Le ministre de l’information, Omran al-Zoebi, a affirmé que le gouvernement turc a transformé les régions frontalières en des centres de terrorisme et facilité l’accès des armes et des terroristes vers la Syri.
Intervenant lors de l’ouverture du colloque annuel sur la pensée politique à la bibliothèque d’al-Assad à Damas, al-Zoebi a estimé que nul n’a le droit, en Turquie, de lancer des accusations arbitraires contre la Syrie en ce qui concerne les explosions qui se sont produites hier au centre de la ville frontalière de Rihanié, et ont provoqué la mort de 43 personnes et une centaine de blessés graves. « La Syrie, en cent ans de relations conflictuelles avec la Turquie, n’a jamais eu recours, et n’aura jamais à recours, à de tels procédés, contraires à ses valeurs ».
« Le gouvernement turc assume la responsabilité de tout ce qui se passe en Syrie et il assume également la responsabilité de ce qui s’est passé hier en Turquie », a indiqué M. al-Zoebi, qui a appelé le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à abdiquer, précisant qu’il n’a pas « le droit de bâtir ses gloires sur le sang turc et syrien. »
Le ministre a également présenté ses condoléances au peuple turc, « aux martyrs qui ont succombé à cet acte terroriste condamnable moralement, politiquement et pénalement ». Il a souhaité la prompte guérison aux blessés. « Nous sommes vraiment tristes pour les morts tombés hier en Turquie. Ce sont en quelque sorte nos frères, territorialement parlant (les explosions ont eu lieu dans une région peuplée majoritairement de Turcs originaires de Syrie, cédée par la France en 1939 à la Turquie, et toujours revendiquée par la Syrie). Je veux dire qu’ils font partie du peuple syrien, non pas sur un plan religieux (la majorité de la population de cette région contestée est arabophone et alaouite), car ces victimes pourraient être chrétiennes ou musulmanes ; je compatis avec elles humainement parlant. C’est pour cela que je présente mes condoléances à leurs familles et à l’ensemble du peuple turc. »
Répondant aux accusations portées par certains officiels turcs contre la Syrie, le ministre syrien de l’Information a répliqué : « Le ministre de l’Intérieur turc déclare que nos suspicions vont vers la Syrie, et on va le démontrer dès qu’on aura des preuves ! En quelque sorte, il nous accuse avant même d’avoir des preuves, ce qui laisse entendre qu’il va en fabriquer… » Et de conclure : « le parti AKP au pouvoir (islamiste), et à sa tête Erdogan, doit répondre à ces grandes interrogations : l’AKP est-il l’aile politique d’Al-Qaïda ? Al-Qaïda est-elle le bras sécuritaire armé de l’AKP et de son dirigeant Erdogan ? Qui a fourni les armes chimiques aux terroristes qui les ont utilisées contre les civils syriens à Khan Al-Assal à Alep? Qui a mis le territoire turc à la disposition des avions venant du Golfe et d’ailleurs, chargés de combattants, d’armes et d’argent en direction de la rébellion ? Quel est l’intérêt de l’AKP et d’Erdogan à détruire la Syrie ? Pourquoi aller si loin sur la voie des assassinats et des destructions ? Pourquoi avoir choisi ce moment précis (la relance de l’initiative de paix russo-américaine) pour perpétrer un tel acte terroriste et criminel à Rihanié ? »
Pour finir, le ministre syrien fait porter l’entière responsabilité de ce qui s’est passé à Rihanié au gouvernement islamiste. « Erdogan, le criminel et le boucher, a-t-il asséné, doit démissionner. Il n’a pas le droit de construire ses « gloires » sur le sang des Syriens et des Turcs. »
Peu avant cette sortie du ministre syrien de l’Information, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, avait mis en garde les auteurs de l’attentat, d’où qu’ils viennent. « Les coupables en paieront le prix, qu’ils viennent de l’intérieur ou de l’extérieur du pays », a-t-il dit aux journalistes lors d’un déplacement à Berlin. Plus tôt dans la journée, il avait souligné la « coïncidence » entre ces attaques et une « accélération » des efforts pour résoudre la crise syrienne, avec notamment une visite prévue du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à Washington le 16 mai. Il a souligné que ces attentats ne modifieront pas la politique d’accueil de la Turquie vis-à-vis des réfugiés. « Quiconque se réfugie ici est notre hôte », a-t-il dit. La Turquie soutient les rebelles syriens et accueille quelque 400 000 réfugiés syriens.
M. Arinç, également porte-parole du gouvernement, avait auparavant estimé que le régime de Damas et le président syrien Bachar al-Assad faisaient figure de suspects. « Avec leurs services de renseignement et leurs groupes armés, ils font certainement figure de suspects habituels pour la mise en œuvre et davantage encore pour l’instigation d’un plan aussi démoniaque », avait déclaré M. Arinç. Il a rappelé que les autorités turques avaient déjà imputé aux services de renseignement syriens un attentat à la voiture piégée qui avait fait 17 morts et 30 blessés le 11 février au poste-frontière de Cilvegözü, proche de Rihanié (Reyhanli). « Quel que soit l’instigateur ou l’auteur, quelle que soit la force dont il dispose, nous demanderons des comptes », a prévenu M. Arinç.
Réactions internationales
Les réactions internationales n’ont pas tardé à pleuvoir après le drame. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a qualifié « d’horribles » ces attentats. « Ces nouvelles horribles nous touchent tout particulièrement, nous tous qui travaillons en partenariat étroit avec la Turquie », a-t-il dit dans un communiqué. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a demandé de son côté que « les coupables soient rapidement identifiés et traduits en justice« , a indiqué le porte-parole de l’ONU, Martin Nesirky.
Le président français, François Hollande, a exprimé dans un communiqué « sa solidarité avec le peuple et les autorités turcs ». « Nous nous tenons aux côtés du peuple de Turquie », a commenté le chef de la diplomatie britannique, William Hague, dans un message sur Twitter. La Coalition nationale de l’opposition syrienne a dénoncé dans un communiqué une tentative par le régime de Damas de « se venger de la population turque et de la punir pour son honorable soutien au peuple syrien ».
Last but not least, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma (Parlement russe) Alexei Pushkov, a estimé que les attentats visent à faire échouer la conférence internationale pour résoudre la crise en Syrie. Pushkov a déclaré: «l’attaque terroriste en Turquie, ou ils accusent la Syrie de nouveau, comme ils l’ont toujours fait, c’est uniquement pour torpiller la conférence pour la paix qui remplace l’option de la force. »