Les groupes disparates de l’opposition armée vont-ils observer un cessez le feu ?
Quelques heures après la visite du ministre syrien des Affaires étrangères à Moscou, une source autorisée au ministère de la Défense à Damas a annoncé, dans un communiqué laconique publié par l’agence Sana, qu’ « il a été décidé de suspendre les missions de lutte contre les actes criminels des gangs terroristes armés à partie de jeudi 12 avril courant et ce, après l’accomplissement par nos forces armées de ces missions et après avoir étendu l’autorité de l’Etat sur le territoire national. » La même source autorisée précise que « Nos forces armées resteront sur le qui-vive prêtes à riposter à toute agression de la part des gangs terroristes armés contre les civils, les agents de l’ordre et des forces armées ainsi que les biens privés et publics dans le but de préserver la sécurité de la patrie et du citoyen. »
Il s’agit d’un premier pas dans la mise en œuvre du plan de sortie de crise proposé par le médiateur onusien Kofi Annan. La Syrie a accepté le plan mais les modalités d’application restent à définir. En effet les observateurs venant de pays acceptés par la Syrie ne sont pas encore sur place.
Autre point d’interrogation : les groupes disparates de l’opposition armée vont-ils observer un cessez le feu ? Si le CNS se dit prêt à une telle éventualité, il n’est pas dit que les groupes sur le terrain vont l’écouter ou reconnaître son autorité. Il n’est pas encore dit si les pays qui avaient déclaré vouloir armer et financer la rébellion, notamment le Qatar et l’Arabie saoudite, vont lâcher leurs obligés salafistes et armés.
Pendant ce temps, les opérations de guérilla se poursuivent sans relâche. Ainsi, un nouveau général a été assassiné ce mercredi 11 avril à Aqraba, dans la banlieue sud-est de Damas : et selon le modus operandi habituel, le général Jamal al-Khaled a été pris pour cible alors qu’il venait de monter dans sa voiture de fonction pour se rendre à son bureau. Son chauffeur, le simple soldat Jneid Hassan al-Mahmoud, a été tué à ses côtés. Il est évidement plus difficile de contrer ces tueurs de l’ombre que des groupes armés agissant au grand jour. On touche là à la guerre du renseignement, de l’infiltration, et cette guerre-là se gagne plus difficilement encore que l’autre.
Et d’autres officiers et soldats continuent de tomber, sur des fronts plus « militaires » : pour la journée de mardi, l’OSDH « revendique » 19 soldats tués. Et ce 11 avril, des convois funèbres sont partis des hôpitaux militaires de Damas, de Lattaquié et d’Alep, pour quatre sous-officiers et trois conscrits morts à Homs, Idleb, al-Hassaké et dans la banlieue de Damas.
Anticipant la décision du haut commandement des forces armées de cesser leur engagement contre les « terroristes », le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, avait affirmé mardi 10 avril à Moscou que Damas avait commencé à appliquer le plan de l’émissaire international Kofi Annan, tandis que la Russie a appelé son allié syrien à se montrer « plus actif » en la matière.? »J’ai informé mon collègue russe des initiatives que la Syrie entreprend pour montrer sa bonne volonté dans l’application du plan Annan », a déclaré M. Mouallem au cours d’une conférence de presse à Moscou avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. « Nous avons déjà effectué le retrait de certaines unités de certaines villes », a déclaré M. Mouallem. La Syrie a informé la Russie du retrait d’une partie des troupes de Homs, a précisé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué publié en fin de journée, à l’issue des entretiens. « Pendant les pourparlers, le ministre syrien a transmis à Moscou les informations officielles qu’il venait d’obtenir de Damas, selon lesquelles une partie des troupes gouvernementales syriennes à Homs ont regagné leurs casernes », est-il écrit dans le communiqué. Parmi les autres mesures prises dans le cadre de l’application du plan Annan, le ministre syrien a cité « la libération de certaines personnes qui ont participé à des troubles ». « Le cessez-le-feu doit commencer avec l’arrivée d’observateurs internationaux », a-t-il ajouté, soulignant qu’il constatait une « intensification des agissements de groupes armés dans différentes régions de Syrie ». M. Mouallem a par ailleurs accusé la Turquie de saper le plan Annan en aidant les rebelles à se livrer au trafic d’armes vers la Syrie. « La Turquie héberge des groupes armés, a installé des camps d’entraînement et leur permet de franchir la frontière illégalement et de se livrer au trafic d’armes (vers la Syrie) à partir de son territoire », a affirmé M. Mouallem, soulignant que cela était en contradiction avec le plan Annan. La visite de M. Mouallem à Moscou coïncide avec l’expiration du délai fixé par l’ONU pour un retrait de l’armée syrienne en vue d’un cessez-le-feu visant à mettre fin aux violences meurtrières en Syrie qui ont fait plus de 10.000 morts en un an, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). De son côté, M. Lavrov a indiqué avoir été « informé du début de l’application du plan Annan par la direction syrienne », notamment du retrait des troupes de certaines grandes villes, point clé du plan.
