Assassinat barbare du journaliste Ali Abbès de l’agence officielle Sana et enlèvement de trois autres.
Le terrorisme est un acte lâche et par conséquent, ce ne sont que les faibles qui s’illustrent dans cet acte macabre. C’est ainsi qu’on a appris qu’il y a eu une nouvelle agression contre la presse nationale syrienne et ses cadres. Un gang terroriste a assassiné, le vendredi 10 août dans la soirée, le journaliste Ali Abbès travaillant pour l’agence Sana, à son domicile à Jdeidat Artouz dans la banlieue de Damas. Il était chef de département des nouvelles internes au sein de l’agence Sana.
Trois journalistes syriens travaillant pour la chaîne publique Al-Ikhbarya ont été capturés ce même vendredi par les rebelles alors qu’ils accompagnaient l’armée dans une opération à Al-Tal’, au nord de Damas, a indiqué l’OSDH. Al-Ikhbarya a, de son côté, annoncé la perte de contact avec son équipe composée de la journaliste Yara al Saleh-Abbas, le cameraman Hatem Abu Yahya, et Abdellah Tabora et Hussam Imad, assistant et chauffeur. Dans un communiqué, Al-Ikhbarya a rendu les hommes armés et aux pays qui les soutiennent responsables de la vie sauve des membres de son équipe, et a rappelé que la profession médiatique est protégée par la loi et les conventions internationales ; enfin la direction d’Al-Ikhbarya en appelle à l’Union des journalistes arabes et la Fédération internationale des journalistes pour travailler rapidement à leur libération !
Nous avions sur ce site mis en ligne un reportage de Yara al-Saleh-Abbbas, jeune et jolie journaliste accompagnant crânement les soldats. Journaliste est effectivement une profession à risque en Syrie. Et notamment pour les journalistes syriens qui participent à la lutte contre la destruction de leur pays, et qui sont, c’est vrai, eux aussi des soldats, même s’ils filment de vraies images et donnent, au péril de leur vie, de vraies informations sur la situation militaire. Voici une semaine, un présentateur de la télévision officielle syrienne, Mohammad al-Saïd, enlevé à la mi-juillet à son domicile à Damas, avait été exécuté par un groupe extrémiste. Et lundi dernier, le siège de la radiotélévision syrienne à Damas avait été visé par un attentat à la bombe qui n’avait pas fait de victimes. Mais plus tôt cette année, les locaux d’Al-Ikhbarya à Damas avaient été dévastés par une bombe qui avait tué plusieurs journalistes et employés de la chaîne.
Ajoutons, à propos de journalisme engagé, que nombre de reporters français en Syrie se sont avérés être des propagandistes sans nuances de l’opposition et que, de même qu’il y a dans ce pays un « contre-terrorisme », il y a une « contre-information » syrienne.
Au vu de ce qui précède, et de ce qu’on sait de la mentalité de nombre d’activistes, on est en droit de s’inquiéter pour l’équipe d’Al-Ikhbarya : leurs chances de survie résident dans le fait qu’ils peuvent être une « monnaie d’échange » contre des insurgés capturés. Peut-être aussi leurs ravisseurs, s’ils ne sont pas des hallucinés du djihad, peuvent être conscients de la contre-propagande que constituerait le massacre d’une équipe de journalistes, comprenant une jeune femme. Mais le niveau d’humanité, et de rationalité politique, des insurgés est sujet à débat.
