Le président d’une nation forte et renaissante contre celui d’une entité supranationale, largement impuissante et largement désavouée par ses « citoyens ». Un homme d’État – un « tsar » (largement élu) si l’on veut – face à une potiche politique sans légitimité populaire, dont le nom et même l’existence sont ignorés certainement de 9 Européens sur 10 !
Les toutes dernières déclarations du ministre russe des Affaires étrangères ont constitué un démenti clair et, on peut dire, définitif quant à une « évolution » de Vladimir Poutine vis-à-vis de Bachar al-Assad, et du dossier syrien. Plus que jamais, le feu est au rouge pour tous les aspirant ingérents. Qui doivent, plus que jamais, s’en tenir aux déclarations et gesticulations.
La neutralité suisse en action
Au nombre de celles-ci, et parmi les dernières en date, cette « pétition » signée non par des intellectuels mais des États membres de l’Onu, et visant à saisir la Cour pénale internationale (CPI) du cas de Bachar al-Assad et des autorités syriennes en général, accusés de commettre des crimes contre la population. C’est la Suisse qui est à l’initiative de cette « lettre ouverte » au Conseil de sécurité, signée en tout par 57 pays, où l’on ne s’étonnera pas de retrouver tous les membres, américains, européens et arabes de la coalition anti-syrienne. À l’exception très notable des États-Unis qui, on le sait, ont refusé d’adhérer à la CPI, une sage précaution quand on sait leur « passif » dans un certain nombre de régions du monde en matière de crimes commis contre des populations civiles.
Sur le fond, c’est toujours l’hémiplégie intellectuelle : pour les signataires, ce sont le gouvernement et l’armée syriens les responsables principaux et premiers des violences. Et certes, ils en commettent, mais bien plus contre des bandes armées que contre des civils sans défense. L’armée et les forces gouvernementales en Syrie ont parfois commis des actes répréhensibles « dans le feu de l’action ». Et plus fréquemment des « bavures » dont des civils ont fait les frais, dans un conflit où l’on s’affronte souvent dans des villes. Mais ce sont bien les rebelles qui massacrent systématiquement leurs prisonniers, et s’en prennent à des civils à raison de leur religion ou de leur ethnie. Il faut être aveugle, ou Suisse, pour ne pas le constater.
Mais n’allons pas chercher l’honnêteté intellectuelle et la neutralité politique dans cette initiative helvétique. Cette neutralité sur laquelle la Suisse qui a bâti une part de son identité, alors qu’on voit qu’elle affiche très concrètement son appartenance à un camp, celui de l’arrogance et de l’ingérence occidentales.
Tout ça pour rien, puisque la saisine de la CPI est donc du ressort du Conseil de sécurité, et qu’au sein de celui-ci, Russes et Chinois enverront la lettre suisse à la corbeille, et que les Américains ne pourront décemment pas la défendre pour la raison évoquée plus haut.
Autre effet de manche de manchot politique, la sortie du président européen Van Rompuy lundi au Caire, qui a dit au milieu de ses amis de la Ligue arabo-qatari que la solution de la crise syrienne passait par la démission de Bachar. On a là comme un raccourci saisissant du nouveau rapport de forces diplomatiques autour du cas syrien : Poutine contre Van Rompuy. Le président d’une nation forte et renaissante contre celui d’une entité supranationale, largement impuissante et largement désavouée par ses « citoyens ». Un homme d’État – un « tsar » (largement élu) si l’on veut – face à une potiche politique sans légitimité populaire, dont le nom et même l’existence sont ignorés certainement de 9 Européens sur 10 ! À quand une déclaration solennelle anti-Bachar du ministre des Affaires étrangères monégasque depuis Doha ?
En attendant cet événement diplomatique majeur, on va se rendre chez un voisin de la principauté, la France. Marine Le Pen a tout de suite souligné la contradiction qu’il y avait à combattre les fanatiques islamistes au Mali, et à les soutenir en Syrie, après la Libye, et dénoncé les erreurs géopolitiques de Hollande après celles de Sarkozy. Dans l’hebdomadaire (néo) conservateur Valeurs Actuelles, le très atlantiste et sioniste Frédéric Pons termine un édito – où il a entretenu la fiction fourbue de l’évolution de Poutine sur le dossier syrien – par ce constat gêné : « En poussant Assad au départ, Hollande entérine aussi l’implantation en Syrie de forces islamistes conséquentes, sinon leur prise de pouvoir. Au même moment, il cherche à empêcher leurs « frères » de s’installer au Sahel ». Et c’est un constat identique qu’a fait, lundi sur I-Télé, et à l’autre bout du spectre politique, Maurice Szafran, patron et fondateur de l’hebdo de « gauche républicaine » Marianne. Cette évidence de la schizophrénie et de l’incohérence de la diplomatie française, elle risque bien de s’installer dans l’opinion française, du moins la partie d’elle qui réfléchit un minimum aux problèmes de ce monde. Surtout si demain, un hélico ou un avion français est abattu par un missile français vendu au Qatar, ou un russe « emprunté » par les rebelles islamistes dans un arsenal de Kadhafi.
Manif « non homologuée » (par l’AFP) à Idleb
Revenons en Syrie où, pour la première fois depuis longtemps, une manifestation de soutien au régime d’une certaine ampleur s’est déroulée en zone de « turbulences ». C’est en effet à Idleb, la grande ville du nord-ouest syrien située quasiment sur la « ligne de front », puisque bordée par les zones contrôlées par la guérilla islamiste, que plusieurs milliers de personnes sont descendues dans la rue pour clamer leur soutien à l’armée et au gouvernement. Un acte « citoyen » s’il en fut, car ces hommes et ces femmes s’exposaient à un attentat de la rébellion. Qui ne s’est heureusement pas produit. Un acte politique fort à l’heure de l’entrée des djihadistes sur l’aéroport militaire voisin de Taftanaz, à une quinzaine de kilomètres au nord-est. Bien sûr, on chercherait en vain la moindre mention de cette manifestation dans les dépêches de l’AFP, si empressée à signaler le plus dérisoire rassemblement des opposants du vendredi.
Idleb demeure, après 22 mois de conflit, une sorte d’énorme avant-poste du gouvernement en pays rebelle, la ville n’étant distante que d’une soixantaine de kilomètres d’Alep et d’une trentaine de la frontière turque. Le fait que les rebelles, si puissants dans cette région frontière, n’aient jamais pu prendre la ville, est quand même une indication quant aux limites de l’insurrection syrienne.
Ci-dessous le reportage de la chaîne syrienne Sama sur la manifestation :
Source : InfoSyrie