En août, lorsque Robert Parry publia un article sous le titre « La superpuissance israélo-saoudienne », décrivant l’émergence d’un étrange couple d’ennemis traditionnels, la réaction fut plutôt sceptique. Mais, progressivement, écrit-il sur le site www.consortiumnews.com, un centre d’enquêtes journalistiques indépendant créé en 1995, cette alliance secrète est devenue publique.
En août, lorsque Robert Parry publia un article sous le titre « La superpuissance israélo-saoudienne », décrivant l’émergence d’un étrange couple d’ennemis traditionnels, la réaction fut plutôt sceptique. Mais, progressivement, écrit-il sur le site www.consortiumnews.com, un centre d’enquêtes journalistiques indépendant créé en 1995, cette alliance secrète est devenue publique.
Dans un nouvel article publié sur le même site en octobre dernier, Robert Parry revient sur la question. Le 2 octobre, écrit-il, selon la télé israélienne Channel 2TV, un officiel israélien a rencontré le Prince Bandar bin Sultan, ancien ambassadeur de l’Arabie saoudite aux États-Unis et aujourd’hui chef des services de renseignements saoudiens. Un jour plus tôt, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, faisait allusion à cette nouvelle relation en disant : « Les dangers d’un Iran nucléarisé et l’émergence d’autres menaces dans notre région ont conduit nombre de nos voisins arabes à reconnaître, enfin, qu’Israël n’est pas leur ennemi. Et cela nous donne l’occasion de vaincre l’animosité historique et de construire de nouvelles relations, de nouvelles amitiés, de nouveaux espoirs. »
Outre l’animosité des deux nouveaux amis envers l’Iran, selon Robert Parry, la collaboration croissante, en coulisses, tourne autour d’intérêts mutuels comme le soutien au coup militaire en Égypte qui a renversé le président Frère musulman Mohamed Morsi élu, ou la fin du régime syrien d’Assad.
À la mi-septembre, l’ambassadeur israélien aux États-Unis, Michael Oren a même adhéré à la stratégie saoudienne en Syrie lorsqu’il a annoncé qu’Israël préfèrerait voir des jihadistes soutenus par les Saoudiens gagner en Syrie, plutôt que le maintien du gouvernement du Président Bachar al-Assad soutenu par l’Iran.
« Le plus grand danger pour Israël est l’arc stratégique qui s’étend de Téhéran à Damas en passant par Beyrouth. Et nous voyons que le régime d’Assad est la clef de voûte de cet arc », déclarait Oren au Jerusalem Post dans une interview. « Nous avons toujours voulu que Bachar al-Assad s’en aille, nous avons toujours préféré les mauvais garçons qui ne sont pas soutenus par l’Iran aux mauvais garçons qui le sont ».
L’Arabie Saoudite adepte de l’ultraconservateur wahhabisme sunnite, partage la vision stratégique d’Israël selon laquelle le croissant chiite qui s’étend de l’Iran à travers l’Irak et la Syrie jusqu’aux bastions libanais, doit être brisé.
Autre signe de la détente israélo-saoudienne, la présence du nouveau chef expérimenté des services de renseignements saoudiens, Bandar bin Sultan. En tant qu’ambassadeur saoudien aux États Unis qui travaillait étroitement avec l’administration néocon de George W. Bush, Bandar ne partage pas l’antipathie viscérale et antisémite envers Israël de certains dirigeants saoudiens auparavant. Il est un joueur malin qui comprend l’échiquier de la géopolitique mondiale.
Toujours selon Robert Parry, l’alliance naissante entre Israël et les Saoudiens est signe que les deux pays ont conscience de leurs « puissances douces » complémentaires qui, combinées, pourraient créer une nouvelle superpuissance au Moyen-Orient et probablement dans le monde. Les Israéliens sont les maîtres en propagande et en lobbying politique (particulièrement aux États-Unis), l’Arabie saoudite peut tirer des ficelles grâce à son extraordinaire accès au pétrole et à l’argent.
Israël et l’Arabie Saoudite ont montré comment leur nouvelle équipe de catcheurs travaille, lorsqu’ils ont soutenu les militaires égyptiens lors du coup d’État contre Morsi. Tandis que les Saoudiens fournissaient argent et pétrole, les Israéliens agissaient à travers leurs lobbies à Washington pour s’assurer que le président Barack Obama et le Congrès ne reconnaissaient pas avoir affaire à un « coup », ce qui aurait suspendu l’aide militaire américaine.
(…)
Selon un rapport diplomatique « fuité » en juillet dernier, à Moscou, Bandar a informé Vladimir Poutine que l’Arabie saoudite avait une grande influence sur les extrémistes tchétchènes qui ont mené plusieurs attaques terroristes contre des cibles russes et ont récemment été déployés pour combattre en Syrie. Bandar a, dit le rapport, selon Robert Parry, offert des garanties de protection contre les terroristes tchétchènes lors des Jeux olympiques de Sochi. Ce à quoi Poutine aurait répondu : « Nous savons que vous avez soutenu les groupes terroristes tchétchènes depuis des décennies. Et ce soutien que vous avouez franchement maintenant, est complètement incompatible avec les objectifs habituels de la lutte contre le terrorisme. »
Bandar était très proche de la famille Ben Laden. Quinze des dix-neuf terroristes responsables des attaques du 9/11 (World Trade Center) étaient saoudiens. Après les attaques, Bandar a reconnu avoir rencontré Ben Laden. Ce dernier l’avait remercié pour l’aide financière apportée au jihad afghan. Et c’est aussi lui qui a arrangé la fuite des membres de la famille Ben Laden des États-Unis après l’attaque. La Mafia Bandar et son chantage sur les Jeux de Sochi n’ont pas impressionné Poutine qui, au contraire, est intervenu encore plus radicalement dans la crise syrienne pour empêcher les frappes américaines. Au moment où cette intervention paraissait évidente, l’alliance israélo-saoudienne pouvait apparaître problématique pour les Américains qui cherchaient à limiter les options pacifiques offertes au président Obama.
Ainsi, chacun avec ses armes, Israéliens et Saoudiens, s’ils développent leur alliance, peuvent menacer les stratégies américano-russes de négociations des crises moyen-orientales. Le seul contre-pouvoir suffisamment puissant serait une coordination entre Washington et Moscou. Un autre étrange couple, en réalité…
Source : www.consortiumnews.com
Extraits-traduction de Christine Abdelkrim-Delanne.