack Obama, Hillary Clinton, David Cameron, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé de gérer au mieux ce « renfort » politique… »
Les faits de guerre de ces nouveaux renforts jihadistes sont aujourd’hui incontestables. Comme en Irak, les cellules d’al-Qaïda viennent d’entamer une campagne d’assassinats ciblés dans la région de Homs. « Ciblés » car frappant, comme en 1981, des universitaires ou des scientifiques travaillant et vivant dans cette importante ville du nord du pays, déjà touchée, en juillet, par des incidents entre sunnites d’une part, partisans du régime et alaouites d’autre part.
Dimanche 25 septembre, Hassan Eid, chirurgien de l’hôpital de Homs, était abattu de plusieurs balles au moment de monter dans sa voiture. Lundi 26, Mohammad Ali Aqil, adjoint du doyen de la faculté d’architecture de l’université al-Baas, et le général Naël Dakhil, directeur de l’Ecole militaire de Pétrochimie, étaient assassinés. Mercredi matin 28, c’était au tour d’Aous Abdel Karim Khalil, ingénieur nucléaire et enseignant à l’université al-Baas d’être tué d’une balle dans la tête, alors que sa femme le conduisait à son travail.
Les crimes sont signés
L’OSDH attribue ces meurtres à des « inconnus« , l’agence Sanaà des « terroristes » (anti-régime). Il n’y a pour l’heure que des suppositions ou des présomptions, mais le fait que toutes ces victimes soient non seulement des notables mais, pour deux d’entre eux, des alaouites, un chiite et un chrétien oriente les regards vers les opposants radicaux, qui semblent depuis deux ou trois semaines privilégier résolument l’option militaire.
Pour la première fois, le pouvoir syrien, vient de reconnaître l’infiltration des cellules terroristes d’al-Qaïda en Syrie. Fayçal Meqdad, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères chargé des Immigrés a en effet déclaré que l'intervention de l'armée, notamment, dans les villes de Homs et Hama, était une réponse aux groupes armés terroristes qui sont appuyés par Al-Qaïda.