Le déclassement de la France au Proche-Orient se poursuit. Notre diplomatie a appris par la presse la tenue d’une réunion à Vienne entre les Américains, les Russes, les Turcs et les Saoudiens pourtant réputés nos meilleurs amis.
Cette humiliation est le résultat de l’intransigeance irréfléchie de François Hollande sur la question syrienne. Nous n’en serions pas là si nous avions une politique étrangère digne de notre tradition diplomatique et plus conforme à nos intérêts. Ce n’est pas en donnant des leçons de morale qu’on arrête une guerre civile ; c’est en convainquant nos amis et les adversaires de nos amis de s’asseoir autour d’une même table.
Avec l’afflux de réfugiés en Europe qui ne se tarit pas et l’intervention russe nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la guerre, une phase de dangers accrus, une phase qui appelle une mobilisation diplomatique totale que je ne vois pas venir.
Sur le plan militaire, les frappes russes visent avant tout à la reconquête de la Syrie et ciblent autant les groupes islamistes financés par les pays du golfe que l’Etat Islamique en Irak et au Levant. Elles apparaissent de plus en plus concertées avec les Iraniens selon un partage clair : le ciel aux Russes et la terre aux Iraniens. Cette stratégie destinée à éviter l’effondrement du régime syrien qui ouvrirait grand les portes de Damas et de la côte méditerranéenne à Daech a provoqué l’intensification dangereuse des livraisons d’armes de plus en plus sophistiquées aux groupes rebelles par les Saoudiens et les méricains.
L’intervention russe est le résultat de l’irrésolution des occidentaux incapables de choisir une stratégie claire contre Daech parce qu’empêtrés dans leurs postures morales aussi inefficaces que contre-productives. Le résultat est spectaculaire : L’Irak « libéré » par les Etats-Unis applaudit et appelle Poutine à intensifier son effort militaire. La Turquie ne sait plus à quel saint se vouer et esquisse désormais une ouverture à l’option d’une transition politique qui n’exclut pas à court terme Bachar Al-Assad, ce qui était encore impensable il y a quelques mois. Russes et Iraniens jouent désormais les premiers rôles dans un conflit qui nous concerne pourtant directement en raison de nos liens avec le Liban, de notre responsabilité historique envers les chrétiens d’orient, des réfugiés qui affluent en Europe et des menaces terroristes qui n’ont jamais été aussi élevées.
Même les Américains ont fini par prendre la mesure de l’impasse diplomatique que représente le refus de dialoguer avec la Russie. Le canal direct Moscou/Washington rouvert discrètement en juillet, qui nous exclut, semble fonctionner. Russes et Américains viennent de se mettre d’accord sur des règles pour éviter tout incident aérien dans le ciel syrien. Ils nous ont surtout pris de court en organisant à Vienne une réunion quadripartite avec les Turcs et les Saoudiens dont nous n’avons été que les spectateurs. La tentative de la diplomatie française de reprendre la main en organisant cette semaine à Paris une rencontre des ministres des affaires étrangères européens, américains et arabes sans la Russie est pathétique.
Dans une tribune récente, Alain Juppé évoquait les enseignements du Gaullisme en recommandant de ne pas choisir la Russie contre l’Amérique. Il s’agirait surtout aujourd’hui de parler avec Moscou et Washington pour défendre les intérêts vitaux des Français.
Le blog de François Fillon, Ancien Premier ministre de France
https://www.blog-fillon.com/2015/10/syrie-la-france-hors-jeu.html