Depuis le 15 novembre et l’intervention des Forces de Défense zimbabwéennes sous le commandement du général Constantine Chiwenga, à Harare, la situation n’a cessé d’être confuse, changeante et imprévisible, mais marquée, cependant, par une très grande prudence des militaires qui n’ont eu de cesse d’expliquer qu’il ne s’agissait pas d’un « coup d’État » mais plutôt d’un grand « nettoyage anti-corruption » visant à remettre le pays « sur la voie du développement ».
Ainsi Robert, Mugabe et sa famille ont été, dès les premières heures de l’intervention, maintenus en résidence surveillée pendant que les autorités militaires procédaient à des arrestations de plusieurs ministres et personnalités proches de Grace Mugabe, et multipliaient les attaques envers ceux, corrompus, qui ont mené le pays à sa perte et le peuple à la misère. Dans le même temps, ils neutralisaient les forces de sécurité et de police, également proches de Grace Mugabe, en occupant leur principale base.
La population a très vite exprimé son soutien à l’intervention militaire par des manifestations massives sur lesquelles les forces militaires se sont appuyées pour demander au vieux président de bien vouloir démissionner. Les négociations ont succédé aux négociations pour conclure par un ultimatum. Robert Mugabe avait jusqu’à lundi 20 novembre pour annoncer sa démission. Une allocution télévisée était prévue, à cet effet, le 19 au soir.
Réuni en urgence le 19 novembre matin, le Comité central du parti se prononçait pour le départ du président Mugabe en tant que chef du parti, et son remplacement par Emmerson Mnangagwa, le vice-président de la République et du parti limogé par Robert Mugabe quelques jours plus tôt, l’homme de l’Armée. Il se prononçait, également, pour le limogeage de Grace Mugabe de toutes ses fonctions « usurpées », et cela « pour toujours ».
Le 19 novembre au soir, Robert Mugabe, en vieux politicard rusé, prononçait son discours télévisé tant attendu puisqu’il était censé annoncer officiellement son départ. Mais c’était mal le connaître. Non seulement il ne parla pas de quitter le pouvoir, mais il affirma qu’il serait présent au Congrès de son parti en Décembre. Personne ne s’attendait à cette ultime et impressionnante pirouette – du très, très grand Mugabe ! Un baroud d’honneur et la volonté d’utiliser tous les moyens pour compliquer la tâche des militaires qui l’entouraient, fébriles, inquiets, pendant le discours, et ont été les premiers et, sans doute, les plus surpris.
Alors, que faire ? Les militaires ne veulent pas et ne peuvent pas utiliser la force. En effet, si, pour l’instant, la SADC (Communauté d’Afrique australe pour le développement) et l’Union africaine se sont contentées de demander aux militaires de « respecter la Constitution, la stabilité et la paix » au Zimbabwe. Mais le général Chiwenga et ses hommes savent qu’un coup d’État militaire violerait la charte de l’Union africaine, entraînant des sanctions et privant le pays de toute aide. Sans aucun doute, le vieux président, bien au fait de ce risque, a-t-il voulu pousser les militaires dans ces extrémités. Un jeu de chat et de souris dont on ne peut dire avec certitude, à tout moment, qui est le chat et qui est la souris, même si à la fin de l’histoire le vieux président devra bien prendre sa retraite, et que sa richissime et corrompue épouse devra abandonner ses ambitions folles et se mettre au vert dans quelque paradis terrestre.
Le 20 décembre, les parlementaires ont entamé la procédure d’empeachment. Le président du groupe Zanu-PF au Parlement a présenté un projet de motion de défiance qui doit être votée « à bulletin secret » mercredi. La direction de la Zanu-PF a, également, transmis une lettre à Robert Mugabe lui demandant, à nouveau, d’annoncer sa démission.
Quand à Emmerson Mnangagwa, censé remplacer Robert Mugabe à la tête de l’État et du Parti, il a disparu depuis son limogeage et serait en Afrique-du-Sud ou…. en Chine. Il est resté silencieux jusqu’ici et n’apparaîtra, disent certaines sources, que lorsque sa sécurité sera garantie. « C’est ce silence qui a porté quelques fruits dans toute cette saga (sic) » a déclaré le secrétaire du parti pour les Finances, Obert Mpofu à la presse, hier, assurant qu’il serait de retour « bientôt ».
Texte de la motion
« Conformément aux termes de la Constitution du Zimbabwe, section 97 (1), concernant la destitution du Président ou du vice Président pour :
a) mauvaise conduite grave
b) non obéissance, non respect ou non défense de cette Constitution
c) violation volontaire de la Constitution ou
d) impossibilité d’exercer ses fonctions pour des raisons d’incapacités physiques ou mentales,
« Profondément inquiets que le Président soit devenu la source d’instabilité dans le pays par ses limogeages indiscriminés et continus de membres de son cabinet dont deux vice-présidents dans les quatre années passées sur des allégations de complot d’assassinat et de prise de pouvoir,
« Inquiets qu’aucune de ces allégations présentées par le Président n’aient jamais été examinées par un tribunal, et que le président ait, depuis, renommé certains de ceux qui avaient été limogés au nom de ces mêmes allégations, ce qui atteste le peu de cas que le Président fait de la Justice et le manque de respect envers l’État de droit,
« Alarmés que le président ait abrogé son mandat constitutionnel en faveur de sa femme qui fait des déclarations publiques sur les questions de gouvernement, comme la nomination ou le limogeage de ministres du gouvernement ou de hauts fonctionnaires,
« Inquiets, en outre, que le président n’ait pris aucune mesure significative pour endiguer la corruption endémique qui est devenue l’ennemi n°1 de notre pays, comme l’a montré l’affaire ZESA où son ministre a approuvé le transfert de 5 millions de dollars sans respecter les dispositions inscrite dans le Public Management Act (loi de gestion des finances publiques),
« Nous appelons le Parlement à procéder au retrait de son mandat au Président, à la lumière de ce qui précède, au cours d’un vote de défiance à bulletin secret. »