Ceux des chefs d’États africains qui avaient pensé que Jean Ping remporterait l’élection pour la présidence de la Commission de l’Union africaine auront été déçus.
Le 18ème sommet marqué par la campagne des deux candidats, le Gabonais Jean Ping, président sortant, et Nkosazana Dlamini-Zuma , ministre sud-africaine de l’Intérieur et ancienne ministre des Affaires étrangères, s’est terminé par un match nul, après quatre tours de scrutins. Les trois premiers tours ont donné une légère avance à Jean Ping (28-25, 27-26 et 29-24), mais pas suffisante pour éviter un quatrième tour duquel Mme Dlamini-Zuma a dû se retirer, conformément aux règles établies. Avec 32 voix, Jean Ping n’a toutefois pas obtenu la majorité absolue de 36 voix requise. Le scrutin a donc été suspendu.
En attendant, un compromis a été trouvé entres les chefs d’État et de gouvernement qui ont, finalement, lundi, après une âpre et longue négociation à huis clos, décidé que Jean Ping assurerait l’intérim pendant six mois avec les membres sortants de la Commission pour expédier les affaires courantes, jusqu’au prochain sommet, au Malawi, en juillet.
Jean Ping, critiqué par ailleurs pour la faiblesse de l’UA dans le règlement de certains conflits, bénéficiait du soutien de l’Afrique centrale et de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, ainsi que de celui de Jonathan Goodluck, président du Nigéria qui a échoué dans sa tentative de prise de contrôle de la présidence de l’UA à laquelle a été élu le Béninois Boni Yayi.
En face, la délégation sud-africaine n’aménagé aucun effort dans sa campagne auprès des chefs d’État et des délégations, en faisant valoir les grandes compétences et l’expérience de sa candidate. La ministre sud-africaine a été fortement soutenue par le président Zuma et le gouvernement sud-africain, ainsi que – très fortement – par les États de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). A l’issue d’une réunion d’évaluation de la campagne tenue au cours du sommet et réunissant les chefs d’État et les ambassadeurs des pays membres, Georges Chicoti, ministre des Affaires étrangères de l’Angola, pays qui préside actuellement l’organisation, a réaffirmé, s’adressant à la presse, que l’élection de Mme Dlamini-Zuma était la garantie d’un changement critiquant sans détour le thème du sommet – le commerce africain – et la gestion de l’Union africaine par Jean Ping. « Il ne faut pas faire des déclarations qui n’ont rien à voir avec ce que les pays sont en train de vivre », a-t-il déclaré. Créer une haute Autorité pour l’UA, une monnaie unique et faire la promotion du commerce africain, est, selon lui, « irréaliste et précipité ». La veille de l’ouverture du sommet – également jour du 63ème anniversaire de la candidate – l’Angola offrait un dîner aux membres de la SADC, au cours duquel Georges Chicoti a souligné que la confiance placée dans Mme Dlamini-Zuma répondait à « l’incapacité de l’UA de prendre des décisions fiables pour les intérêts de l’Afrique, pendant les quatre dernières années. Mme Zuma est capable d’imprimer des nouvelles idées, une nouvelle dynamique, et une vision pour le fonctionnement de l’Union africaine » a-t-il déclaré.
La candidature de Mme Dlamini-Zuma a été également soutenue par des organisations de la société civile africaine, comme – et c’est un lobby très politique et non négligeable – le réseau Femmes Africa Solidarité (FAS) qui regroupe cinquante organisations féminines du continent. Elles ont lancé un appel en sa faveur, à Addis-Abeba, avant l’ouverture du 18ème Sommet. Bineta Diop a souligné le rôle joué par Mme Dlamini-Zuma dans la défense de la parité hommes/femmes aux postes de Commissaires de l’UA, dans l’adoption du Protocole sur les droits en Afrique. « Son élection va permettre une meilleure prise en compte de la moitié du continent dans les préoccupations de développement. Elle a montré un leadership que nous souhaitons qu’elle mette au service de notre continent », a-t-elle déclaré, en précisant que ce soutien n’était pas motivé par le fait qu’il s’agisse d’une femme, mais par sa compétence et les orientations qu’elle défend.
Après ce match nul très malvenu qui bloque l’organisation pendant les six prochains mois, faudra-t-il tout recommencer en juillet ? Selon certains, les deux candidats seraient désormais disqualifiés, l’Union africaine devra chercher d’autres candidats. En attendant, c’est la paralysie.