Le régime syrien devrait cependant être « plus actif » et « plus ferme » dans l’application du plan, a-t-il ajouté. « Nous exigeons avec insistance de la part de nos collègues syriens qu’ils appliquent strictement les engagements du plan de Kofi Annan », a souligné M. Lavrov. « Il est clair que le succès ne sera possible qu’avec le concours de tous les autres membres de la communauté internationale qui ont une influence sur la situation en Syrie », a-t-il ajouté. M. Lavrov a par ailleurs a appelé M. Annan à intensifier la pression sur l’opposition syrienne au cours d’un entretien téléphonique avec l’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe sur la Syrie, selon un communiqué diffusé dans la soirée par le ministère russe des Affaires étrangères. L’ONU avait annoncé le 2 avril que Damas avait accepté le plan en six points de l’émissaire Kofi Annan, qui l’oblige à retirer ses troupes des grandes villes et à cesser les combats au plus tard mardi matin, en préalable à un cessez-le-feu général prévu dans les 48 heures suivantes. La Russie, qui, avec la Chine, a bloqué deux résolutions à l’ONU condamnant la répression du mouvement de contestation syrien, est alliée depuis l’époque de l’URSS à la Syrie, un important importateur d’armements russes.
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Moscou appelle Kofi Annan à intensifier la pression sur l’opposition syrienne.
Parallèlement, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé mardi l’émissaire international Kofi Annan à intensifier la pression sur l’opposition syrienne au cours d’une conversation téléphonique avec ce dernier, a annoncé le ministère russe. « Lavrov a particulièrement souligné que l’opposition syrienne et les pays qui la soutiennent devaient prendre des mesures urgentes pour assurer l’arrêt des violences en appelant Annan à intensifier le travail avec eux dans cette direction », selon un communiqué du ministère. Au cours de la conversation, Sergueï Lavrov a informé Kofi Annan de la teneur de ses discussions plus tôt dans la journée avec son homologue syrien, Walid Mouallem, et a souligné « la bonne volonté de la Syrie pour continuer à mettre en œuvre le plan » Annan. Walid Mouallem a affirmé mardi à Moscou que Damas avait commencé à appliquer le plan Annan, tandis que la Russie a appelé son allié syrien à se montrer « plus actif » en la matière. « Nous avons déjà effectué le retrait de certaines unités de certaines villes », a déclaré Walid Mouallem. Le plan de sortie de crise présenté par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, que Damas avait accepté le 2 avril et qui a été entériné par les Nations unies, prévoit que l’armée se retire des villes mardi, afin de permettre un arrêt total des violences 48 heures plus tard.
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De son côté, le Conseil national syrien juge les nouvelles conditions posées par Damas au plan Annan « inacceptables ». Selon Bassma Kodmani, porte-parole du Conseil national syrien (CNS), coalition de l’opposition syrienne dont le siège est à Paris, « nous avons vu les nouvelles propositions d’hier (dimanche, ndlr). Ce sont des conditions inacceptables (…) et je ne vois pas comment elles pourraient être acceptées par Kofi Annan », a déclaré Bassma Kodmani au cours d’une conférence de presse à Genève. Le plan de sortie de crise présenté par l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, que Damas avait accepté le 2 avril et qui a été entériné par les Nations unies jeudi dernier, prévoit que l’armée se retire des villes mardi afin de permettre un arrêt total des violences 48 heures plus tard. Mais le régime syrien a exigé dimanche que l’opposition s’engage par écrit à arrêter toute forme de violence, avant de procéder à un retrait de ses troupes. Pour Bassma Kodmani, ces conditions sont « irréalistes » car elles signifient notamment que le régime de Bachar el-Assad reconnaisse d’abord ces groupes que Damas qualifie de « terroristes ». Soulignant par ailleurs que le CNS s’engageait à continuer à coopérer avec la mission de Kofi Annan, Bassma Kodmani, a expliqué en substance que la balle était aujourd’hui dans le camp du régime syrien. Elle a par ailleurs dénoncé d’importantes actions répressives du régime depuis mardi matin, dont la « démolition systématique de maisons ». « Il est temps de mettre en œuvre le cessez-le-feu », a-t-elle dit, dénonçant la « violation » de ce cessez-le-feu et une détérioration dramatique et rapide de la situation sur le terrain.