Ci-dessous, liens sur l’enlèvement de l’équipe d’Al-Ikhbarya :
https://www.youtube.com/watch?v=RKGMsAkJ228&;feature=youtu.be
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&;v=RKGMsAkJ228
Journalisme de terrain et de courage
Yara Saleh a été victime de son professionnalisme et de son courage, sinon de sa témérité. Dans le reportage de la chaîne syrienne concurrente Addounia que nous mettons en ligne ci-dessous, on a une autre démonstration de cette intrépidité journalistique. Le jeune reporter d’Addounia, gilet pare-balles et casque, accompagne les soldats à Alep. On visite d’abord la citadelle, sous contrôle de l’armée. Puis c’est Salaheddine, où de balles sifflent. Et l’on voit – à partir de la quatrième minute de la vidéo – notre reporter rester debout dans une rue battue par les tirs, tandis que les soldats s’abritent. Et pas par lâcheté : un des leurs est peu après blessé – sans gravité – par une de ces balles rebelles, et le reporter recueille quelques mots de lui « à chaud ». On ne peut qu’admirer ce courage tranquille, qui semble parfois confiner à la témérité, et on souhaite à ce jeune journaliste syrien « de terrain » – et quel « terrain » ! – de pouvoir commenter bientôt les ultimes combats contre les bandes qui ravagent son pays. Avec sa consœur Yara.
https://www.youtube.com/watch?v=8tDAG3rAWrw&;feature=em-uploademail
Rappelons que, comme leurs confrères algériens dans les années rouges, les journalistes syriens semblent être une cible privilégiée des terroristes. Plusieurs attentats ont déjà touché le siège des TV syriennes. La Ligue arabe, sur un autre niveau, a prêté main-forte aux terroristes en interdisant aux satellites Arab Sat et Nile Sat de diffuser les chaînes syriennes.
Reporters sans frontières, une fois n’est pas coutume, a réagi avec rapidité et fermeté à ces attaques contre les journalistes syriens travaillant dans les médias officiels. En voici le communiqué publié à cette occasion le 11 août :
« Reporters sans frontières fait part de sa profonde inquiétude quant au sort de trois journalistes de la chaîne de télévision pro-régime Al-Ikhbarya et de leur chauffeur, dont on est sans nouvelles depuis leur disparition, hier, après un accrochage entre l’armée et les forces rebelles dans la banlieue de Damas.
Le 10 août 2012, la reporter Yarah Saleh, le cameraman Abboud Tabarah, son assistant Hatem Abu Yehiah et leur chauffeur Housam Imad accompagnaient une colonne de l’armée syrienne dans une opération militaire à Al-Tal (nord de Damas). Al-Ikhbarya a annoncé dans la soirée avoir perdu tout contact avec son équipe, laquelle était sur le chemin du retour, ainsi qu’avec les militaires chargés de veiller à sa sécurité. D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les journalistes auraient été capturés par une faction rebelle, dont l’identité reste pour l’heure inconnue.
Si les journalistes ont réellement été faits prisonniers par un groupe de l’opposition, ce dernier doit désormais répondre de leur sécurité. Nous l’appelons à s’identifier, à apporter des preuves de vie de ses détenus ainsi que des informations sur leur état de santé, et à les relâcher sans tarder. Rappelons que les acteurs de l’information sont protégés par la résolution 1738 du Conseil de sécurité des Nations unies. L’ensemble des belligérants doivent s’abstenir de prendre pour cibles les professionnels des médias et les journalistes-citoyens », a déclaré Reporters sans frontières.
« Les récentes exactions commises à l’encontre des médias officiels et pro-régime nourrissent de sérieuses craintes quant à la sécurité des quatre employés d’Al-Ikhbarya. Nous demandons aux dirigeants de l’Armée syrienne libre (ASL) et au Conseil national syrien (CNS) de prendre leurs responsabilités et de tout mettre en œuvre pour que les journalistes soient remis en liberté sans délai », a ajouté l’organisation.
Le siège de la chaîne Al-Ikhbarya, considérée par l’Union européenne comme « un instrument de propagande au service du président Assad », a été la cible d’un attentat fin juin à Drousha (sud de Damas), qui aurait tué plusieurs employés. Ces dernières semaines, alors que s’allonge la liste des exactions de l’armée et des milices pro-régime contre les professionnels des médias et les citoyens-journalistes, d’autres attaques ont été menées contre des médias officiels à Damas et à Alep, et les enlèvements de journalistes pro-régime se multiplient. D’après l’OSDH et le groupe islamiste Al-Nosra, le présentateur de la télévision officielle syrienne, Mohammad Saeed, enlevé le 19 juillet à son domicile à Damas, a été exécuté. »