Le dernier coup médiatique de Donald Trump, une publication sur son compte Twitter « présidentiel » d’une vidéo parodique où il met K.O la chaîne CNN, est peut-être vulgaire et de mauvais goût, il n’en a pas moins follement amusé Caitlin Johnstone.
Avec, au passage, sa redéfinition incontestable du mot « médias », sans même parler de son rappel des menaces de mort de certains membres des médias grand public américains à l’encontre de l’équipe de Wikileaks — narrés, cette fois encore, avec son inimitable causticité.
Vous n’avez pas à être adepte de Trump pour applaudir comme un fan de foot à chaque fois que les puissantes corporations médiatiques qui manipulent l’opinion et les votes des Américains se cassent la figure comme une personne qui se cogne durement en marchant droit dans une baie vitrée trop propre. Ces propagandistes de l’État profond ont pleurniché comme un gamin trop gâté dont la mère ne peut pas lui offrir la dernière console de jeux vidéo, depuis que le président a tweeté une vidéo qui montre Trump assommant CNN, et leurs larmes ont le goût d’un sirop distillé par des lutins de comédie hollywoodienne. J’ai regardé ce tweet tellement de fois que j’en suis embarrassée, et j’en glousse sottement encore.
Aha ! Boum ! J’espère que tu aimes le goût du sol, Jeff Zucker !
CNN et ses quasi-clones du reste de la soupe des médias grand public ont décrié ce tweet avec infiniment plus de vitriol et de panique qu’ils n’en ont jamais exprimé envers les crimes de guerre du président, proclamant que Trump avait « déclaré la guerre » aux médias et « incité à la violence » contre eux.
(Chuck Todd, de MSNBC, dénonce violemment la guerre de Trump contre les médias : « Ce n’est rien de moins qu’une guerre contre la vérité »)
(« La question n’est pas que Trump incite (encore) à la violence contre les journalistes, elle est que le POTUS incite à la violence tout court, et qu’il est fou »)
(Jim Acosta de CNN sur le Tweet de Trump : « Nous devons nous élever contre cela avant que quelqu’un soit blessé »)
(« ‘Nous avons vu des violences contre des journalistes’, dit Brian Stelter de CNN à propos de l’atmosphère anti-médias actuelle »)
(« Un état d’alerte renforcé — à cause d’une montée des menaces contre des journalistes — c’est ce qui se passe actuellement »)
(« Ce n’est pas seulement contre CNN. C’est contre la liberté des médias »)
Bravo. Vous méritez vos amples salaires, les gars. « Les médias ! Les médias ! Il attaque les médias ! Est-ce que quelqu’un va daigner s’inquiéter des médias, s’il vous plaît ? » Je suis personnellement plutôt curieuse de ce qui se passe en Syrie, et de savoir si nous allons être entraînés dans une guerre mondiale contre une superpuissance nucléaire et ses alliés, mais je peux aller me faire voir, n’est-ce-pas ? Nous devons tous seulement nous inquiéter du retweet par Trump d’une vidéo photoshoppée sur « les médias ».
Mais qui sont « les médias », exactement ? Est-ce que nous parlons seulement de la poignée de puissantes entités médiatiques que Trump a critiquées ? Si le président arrivait à les éliminer, cela laisserait-il un grand vide ? Est-il juste de dire, comme ces « experts » l’ont déclaré, que Trump attaque les médias quand ils refusent de s’agenouiller devant lui et de le vénérer comme un dieu ?
Non, non et non. En réalité, « les médias » se composent de beaucoup plus que de la poignée de géants des médias à qui Trump s’en prend. La Cour suprême a défini, dans l’affaire légale Lovell v. City of Griffin de 1938, que les médias consistent dans « toutes les publications qui véhiculent des informations et des opinions ». [NdT: Définition française du Larousse : « Procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d’oeuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie, télédistribution, télématique, télécommunication) »] Nous ne parlons pas seulement de quelques conglomérats médiatiques gargantuesques qui ont compris comment gagner des milliards de dollars en colportant la propagande des oligarques qui les détiennent, mais aussi des médias alternatifs, des blogueurs, des Youtubeurs, des tweeteurs, des commentateurs des réseaux sociaux, des auteurs de livres et des obscurs éditeurs de fanzines du coin.
Et nous parlons aussi de Wikileaks.
(« Amusant que CNN s’énerve autant à propos d’un mème internet alors que quelques-uns de ses commentateurs ne voyaient aucun problème à appeler publiquement au meurtre d’Assange ». )
(Assange compile les personnages des médias, les démocrates de l’establishment qui appellent publiquement à le tuer » https://disobedientmedia.com/2017/07/assange-compiles-media-figures-establishment-democrats-calling-for-his-death/ )
(Julian Assange : « …ces « journalistes » n’aiment rien tant que menacer d’aider à m’assassiner, moi, mon équipe et mes sources, parce que nous disons la vérité… »)
Contrairement aux assertions ignares du directeur de la CIA Mike Pompeo, le Premier amendement [NdT : de la Constitution des USA sur la liberté d’expression] ne donne pas de droits au citoyens des USA, il limite la capacité du gouvernement à limiter la liberté d’expression. Que Julian Assange soit un citoyen australien, aucune importance, sa liberté d’expression est tout aussi protégée par la Constitution dans les États-Unis que celle de n’importe qui d’autre. Il fait autant partie des médias que CNN, MSNBC, le New York Times ou n’importe lequel de ceux qui, aujourd’hui, hurlent au meurtre parce que les critiques de Trump « incitent à la violence » contre eux. Ce qui est vraiment bizarre, étant donné le nombre de membres de ces plate-formes médiatiques qui ont activement appelé, littéralement, à l’élimination physique d’Assange.
Qui s’en est inquiété dans leurs rangs ?
Le culot phénoménal de ces nains de jardin des médias grand public à parler d’eux-mêmes comme de fournisseurs d’un service nécessaire à l’Amérique est ahurissant. Vous voulez savoir ce qui se passerait si ces méga-corporations disparaissaient ? Le complexe militaro-industriel aurait nettement plus de mal à convaincre l’opinion du bien-fondé des bains de sang que l’Occident appelle « des guerres », quelques ploutocrates perdraient de l’argent, quelques entreprises devraient se trouver d’autres programmes télé pour y faire leur publicité, et les gens commenceraient à penser par eux-mêmes. C’est tout. Les médias resteraient parfaitement intacts, à quelques excroissances malsaines près.
Les médias grand public ne sont pas « les médias ». Ils font partie des médias, et pour cette raison, ils jouissent des mêmes protections constitutionnelles que toutes leurs autres composantes, mais ils en sont de loin la partie la moins saine. Bien que je déteste Trump, je dois dire que son administration a été excellente dans sa guerre médiatique, et par sa création d’un mouvement suffisamment fort pour démonter nombre des mensonges et manipulations des médias institutionnels. Ce n’est qu’une question de temps avant que les gens cessent totalement de croire aux fables de ces reliquats d’un passé obsolète.
Et ils le savent. Ils entendent les rugissements qui signalent la fin de leur règne se rapprocher. Ils n’ont pas peur de celui qui « appelle à la violence » contre eux, ils ont peur que le monde se réveille.
Paru sur Medium.com sous le titre Corporate Media Aren’t The Press, And They Don’t Deserve Your Sympathy
Traduction et note d’introduction Entelekheia
Photo Pixabay
https://www.entelekheia.fr/usa-medias-grand-public-ne-medias-ne-meritent-sympathie/