Les efforts déployés par les Sud-Africains pour faire élire leur candidate à la présidence de la Commission ont fini par porter leurs fruits.
Finalement, les efforts déployés depuis plusieurs mois par l’Afrique du Sud pour garantir l’élection de sa candidate Nkosazana Dlamini-Zuma au poste de présidente de la Commission de l’Union africaine, ont été couronnés de succès à l’issu du 19ème sommet à Addis Abeba. À 63 ans, l’ancienne ministre de la Santé du premier cabinet de Nelson Mandela, puis ministre des Affaires étrangères sous la présidence de Thabo Mbeki, devient la première femme à diriger l’organisation continentale. L’élection du 16 juillet dernier qui a vu la victoire de la Sud-africaine face à l’ancien président de la Commission, le Gabonais Jean Ping, a mis fin à six mois d’impasse.
C’est le soulagement à l’Union africaine, même si certains ont exprimé des réserves et des inquiétudes. « Ma victoire ne doit pas être considérée comme une victoire personnelle, mais comme une victoire du continent africain en général », a jugé opportun de déclarer la nouvelle présidente à la presse, précisant qu’elle n’est pas une « anglophone », comme beaucoup l’ont qualifiée face au « francophone » Ping, mais « une Zoulou». Cependant, l’agressivité de la campagne « laissera des traces et du ressentiment », a déclaré son adversaire. L’Afrique du Sud et les États membres de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe) ont, en effet, tout mis dans la bataille créant l’inquiétude chez certains d’une suprématie sud-africaine au sein de l’UA qui mettrait la nouvelle présidente au service de Pretoria et non de l’Afrique. « Cette élection a créé une profonde division au sein de l’UA et ce n’était pas nécessaire », a déclaré Richard Onyonka, vice-ministre kényan des Affaires étrangères, « très gêné par les méthodes et le style de l’Afrique du Sud », intimidations et menaces particulièrement. « Viennent-ils avec une stratégie consistant à contraindre les pays africains à exprimer la position sud-africaine » a encore demandé Onyonka, s’interrogeant sur le pourquoi d’une attitude aussi acharnée. L’Afrique du Sud a joué les médiateurs dans plusieurs crises sur le continent dans les dernières années et Nkosazana Dlamini-Zuma est une diplomate expérimentée qui a fait ses preuves, avec à son actif la négociation d’un accord de paix en République démocratique du Congo signé à Sun City en 2002 et la nomination de nombreuses femmes à des postes d’ambassadrices.
Quoiqu’il en soit, Nkosazana Dlamini-Zuma est une forte femme qui ne doit rien à personne. Car si elle est l’ex-femme (et la seule divorcée) du président Jacob Zuma, elle est aussi et surtout un vétéran de l’ANC, ancienne responsable du Congrès des étudiants sud-africains, l’une des « exilées » de poids à Londres, sous l’apartheid, et participante, dès 1992 aux négociations constitutionnelles entre l’ANC et le Parti national de Frederik de Klerk, le dernier dirigeant du régime illégal. Si elle a décidé de se mettre au service de l’Union africaine, il se pourrait fort qu’elle le fasse, quelles que soient les vues de Pretoria. La nouvelle présidente s’est engagée à « appliquer les programmes décidés tous ensemble » plutôt que « consulter les Anglophones et les Francophones ». Elle se veut la présidente de l’unité de l’organisation. En attendant, les crises nombreuses et multiples qui frappent le continent africain à l’heure de sa prise de fonction lui permettront de démontrer sa compétence et son indépendance et sa capacité réelle à rassembler autour de sa forte personnalité.
Et, comme le soulignent certains moins inquiets, les décisions sont prises par les chefs d’États, les ministres et les diplomates et non par le chef de la Commission dont la mission est de coordonner, organiser et faire appliquer les décisions, aidé en cela par un secrétariat puissant et des commissaires élus.