Un dirigeant kurde syrien : « Les djihadistes s’apprêtent à écraser les villages kurdes »
La guerre en Syrie et contre la Syrie est en train de se régionaliser et de s’étendre dangereusement à l’ensemble de la région. Non seulement le Liban se trouve en première ligne où les conséquences de ce conflit risque à tout moment de faire imploser le fragile équilibre inter-confessionnel. Mais aussi la Turquie qui a cru, en attisant le feu de la guerre civile, à l’abri de l’incendie. Le gouvernement islamiste, proche des Frères musulmans, se trouve ainsi confronté à la colère de sa minorité alaouite (20 millions) qui s’oppose à sa politique anti-syrienne. Il doit également faire face à la colère de sa minorité kurde (25 millions) qui se trouve confinée à un statut de citoyens de seconde zone. Et qui de surcroît voit Erdogan prêter main forte aux extrémistes et aux jihadistes dans leurs massacres contre les kurdes de Syrie. Ces massacres risquent également de pousser le Kurdistan irakien autonome à intervenir en Syrie pour aider leurs « frères » massacrés…
L’embrasement de l’ensemble des régions kurdophones du Moyen-Orient, consécutif au conflit syrien, ne va pas manquer de déstabiliser davantage le régime d’Erdogan qui se trouve désormais sur les bancs des accusés.
Le président du parti de l’Union démocratique kurde en Syrie, Saleh Moslem ne mâche pas ses mots : « Les extrémistes jihadistes, dit-il, se préparent pour attaquer les villages kurdes.
Il est étrange que je me réunisse avec des responsables turcs au moment où le front al-Nosra et l’Armée syrienne libre (alliés de la Turquie) se préparent pour nous écraser », a-t-il dit dans une interview accordé au journal turc Taraf.
Moslem qui compte se rendre en Turquie la semaine prochaine pour débattre de l’envoi par la Turquie de jihadistes en Syrie, a déploré qu’Ankara continue de faire passer ces djihadites en Syrie malgré les revendications des kurdes de « faire pression sur l’armée syrienne libre et d’isoler le front al-Nosra ».
Il a par ailleurs condamné la fermeture par la Turquie du passage frontalier Siniort alors que les gens fêtent al-Fitr et ont besoin d’aides.
Interrogé sur les tirs fréquents de la partie turque sur les territoires syriens, ce dirigeant kurde a déploré que la Turquie ouvre le feu sur les kurdes, souhaitant qu’elle fasse pareillement avec le front al-Nosra.
Mohammad Zacchariya: des massacres commis par al-nosra contre les kurdes
Pour sa part, le porte-parole du Front des kurdes en Syrie, Mohammad Zacchariya, a confirmé les informations faisant état de massacres contre les kurdes dans le nord de la Syrie après le retrait des combattants kurdes et le contrôle du front al-Nosra de la région.
Dans un entretien téléphonique avec la chaîne de télévision russe « Russia al-Yaom », Zaccahriya a dit : « les éléments du front al-Nosra et ceux de l’Etat islamique d’Irak et du Levant » déployés dans les villages kurdes empêchent toute couverture médiatique et enlèvent quiconque tente de couvrir les événements là-bas ».
Les Kurdes irakiens prêts à « défendre » ceux de Syrie
Face à ces nouvelles alarmistes, le président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a menacé samedi 10 août d’intervenir dans le conflit syrien pour protéger la vie des civils kurdes de Syrie.
Des combats opposent dans le nord syrien des groupes extrémistes hostiles à Damas à des forces d’auto-défense kurdes qui tentent de forger leur propre autonomie dans les zones sous leur contrôle.
Fin juillet, des groupes extrémistes liés au réseau Al-Qaïda ont pris en otages fin juillet environ 200 civils kurdes après de violents combats avec des combattants kurdes dans deux villages du nord-est de la Syrie.
M. Barzani, dans un communiqué, a appelé les partis du Kurdistan irakien à établir la véracité des informations faisant état de l’intention « de terroristes » de tuer des Kurdes en Syrie.
« Si de telles informations étaient avérées, et que des citoyens kurdes innocents, des femmes et des enfants, étaient menacés de mort et de terrorisme, la région du Kurdistan irakien mettra en oeuvre toutes ses capacités pour défendre les innocents », a affirmé M. Barzani.
Les Kurdes, qui représentent environ 10% de la population syrienne, ont cherché à se maintenir à l’écart du conflit qui déchire leur pays, mais des combats ont éclaté après que des milices kurdes ont chassé des extrémistes d’Al-Nosra de la ville de Ras al-Aïn, à la frontière turque.
M. Barzani a annoncé le mois dernier que sa région autonome se préparait à accueillir en août une conférence réunissant des partis kurdes d’Irak, de Syrie, d’Iran et de Turquie pour discuter de l’avenir de la région.
Le Kurdistan irakien, qui partage une frontière avec la Syrie, dispose de sa propre force militaire.
L’Irak se trouvera ainsi pleinement entraîné dans le bourbier syrien. De nombreux volontaires irakiens pro-iraniens soutiennent le pouvoir syrien alors que de nombreux mouvements hostiles au régime de Maliki et proches d’al-Qaïda combattent en Syrie côte à côte avec la nébuleuse jihadiste financée par les monarchies du Golfe et la Turquie.
10 août 2013
Avec les agences