Le rapport des experts de l’ONU, qui sera publié dans une quinzaine de jours, devrait être en mesure de dévoiler la provenance des armes chimiques mises en causes. En attendant, la plus grande vigilance à l’égard des rumeurs qui circulent sur de potentiels pays fournisseurs est de mise.
Des informations parues dans la presse britannique indiquent que la Grande-Bretagne aurait autorisé l’exportation de substances chimiques utilisées dans la fabrication de gaz neurotoxique vers la Syrie. Ces révélations interviennent alors que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France accusent Damas d’avoir utilisé du gaz sarin dans les raids du 21 août dernier, dans lesquels 1.400 syriens ont perdu la vie et affirment avoir des preuves de la responsabilité de Bachar Al-Assad. Les parlementaires britanniques, « horrifiés » par l’annonce de cette nouvelle, attendent les explications du gouvernement. Le rapport des experts de l’ONU qui sera publié dans une quinzaine de jours sera en mesure de dévoiler la provenance des armes mises en causes. En attendant la plus grande vigilance à l’égard de ces informations est de mise.
Pour Jean-François Daguzan, directeur-adjoint à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), il faut être extrêmement prudent à l’égard de ces rumeurs qui pointent du doigt le Royaume-Uni, car on pourrait rapidement en arriver à des manipulations de même type que lors de la guerre d’Irak où la France avait été soupçonnée d’avoir fourni, via Renault Trucks, des camions réfrigérés servant à la fabrication ambulante d’armes biologiques. Des soupçons qui s’étaient ensuite avérés être complètement faux.
« C’est dans des situations tendues et sensibles comme celles de la guerre en Syrie que ce même genre d’intox peut arriver », alarme Jean-François Daguzan. Des informations pour lesquelles il reste très vigilant, d’autant plus que le gaz sarin, qui aurait vraisemblablement été utilisé pour la frappe du 21 août, est fabriqué à partir de procédés bien connus depuis la première guerre mondiale et dont l’élaboration ne nécessiterait donc aucune aide extérieure.
Si l’information s’avère être exacte, cette exportation aurait « forcément été réalisée de façon clandestine » selon lui. Ceci car le Royaume-Uni, au même titre que tous les pays faisant partie de « The Australia Group » doit impérativement soumettre ses demandes d’export de produits sensibles aux autorités du pays. Ceci lorsque l’envoi est à destination d’un pays faisant partie d’une liste, sur laquelle figure la Syrie. Hormis ces accusations à l’égard du Royaume-Uni, le directeur-adjoint de la FRS rappelle également que la Russie, qui fait blocage avec la Chine au sein du conseil de sécurité de l’Onu contre l’intervention militaire en Syrie, est soupçonnée de fournir en armes la Syrie.
L’Arabie Saoudite également soupçonnée
Hormis le Royaume-Uni et la Russie, c’est aussi l’Arabie Saoudite qui est soupçonnée de fournir la Syrie en armes chimiques. « Il a été relaté dans la presse saoudienne que l’Arabie Saoudite aurait récemment exporté -entre le 11 et le 22 juillet- des matières chimiques vers la rébellion syrienne », explique le politologue Antoine Sfeir, directeur des « Cahiers de l’Orient ». « Ce transfert, aurait été réalisé par le Prince Bandar Ben Sultan, actuellement en charge du renseignement extérieur en Arabie Saoudite et ancien Ambassadeur aux États-Unis de 1983 à 2005. Ce dernier ayant gardé de bonnes relations avec les Etats-Unis, il est peu probable qu’il ait fait ce genre de livraisons sans le feu vert du gouvernement américain » –qu’il soit tacite, réel ou officiel-, selon Antoine Sfeir et « les déductions de certains observateurs sur place».
Les Saoudiens auraient probablement exporté des matières chimiques aux Syriens « pour faire tomber l’ennemi alaouite (branche du chiisme) Bachar Al-Assad. En effet, après l’abdication de leur rival l’émir du Qatar, les Saoudiens ont repris seuls la main de la lutte contre le régime d’Assad. Ceci, car ils se considèrent comme les dirigeants naturels de la communauté sunnite dans le monde, étant « les gardiens des deux lieux saints » de l’Islam que sont La Mecque et Médine. Ils ont d’ailleurs déjà armé leurs avions pour participer aux éventuelles frappes décidées par la coalition contre le régime syrien. »
Source: Les Echos.fr
09 septembre 2013