Peut-on construire une démocratie sans démocrates ?
A peine le congrès constitutif du nouveau Parti républicain (PR) a-t-il clôturé ses travaux qu’une sérieuse fronde a éclaté en rapport avec les élections du 5ème congrès du PDP. En conséquence, neuf de ses députés à la Constituante ont décidé de geler leur adhésion au PR jusqu’à l’éclaircissement des perspectives de ce nouveau parti, notamment, en matière de structures et de gestion démocratique. Face à cet événement inattendu, les observateurs s’interrogent sur l’impact d’une telle décision sur l’avenir de cette initiative de regroupement des partis centristes.
Il est important de souligner, de prime abord, que l’objet de la fronde n’est pas une mince affaire. Il s’agit de la question de la démocratie au sein des structures du PDP, pierre angulaire du nouveau parti républicain.
Les réfractaires prétendent que les élections des congressistes n’ont pas été transparentes dans plusieurs régions et, qu’avec ça, ils se vantent de disposer de plus de 35 % des congressistes. Iyed Dahmani parle de 25 % des congressistes. Dans les deux cas, il s’agit d’une frange importante du PDP, surtout qu’il y a neuf députés du parti qui sont parmi les réfractaires, soit plus de la moitié. Il s’agit pratiquement de tous les députés PDP à part Néjib et Issam Chebbi, Maya Jribi, Iyed Dahmani et trois autres. C’est dire l’importance de cette fronde.
L’une des figures dirigeantes de ce courant réformiste, Mahmoud Baroudi, a expliqué à Business News que «les élections tenues lors du dernier congrès du parti étaient la goutte d’eau qui a fait déborder le vase». «Nous avons enregistré des dépassements lors des élections des congressistes mais nous avions préféré nous taire. Maintenant, il n’y a plus de raison pour se taire, surtout que le courant réformiste au sein du parti est assez fort et peut influencer sur l’orientation générale», a-t-il ajouté.
Baroudi a également reproché à la direction du PDP de n’avoir pas fait son autocritique suite au «Waterloo» électoral, en plus des difficultés financières. «Ce n’est pas normal que la direction nous présente un rapport financier avec un déficit supérieur à un million de dinars et qu’elle veuille continuer sans examiner les raisons de ce fiasco politique et financier», a-t-il conclu.
Pour sa part, Mohamed El Hamdi, président du bloc démocratique à la Constituante et faisant parti de ce mouvement réformiste du PDP, lui aussi, a précisé que les réfractaires «appartiennent encore au bloc démocratique et n’ont fait que geler leur adhésion au sein du Parti républicain, en attendant les réactions par rapport à ce geste de contestation».
Mohamed El Hamdi a rappelé, lui aussi, des dépassements en affirmant que «des personnes n’appartenant pas au parti ont participé aux élections du comité central» et que, n’en déplaise à la direction, «ce n’est pas normal que l’opération électorale soit supervisée par des gens qui participaient aux élections». Il a conclu «qu’on ne peut être juge et partie à la fois».
Quant à Mehdi Ben Gharbia, autre député réfractaire, il a dénoncé le monopole de décision au sein du parti, précisant qu’il existe «des personnes qui tentent de dominer le PDP et de prendre des décisions à contre-courant». Il a mis l’accent sur «l’absence d’une volonté d’avancer, en s’adossant à un bilan objectif de l’étape antérieure avec la reconnaissance de certaines erreurs afin de les corriger et partir sur de nouvelles bases».
En réaction à cette vague de contestations, Maya Jribi a cherché à apaiser la tension, en minimisant la portée des gels d’adhésions et autres démissions comme ce fut le cas pour les 26 membres de la fédération de Sfax. «Les élections étaient transparentes malgré le fait que l’on était obligé de les refaire dans un souci d’intégrité», a-t-elle dit.
Pour sa part, Issam Chebbi a appelé les réfractaires à faire prévaloir la raison. «C’est déjà un signe de bonne santé qu’il y ait des courants au sein de notre parti», a-t-il souligné, attirant l’attention des contestataires sur le fait que «les structures du parti permettent le débat» et qu’il faut «faire preuve de démocratie et de discipline en acceptant le verdict des urnes».
Maya Jribi et Issam Chebbi ont surtout insisté sur l’aspect positif de cette contestation qui ne s’est pas traduite par une scission au sein du parti. «Nous allons poursuivre les débats avec nos camarades dans un souci de ramener le différend au sein des structures du nouveau Parti républicain où tout le monde peut s’exprimer et où des courants peuvent coexister, surtout en cette phase initiale», ont-ils expliqué.
Donc, le courant réformiste conteste trop de centralisme chez la direction. Il lui reproche également des écarts dans le processus électoral au niveau des structures et des congressistes. Il conteste aussi l’absence d’un bilan objectif de la phase antérieure. La direction se prévaut de la transparence de l’opération électorale et appelle au dialogue pour résoudre le différend au niveau des structures du parti. La question est encore floue. Elle est appelée à de nouveaux rebondissements.
Mounir Ben Mahmoud (Business News)