La nouvelle position de Donald Trump sur Cuba est symbolique d’un retour au discours du temps de la Guerre Froide. C’est, également, une façon de remercier « Little Havana », qui a massivement soutenu sa candidature à la présidence.
Le président américain Donald Trump a annoncé l’annulation avec « effet immédiat » de l’accord conclu par Barack Obama, en 2014, entre les États-Unis et Cuba. Il parle, désormais de « régime brutal » et de « rétablissement des sanctions ». Si les annonces de Barack Obama n’ont jamais été que des mesures de façade, ces dernières étaient, néanmoins symboliques d’une volonté américaine de rétablir des relations avec, à terme, la levée du blocus imposé il y a 52 ans contre le peuple cubain, décision qui ne peut être prise que par un vote du Congrès.
Les relations entre les deux pays étaient, donc, dans une dynamique positive, auquel le brutal revirement de Trump porte un coup d’arrêt. Avec au coeur de cette nouvelle politique, la fameuse stratégie de « changement de régime » chère aux néoconservateurs, dont on a vu les effets dévastateurs au Moyen-Orient ou en Ukraine.
Ce n’est pas un hasard si Donald Trump a fait son annonce et s’est présenté comme le « défenseur des droits des Cubains », à l’occasion de son discours devant la communauté cubaine de Little Havana, à Miami qui a massivement voté en sa faveur aux élections présidentielles. 73% des Américains se sont, cependant, déclarés favorables au rapprochement entre les deux pays. Près de 300 000 Américains ont visité Cuba depuis janvier 2017, soit 145% de plus sur un an.
La nouvelle politique cubaine de Donald Trump a immédiatement été critiquée, sinon condamnée par les Démocrates, tandis que les grands investisseurs internationaux du tourisme, comme la chaîne hôtelière Starwood (qui a ouvert un Sheraton à Cuba l’année dernière) ou Marriott International, ont mis en garde le président contre un retour en arrière. « Nous appelons le gouvernement Trump à utiliser le tourisme comme un outil stratégique dans ses efforts pour améliorer les relations avec Cuba (…) plutôt que de revenir à des politiques du passé », a déclaré Arne Sorenson, président de Marriott International. En 2016, malgré l’abstention des États-Unis et d’Israël, une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU réclamant la fin de l’embargo, avait été adoptée par 191 voix sur 193 membres.
Cette annonce a également provoqué la réaction du voisin canadien qui, depuis 1976 – première rencontre entre Pierre-Elliott Trudeau et Fidel Castro, à La Havane – a entretenu, envers et contre tous les pays occidentaux, des relations amicales avec Cuba. Le Canada a tenu à montrer, immédiatement, qu’il prenait ses distances avec le président américain sur ce sujet. Quant à la Russie, qui a exprimé son « inébranlable solidarité avec Cuba » « la nouvelle ligne du président américain nous ramène à la rhétorique déjà à moitié oubliée de l’époque de la Guerre Froide », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères.
Les Cubains ont, eux aussi, dénoncé « un retour en arrière » et condamné les nouvelles restrictions aux échanges entre les deux pays. Le gouvernement cubain a, cependant, réitéré sa volonté de « poursuivre le dialogue respectueux et la coopération » engagés depuis 2015. Quant à la volonté de Donald Trump d’interférer dans la politique cubaine en vue d’un « changement de régime », la réponse de La Havane est claire : « Toute stratégie visant à changer le système politique, économique et social à Cuba, que ce soit à travers des pressions (…) ou en employant des méthodes plus subtiles, sera condamnée à l’échec », a déclaré le gouvernement dans une longue intervention diffusée à la radio et à la télévision.
Le quotidien Granma (internet@granma.cu) analyse en dix points la politique de Donald Trump à l’égard de Cuba :
- Trump paie sa dette envers l’extrême droite de Miami
- Ces changements affectent les intérêts propres des États-Unis et nuisent au peuple cubain
- L’idée de sanctionner les entreprises liées aux Forces armées révolutionnaires et aux services de sécurité et de renseignement cubains est une vieille aspiration de l’extrême droite cubano-américaine. Un projet de loi allant dans ce sens avait été déposé par Marco Rubio, en 2015. Marco Rubio, né à Miami, ancien président de la Chambre des représentants de la Floride, aujourd’hui sénateur républicain de Floride, déclarait dans son discours précédent celui de Trump à Miami : « Il y a un an et demi, un président américain atterrissait à La Havane pour tendre la main à un régime, aujourd’hui un nouveau président atterrit à Miami pour tendre sa main au peuple de Cuba»
- Marco Rubio et Diaz-Balart (élu républicain pour la Floride depuis 2003) se heurteront au refus majoritaire de leur politique
- Obama n’a fait aucune concession à Cuba (contrairement à ce que prétend Donald Trump), une seule mesure des 22 éléments de l’accord bénéficie uniquement à Cuba.
- Trump a ressorti la rhétorique de la Guerre Froide
- Cuba n’a jamais négocié sous la pression
- Toutes les portes ne sont pas fermées
- Le Congrès, un autre champ de bataille
- Il faut attendre les régulations pour connaître la portée exacte des mesures
« Durant la dernière moitié de siècle, écrit Granma, Cuba a démontré, dans des circonstances extrêmes, qu’elle n’était pas prête à trahir les principes et les valeurs dans lesquelles elle croit fermement, ni les sacrifices faits par des millions de personnes depuis la gestation de son indépendance jusqu’à aujourd’hui », conclut le quotidien. Cuba, écrit encore Granma, reste « un symbole de la résistance et de la dignité de l’Amérique latine et des Caraïbes ».