Non, ce ne fut pas une énième fashion week destinée à faire de l’événementiel marketing, mais réellement une réflexion et un bilan sur la filière textile en Tunisie. Avec, pour objectif, de tenter de contrer un essoufflement dû à la conjoncture et aux profonds bouleversements engendrés par le « réveil arabe ».
Oui, il y eut des défilés, des podiums, des artistes qui ont pu faire apprécier leur savoir-faire, leur créativité et leur talent. Mais il y eut également des échanges, des tables rondes, des rapprochements et, sans doute, des débuts de solutions apportés pour redynamiser une filière qui, il n’y a pas si longtemps, faisait la fierté de la Tunisie.
Tout comme le tourisme pour le secteur tertiaire, l’industrie textile était le fleuron du secteur industriel de ce pays. Orienté principalement vers l’exportation et la sous-traitance des plus grandes marques, le secteur faisait rentrer les devises (2,72 milliards d’euros, selon les chiffres du Centre technique du textile – Cettex). Or, les deux principaux marchés de la Tunisie (France et Italie) font face à une crise économique qui s’intensifie et s’installe dans la durée. D’après les statistiques officielles, en 2012, les exportations ont enregistré une chute de 7,9 % par rapport à 2011.
Face à ce constat, la Tunisie ne pourra faire l’impasse sur une remise à niveau structurelle afin de regagner des parts de marchés et s’aligner, en termes de compétitivité, sur les autres pays de la région ou du Sud-Est asiatique. « L’industrie tunisienne présente aujourd’hui une grande fragilité. Son principal handicap est sa dépendance vis-à-vis de l’exportation et de ses principaux donneurs d’ordres qui connaissent de profonds bouleversements », estime François-Marie Grau, délégué général adjoint de l’Union française des industries et de l’habillement. Pour Daniel Harari, directeur général de la société Lectra, la Tunisie doit travailler à une montée de gamme des services et valoriser ses compétences, et non plus se focaliser sur les coûts de production. Arrêter le schéma du « tout-sous-traitance » est crucial. Il faudra valoriser la création et passer à un modèle intégré « conception-réalisation-vente ».
Bien sûr, la crise économique que traverse l’Europe ne crée pas un climat propice aux affaires. Elle doit cependant pousser, plus que jamais, la Tunisie à poursuivre les efforts qu’elle a déjà accomplis avec succès vers une offre plus compétitive et plus complète. Une dizaine d’investisseurs étrangers sont prêts à lancer leurs projets, mais « ils attendent de voir la stabilité rétablie dans le pays », indique Samir Haouet, directeur général du Cettex, qui précise par ailleurs que soixante-dix entreprises ont fermé leurs portes depuis la révolution. Les sociétés tunisiennes doivent aussi rechercher les relais de croissance sur les marchés hors Europe, où la croissance ne se dément pas.
Outre les podiums, il faudra retenir que ces deux journées de festival ont été un lieu de rendez-vous pour les professionnels du secteur. Dans une conjoncture économique morose et politique instable, l’idée était avant tout de redynamiser le secteur textile industriel tunisien et rétablir la confiance des investisseurs étrangers. Ceux-ci, en effet, ont boudé la destination du fait de la crise économique et de l’instabilité politique et sociale de l’après-révolution.
Reste que dans ce contexte, le festival a permis à la Tunis de vibrer aux couleurs de la mode dans la prestigieuse enceinte du Palace, à Gammarth. Neziha Nemri, directrice artistique, a coordonné les défilés. Le tourbillon de tissus et la créativité étaient incontestablement au rendez-vous.
Le premier prix du concours de jeunes créateurs de mode a été remporté par le Tuniso-Taïwanais Seyfeddine Laouti (de la griffe Narcisso Domingo Rodriguez), qui a proposé une collection très couture s’inspirant des guêpières de Gauthier. Outre le prix, le lauréat a reçu une invitation à participer à la troisième édition du concours The Fashion Contest Awards organisé à Riccione (Italie) le 19 juillet prochain, ainsi qu’une invitation au prochain salon professionnel Who’s Next Paris, qui aura lieu en juillet.
Le deuxième prix a été décerné à Raoudha Bel Hadj, qui fut la surprise de ce festival. Elle a présenté une collection lingerie tout en transparence et en sensualité, reprenant la thématique Méditerranée. Une collection très sexy faite par une jeune créatrice qui porte le voile. Tout un symbole ! Elle participera également au concours de Riccione, organisé en partenariat avec Federmoda, sur le thème Phantasmagoria.
Les sept créateurs en compétition ont fait montre d’une grande créativité, signe rassurant pour le futur de la mode en Tunisie. Les participants à ce concours étaient : Nada Ben Salah, Lamia Talmoudi Borni, Raoudha Bel Hadj, Rayen Atlas (Algérie), Hichem Naffati, By Nour, Seyf Dean Laaouiti.