Pour les prochaines élections générales, l’ANC s’invite carrément dans les affaires intérieures zimbabwéennes.
L’Anc, parti au pouvoir en Afrique du Sud, vient de s’inviter ouvertement et sans détour dans la vie politique de son voisin zimbabwéen. Le 9 décembre dernier, alors qu’il s’adressait à la 12ème Conférence nationale du peuple du parti de Robert Mugabe, la Zanu-PF, Gwede Mantashe, secrétaire général de l’ANC et président du parti communiste, a déclaré qu’ « il est important pour la ZANU-PF de regagner le terrain perdu et de continuer de représenter les aspirations du peuple du Zimbabwe. Nous devons combattre le projet impérialiste car s’il réussit ici, nous aurons tous des ennuis. ». Il faisait référence au Global Political Agreement (GPA) signé, sous la pression de l’Occident, par la Zanu-PF et le MDC pour un gouvernement de coalition, que Robert Mugabe, 88 ans, au pouvoir depuis 1980, considère comme « illégal » et « anti-démocratique.
Gwede Mantashe a annoncé que l’ANC interviendrait, entre autres, par une assistance technique et politique. « Nous enverrons des équipes de stratégie de campagne pour travailler avec vous ; ce sera la meilleure manière de célébrer le centenaire de l’ANC en janvier 2012. » La date des élections n’est pas encore connue, 2012 ou 2013. « Vous devriez commencer à nous envoyer les documents afin que nous puissions travailler dessus et ajouter des choses si nécessaires. » Trois jours plus tard, la direction de l’ANC confirmait ces déclarations. « Nous consolidons notre relation avec un ancien mouvement de libération et, oui, nous les soutenons », a déclaré Keith Khoza, porte parole de l’organisation. Les trois principaux partis la Zanu-PF, le MDC du Premier ministre Morgan Tsvangirai et son aile dissidente, se sont déjà lancés dans la campagne électorale. Le MDC a tenu plusieurs meetings à travers le pays tandis que la Zanu-PF tente de toucher les zones rurales en faisant des donations à des écoles et des villages, vise les églises et la jeunesse ainsi que les affairistes et les femmes.
L’objectif affirmé de l’ANC est d’ « aider un ancien mouvement de libération dans l’espoir qu’il avancera. Nous avons une approche qui permettra aux partis politique au Zimbabwe d’être sensible aux besoins du peuple », a expliqué Kerth Khoza. L’Anc est le seul mouvement de libération présent à la 12ème Conférence à avoir déclaré son soutien à la ZANU-PF. Cette intrusion dans la vie politique zimbabwéenne par l’Afrique du Sud est perçue comme une confusion des rôles par certains, alors que Jacob Zuma est actuellement le médiateur politique de la SADC (Southern African Development Community) pour le Zimbabwe dans un contexte tendu entre Robert Mugabe et son Premier ministre d’opposition. Ce à quoi l’ANC répond qu’il s’agit de relations entre partis et non entre gouvernements.
Derrière cette offre de soutien électoral, se profilent deux questions sur l’agenda du gouvernement sud-africain et de l’ANC. Gwede Mantashe a utilisé sa visite pour appeler les émigrés zimbabwéens – près de trois millions – en Afrique du sud à retourner dans leur pays pour « contribuer à la reconstruction de leur économie ». Début décembre, le gouvernement avait approuvé l’expulsion de tous les Zimbabwéens en situation irrégulière. Les expulsions doivent commencer début janvier. En octobre, déjà, plusieurs centaines de Zimbabwéens avaient été transportés par camion à la frontière, à plus de 500 km de Johannesburg. La deuxième question en toile de fond est celle de la suspension de Julius Malema de son poste de président de l’ANCYL, la ligue de la jeunesse de l’ANC. Gwede Mantashe avait, lors d’une précédente visite, accusé la ZANU-PF d’avoir autorisé les services de renseignements zimbabwéens à financer et entraîner Julius Malema et de l’avoir, elle-même, pris sous son aile. Julius Malema s’était, en effet, rendu au Zimbabwe où il avait été reçu en véritable chef d’État et où il s’était adressé publiquement en tant que tel. Il avait fait, ensuite, campagne pour la nationalisation en Afrique du Sud, des mines et des terres sans compensation, en dehors de tout accord avec son organisation – pour ne pas dire en plein désaccord – en vantant l’exemple du Zimbabwe et de la politique appliquée par Robert Mugabe. Cette attitude a été ressentie comme une volonté d’expulser Jacob Zuma de la présidence de la République, à l’occasion des prochaines élections notamment et avait motivé la suspension de Malema, l’éliminant finalement de la scène politique dans la période stratégique pré-électorale en Afrique du Sud. Avec les déclarations de Mantashe, l’ANC a signifié au « parti frère » que la page était tournée.