Contribuer à la promotion des intérêts supérieurs de la Tunisie est un droit et un devoir pour tous les citoyens et citoyennes de notre pays. Tous sans exception.
La Tunisie de demain est nécessairement une Tunisie pluraliste et inclusive. Notre pays a en effet besoin de l’apport de tous ses hommes et de toutes ses femmes. Les tentations de l’exclusion et de l’ostracisme appartiennent à une autre époque. Succomber de nouveau a de telles tentations hypothéquerait sérieusement la chance que nous avons aujourd’hui de construire une démocratie pour tous. Cela équivaudrait à priver une catégorie de citoyens de leurs droit civiques légitimes et constituerait une entrave grave au libre choix par notre peuple de sa destinée , et ce en contradiction flagrante avec les objectifs de la révolution. Une telle violation aberrante des normes internationales en matière de droit de l’Homme ne passerait pas inaperçue sur la scène mondiale ou la révolution de jasmin fait l’objet de grandes attentes en tant que modèle de transition démocratique réussie.
L’exclusion de la moindre composante de notre société porterait un coup fatal a ce modèle et ouvrirait la voie inéluctablement au pire des dérapages anti-démocratiques et des comportements despotiques. Les expériences de l’exclusion et de l’éradication politiques menées dans d’autres pays de la région ont eu des conséquences désastreuses sur la stabilité et la sécurité de ces pays et même sur la paix dans le monde. En plus je suis convaincue que le peuple tunisien n’acceptera, sous aucun prétexte, que soient exclus les héritiers du parti de la lutte pour l’indépendance. Et il me semble vraiment inimaginable que les exclus d’hier puissent être aujourd’hui favorables à l’exclusion des autres.
Pour construire une nouvelle Tunisie, ancrée dans les valeurs de progrès et de tolérance, on a besoin de bannir la culture de la haine et de la vengeance. On a besoin de transcender les reflexes de la peur et de la suspicion que certains semblent vouloir, coute que coute, attiser. Ces reflexes, qui ont sévis en Tunisie trop longtemps, doivent désormais céder la place à des rapports d’empathie et de dialogue raisonnable entre toutes les composantes de la société. Les différences d’opinions et les clivages idéologiques qui nous séparent sont moins importants que les valeurs fondamentales qui nous unissent. L’avenir de la Tunisie et de ses générations futures dépond de notre capacité de dépasser les séquelles du passé é pour servir les intérêts de la nation.
Dans ce cadre, le débat actuel autour de la justice transitionnelle ne doit pas servir à raviver les blessures et les injustices ou à cautionner les règlements de comptes. Il devrait avoir pour objectif d’établir des bases solides pour mieux édifier le présent et le futur. La justice transitionnelle n’a de sens en fait que si elle prépare le terrain à la réconciliation nationale.
Elle ne peut pas être un alibi pour perpétuer éternellement le cercle vicieux de l’intolérance et de la répression contre les groupes politiques minoritaires ou en dehors du pouvoir. J’ose espérer aussi que la grandeur d’âme des victimes de l’oppression, dont un grand membre figure aujourd’hui parmi les dirigeants de notre pays, ne permettra pas que soient rééditées les expériences malheureuses des vendettas politiques sous couverture judiciaire. La justice transitionnelle doit en effet permettre une discussion franche et courageuse des vicissitudes du passé, sans esprit de haine ou de vengeance. En réhabilitant les victimes de la répression et en délimitant les responsabilités individuelles et collectives pour les erreurs d’hier, la justice transitionnelle aidera en fait les tunisiens à ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire du pays.
Les grands défis confrontant notre pays exigent aussi de l’opposition un sens exceptionnel des responsabilités nationales. Le gouvernement élu, quelle que soit son appartenance politique, a le droit de s’attendre à ce que l’opposition lui tende la main dans cette période transitoire critique. Faire face aux problèmes du chômage et de la pauvreté, œuvrer en vue de rattraper les retards de développement dans les régions défavorisées et aider à la relance des investissements et de l’activité économique dans le pays de façon générale constituent des enjeux vitaux qui ne peuvent obéir aux considérations partisanes.
Contribuer à la promotion des intérêts supérieurs de la Tunisie est un droit et un devoir pour tous les citoyens et citoyennes de notre pays. Tous sans exception.
* Salma Elloumi Rekik est une militante de la société civile tunisienne