Appelés à choisir un successeur à Barhoun Ghalioun, les membres du CNS, composée de Frères musulmans, ont préféré en majorité le maintenir pour éviter d’être dirigés par une femme (Basma Kodmani) ou un Chrétien (Georges Sabra) !
Les responsables occidentaux en charge du dossier syrien sont déçus. En misant sur le Conseil national syrien, qu’ils ont contribué à financer et à soutenir politiquement, à la demande express des Saoudiens, des Qataris et des Turcs, ils pensaient, enfin, trouver leur cheval de bataille idéale pour abattre le régime syrien. Ils avaient fait semblant de croire que le CNS a réellement des soutiens à l’intérieur de la Syrie. Leur désillusion est immense. Depuis le double veto russe et chinois, ils ne ratent pas une occasion pour déclare haut et fort que l’opposition syrienne est divisée et qu’elle doit se réunifier avant d’espérer être reconnue comme la seule représentante légitime du peuple syrien. Le CNS n’est actuellement reconnu que comme « un » représentant légitime des Syriens qui aspirent au changement. Il n’y a que le régime libyen installé par l’Otan, tout comme les « démocraties » saoudienne et qatarie qui continuent – jusqu’à quand- à miser exclusivement sur lui et sur les groupes djihadistes qu’ils financent sans compter. Comble de l’humiliation : à peine une heure après que le « professeur » Burhan Ghalioun annonça, dans une conférence de presse diffusée en direct par France 24 et Al-Jazeera, la création d’un bureau militaire dont la mission serait de chapeauter tous les mouvements armés en Syrie même qui combattent le régime syrien, dont l’Armée libre de Syrie (ALS), le chef de cette armée composée en gros de déserteurs, (ASL), le colonel Riad Assaad, annonça, depuis la Turquie, l’illégalité de ce bureau !
On le voit, jour après jour, le CNS est une coquille vide qui n’a aucune prise sur la réalité syrienne. Non seulement son rôle est purement médiatique, qu’il est rejeté par l’opposition intérieure (ces fameuses « coordinations », ou « tansykiyaat », mais également par l’opposition syrienne extérieure qui, elle, refuse toute militarisation de la contestation, toute ingérence extérieure et toute soumission aux monarchies du Golfe. Elle accuse également le CNS d’être le jouet des Frères musulmans qui continuent à tirer, en coulisse, toutes les ficelles.
Le CNS se fissure également de l’intérieur pour des raisons d’ego, de distribution du gâteau (des millions de dollars sont mis à la disposition de ce conseil par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Libye notamment), mais aussi idéologiques. Ainsi plusieurs membres de ses membres ont annoncé dernièrement dimanche la création d’une organisation concurrente, faisant courir le risque de fragmenter encore davantage l’opposition au président Bachar al-Assad. Au moins 20 membres islamistes et laïcs sur les 270 que compte le CNS ont quitté le Conseil mis en place à Istanbul l’année dernière pour rejoindre le Groupe patriotique syrien.
La nouvelle instance est présidée par Haitham al Maleh, un avocat et ancien juge, opposant de longue date au régime baathiste. Il a été rejoint par Kamal al Labwani, un chef de file de l’opposition qui a passé six ans en prison avant d’être libéré en décembre, par l’avocate des droits de l’homme Catherine al Talli, et par deux figures de l’opposition Walid al Bunni et Fawaz al Tello. « La Syrie a connu des mois difficiles depuis que le Conseil national syrien s’est formé sans parvenir à obtenir de résultats satisfaisants et sans être capable de répondre aux demandes des insurgés présents à l’intérieur de la Syrie », indique le groupe dans un communiqué transmis à Reuters. « Le précédent mode de fonctionnement s’est révélé vain. Nous avons décidé de former un groupe d’action patriotique pour soutenir l’effort national visant à renverser le régime avec tous les moyens de résistance disponibles, y compris le soutien à l’Armée syrienne libre », peut-on y lire.
Mais le coup le plus fatal porté à la crédibilité du CNS, c’était la façon cavalière avec laquelle le mandat de Burhan Ghalioun a été reconduit à sa tête, contrairement aux règles internes de fonctionnement qui exigent la rotation. Selon ses statuts, le CNS renouvelle sa présidence tous les trois mois. Le mandat de Burhan Ghalioun expirait mi-janvier, mais avait été prolongé d’un mois faute de consensus sur un successeur. Pourtant, deux candidats postulaient à ce poste : Basma Kodmani, réputée libérale, pro-américaine et Georges Sabra, un opposant historique communiste d’origine chrétienne. Lors du vote, les délégués islamistes (Frères musulmans) ont voté unanimement pour la prolongation du mandat de Burhan Ghalioun, dont les penchants islamistes sont un secret de polichinelle. Ils ne voulaient pas en fait être dirigés ni par une femme, ni par un Chrétien !