Un nouvel opposant d’opérette, Nofal Dawalibi, fils d’un ancien Premier ministre naturalisé saoudien, postule, depuis un palace parisien, propriété d’un milliardaire israélien, à la succession de Bachar al-Assad.
Les Syriens qui connaissent quelques notions de l’histoire postindépendance de leur pays connaissent sur le bout des doigts les personnalités politiques qui avaient joué, en bien ou en mal, un rôle quelconque dans la période qui avait précédé l’avènement du parti Baas au pouvoir un certain 8 mars 1993. Parmi ces personnalités, il convient de mentionner Maarouf Dawalibi, un ancien Premier ministre natif d’Alep qui a préféré déserter le combat et se réfugier en Arabie saoudite pour en devenir l’un des influents conseillers du Roi Fayçal, l’ennemi acharné du nassérisme et allié de l’occident. Sans vouloir être injuste envers ce politicien, on peut le considérer comme l’un des fidèles serviteurs de la politique saoudienne, qui l’avait grassement rétribué en retour.
Mort en Arabie en 2004, il n’avait jamais pensé retourner au pays quand les relations en dents-de-scie entre Riyad et Damas s’étaient apaisées.
Haytham al Maleh, un juriste de 80 ans, l’un des farouches opposants du régime syrien, qui a fait de nombreux séjours en prison avant de quitter en 2011 pour rejoindre l’étranger pour y diriger l’une des factions, stigmatise cette génération de politiciens dont faisait partie Maarouf Al Dawalibi, qui avaient déserté la Syrie après 1963 pour se jeter entre les bras de pays étrangers. « Et voilà que leur progéniture, qui ne connaît rien de la Syrie, s’improvise comme les nouveaux sauveurs de ce pays qu’ils avaient déserté et oublié. Ils comptent maintenant y revenir dans les fourgons de l’étranger » !
Le dernier prétendant parmi ces enfants d’exilés qui essaient de faire main basse sur la révolte syrienne pour en récolter les fruits si jamais elle parviendrait à renverser le régime, n’est d’autre que Nofal Al-Dawalibui, un homme d’affaires saoudien, fils de ce même Maarouf. Après plusieurs interventions sur les médias arabes et français, notamment France24, il a organisé le 26 avril, dans un salon de l’Hôtel parisien Lutétia, propriété d’un homme d’affaires israélien, une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé la formation d’un gouvernement provisoire, voué selon lui à supplanter le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l’opposition. Il avait au passage prononcé des mots apaisants et aimables vis-à-vis de l’Etat d’Israël qui occupe une partie du territoire syrien. En même temps qu’il tenait un discours martial vis-à-vis du régime de Damas et des autres factions de l’opposition syrienne en précisant que son gouvernement de l’ombre « sera un gouvernement de muscles » car « le peuple n’a pas besoin de paracétamol ».
La question est de savoir pour qui cet illustre inconnu travaille ? S’agit-il d’une initiative personnelle d’un affairiste saoudien d’origine syrienne en mal de publicité ou simplement d’une tentative désespérée des services saoudiens qui reflète l’exacerbation des conflits au sein de la famille royale qui semble très divisée sur la question syrienne ? Ou s’agit-il plus exactement de la remontée à la surface du traditionnel antagonisme saoudo-qatari ? D’autant plus qu’il est de notoriété public que le Conseil national syrien, financé essentiellement par le Qatar et les Frères musulmans, est aujourd’hui au bord de l’implosion ? Quoi qu’il en soit, ce ballon d’essai saoudien « musclé » s’est vite dégonflé.
Dans un article assassin et sarcastique paru dans le Monde, Benjamin Barthe a trouvé les mots justes pour décrire ce non-événement. « Dans les salons feutrés du Lutétia, écrit-il, le scepticisme est palpable. Les deux colosses qui veillent sur M. Dawalibi ne suffisent pas à lui donner l’étoffe de l’homme providentiel. Pas plus que le » compte bancaire transparent » dont il promet l’ouverture sous peu.
Au sein de l’opposition syrienne, le créneau du sauveur est encombré puisque, outre le CNS, une dizaine d’organisations et d’individus se piquent de préparer l’après-Assad. Parmi eux, l’ancien vice-président Abdel Halim Khaddam et l’oncle de l’actuel chef de l’Etat, Rifaat Al-Assad, deux purs produits de l’autocratie syrienne, tombés en disgrâce et réfugiés à l’étranger. »
« Le lancement d’un cabinet fantôme, conclut-il, ne risque-t-il pas d’accentuer cet éclatement et de pénaliser le soulèvement ? »
Toujours est-il, que ce nouveau candidat à occuper ce créneau de sauveur de la patrie ne mâche pas ses mots, repris presque textuellement de la phraséologie belliciste saoudienne. Les « objectifs » de ce « gouvernement de transition », dit-il, sont d’armer les combattants, d’œuvrer à une « intervention militaire internationale directe », et assurer « le retour de la sécurité et la stabilité en Syrie » (sic !).
Comme l’a souligné un fin analyste de la question syrienne, « avec de tels ennemis, coupés des réalités du terrain, Bachar al-Assad n’a pas besoin d’amis ».