À Harare, la sagesse populaire dit que « rien n’est ce qu’il parait être ». C’est certainement le cas de la police, dont les barrages omniprésents en ville donnent l’impression qu’elle est particulièrement efficace pour faire respecter le code de la route.

Une ville moderne mais…
En réalité, les barrages vont un peu au-delà de leur objectif initial, qui est effectivement de régler la circulation. C’est un moyen, pour les policiers, de s’assurer un petit complément de revenus car leurs salaires, qui n’ont pas été révisés depuis des lustres, sont loin de suffire à faire vivre ne serait-ce qu’une petite famille. Bien sûr, on ne compte plus les violations du droit que ces pratiques entraînent et les multiples problèmes qui se posent aux citoyens.
À l’origine de ce comportement, une décision gouvernementale qui autorise les policiers à conserver pour eux-mêmes les amendes qu’ils perçoivent. Une façon de les encourager à rester vigilants et à verbaliser un maximum de contrevenants. À chaque fois qu’un véhicule est intercepté, l’agent de police demande au conducteur de présenter ses papiers et, désormais, chacun sait qu’il s’agit en fait d’une invitation à glisser un petit billet dans les documents en question. Quant à établir si, oui ou non, l’automobiliste est en infraction, c’est devenu une source intarissable de disputes, de bagarres, voire de procès devant les tribunaux.
L’affaire est devenue symbolique que la fin de la séparation des pouvoirs. Formellement, la police n’a pas celui de déclarer un individu coupable d’une infraction, c’est à la justice de le faire. En revanche, pour éviter l’engorgement des tribunaux, elle peut percevoir une amende forfaitaire, qui est l’équivalent d’un « plaider coupable » de la part du contrevenant. Quelques jours plus tard, celui-ci reçoit une lettre résumant son infraction et le fait qu’il a reconnu l’avoir commise. Dès lors, il a la possibilité soit d’en rester là, et l’argent versé est considéré comme son amende, soit de contester et de venir s’expliquer devant un tribunal, auquel cas l’argent versé est considéré comme une caution, récupérable en cas de relaxe de la part du juge. Mais aujourd’hui, ce système ne fonctionne plus du tout. Personne ne reçoit plus la moindre notification du tribunal de police relative aux amendes réglées dans la rue et pour cause : l’argent est passé dans la poche de l’agent de police sans laisser de trace.
L’affaire est d’importance : selon le ministère de l’Intérieur, ces « transactions » atteindraient quelque 60 millions de dollars par an, hors budget, hors impôts… À coup de contraventions qui vont de 10 à 30 dollars, on imagine le nombre de contrôles qui sont pratiqués chaque jour dans les rues d’Harare. Le public est excédé, et les touristes – rançonnés comme les autres – commencent à déserter la ville au point que le ministre du Tourisme a tiré la sonnette d’alarme : les recettes s’effondrent dans les hôtels et autres infrastructures et la perte n’est pas loin d’être équivalente à la somme collectée indûment dans les rues !