Après six mois d’atermoiements, la Sud-Africaine a remporté l’élection contre son adversaire et sortant, le Gabonais Jean Ping. Pour quelles actions ?
Élue tard dans la nuit du 15 au 16 juillet à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA, organisation continentale regroupant tous les pays d’Afrique hormis le Maroc), la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, 63 ans, est la première femme et le premier responsable anglophone à diriger cette institution-clef de l`UA depuis que cette organisation a succédé, en 2002, à l`Organisation de l`unité africaine (OUA).
La ministre sud-africaine est arrivée en tête aux trois premiers tours de scrutin le 15 devant Jean Ping, sans toutefois réunir la majorité requise de deux-tiers des voix. Seule candidate en lice au quatrième tour (comme le veut le règlement, le président sortant et candidat à l’élection s’est retiré), elle a alors obtenu 37 voix, soit trois de plus que la majorité des deux-tiers des délégations, qui était de 34 voix.
« L`Afrique a parlé d`une seule voix. Il n`y a pas eu de perdant ni de gagnant. C`est l’Afrique toute entière qui a gagné », a assuré à la presse le président de l’UA en exercice, le Béninois Thomas Boni Yayi. Une petite contre-vérité.
L’élection de l’ancienne épouse du président sud-africain Jacob Zuma s’est faite dans la douleur, après une campagne électorale de plus de six mois qui a sombré, par moment, dans l’acrimonie et la manipulation. Présentée comme une opposition entre Afrique anglophone et Afrique francophone, la confrontation est allée beaucoup plus loin. Que le Nigeria, pays anglophone, ait soutenu le candidat gabonais infirme la scission anglophones-francophones, et appelle à interroger d’autres facteurs. En tête de ceux-ci, il y a la rupture d’un pacte non écrit, qui voulait que les principaux contributeurs de l’UA s’abstiennent de présenter des candidats, de peur que ces derniers l’emportent toujours sur ceux d’autres pays moins nantis, et imposent une hégémonie sur l’ensemble du continent. Un réel malaise a ainsi été créé sur le continent, où l’engagement outrancier du président sud-africain à soutenir sa candidate vaille que vaille, et les danses exécutées par la délégation sud-africaine en janvier, après l’échec de Jean Ping, ont été perçues comme une volonté de l’Afrique du Sud de faire main basse sur l’organisation, dont elle disputait le leadership à la Libye du colonel Kadhafi.
Il y a eu aussi, en coulisse de l’affrontement Ping-Dlamini Zuma, la bataille entre l’Afrique du Sud et le Nigeria, qui se disputent le siège permanent au Conseil de sécurité qui pourrait être réservé à l’Afrique en cas de réforme de cette instance onusienne.
Mme Dlamini-Zuma a certes tenté de balayer les craintes quant aux visées hégémoniques de l’Afrique du Sud, en assurant qu’elle se mettrait au service de toute l’Afrique. Mais, les Africains l’attendent de pied ferme sur la gestion des affaires continentales. Ses adversaires rappellent les maigres résultats de la diplomatie arc-en-ciel dans la région d’Afrique australe où elle s’est principalement déployée. La situation chaotique à Madagascar, tout comme l’instabilité chronique à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), ou encore les désordres récurrents au Burundi sont souvent brandis comme autant de manifestations d’une machine diplomatique inefficace.
Mais, celle-ci semble avoir retrouvé une certaine vitalité à l’occasion de l’élection du président de la Commission. Bien que de forts soupçons de clientélisme pèsent sur le scrutin, certaines informations (non encore vérifiées) ayant fait état de ce que le géant économique d’Afrique australe aurait « amicalement » apuré les arriérés de cotisations de quelques petits États membres, comme du temps de Mouammar Kadhafi.
L’Afrique du Sud a atteint son but. Une de ses ressortissantes préside la Commission de l’Ua. Qu’y gagnera l’Afrique ? Peu de choses, en réalité. En dehors des discours enflammés et peu protocolaires que pourrait tenir cette dame réputée militante de la liberté et de la dignité de l’homme noir, on ne voit guère comment la nouvelle présidente pourrait obtenir des résultats probants, sans l’aval des Chefs d’État qui constituent, à travers la Conférence de l’Union, l’organe suprême de l’organisation. La Commission de l’UA a beau être décrite comme un organe-clé, elle n’est en réalité que la réincarnation de l’ancien secrétariat général de la défunte OUA : une entité d’exécution des décisions des Chefs d’État. L’ancien président malien, Alpha Oumar Konaré, l’avait constaté à ses dépens. Dlamini-Zuma, qui arrive au moment où circule un projet de transformation de la Commission en Autorité de l’UA, mieux pourvue, peut commencer déjà par ce chantier, plus d’une fois reporté.