L’intransigeance de Poutine a bloqué toute avancée pour résoudre un conflit qui aura bientôt fait 100 000 morts et qui consacre l’impuissance de l’Occident.
Valéry Giscard d’Estaing a raison. Cela ne servait à rien de parler de la Syrie au G8. Ces réunions, jadis consacrées aux problèmes économiques (déjà suffisamment compliqués), se sont depuis longtemps dévoyées en essayant de se saisir de crises politiques dont ce genre de forum, bien trop médiatisé, rend la solution impossible. Puisqu’elle passe par des compromis qu’il vaut mieux ne pas trop étaler sur la place publique.
Au G8 d’Irlande, donc, Vladimir Poutine a dit non. Non à l’idée d’armer les rebelles, non au principe d’une « no flight zone », non à la perspective d’une conférence de paix à Genève dans les toutes prochaines semaines. Qu’importe, les dirigeants du G8 sont repartis satisfaits dans leurs capitales respectives : puisqu’ils ont pu annoncer pour la troisième fois « la fin définitive des paradis fiscaux » (sic).
Dans les niet répétés du président russe sur la Syrie, il y a pourtant une infime lueur d’espoir. Certes, il a refusé d’envisager que la conférence de paix exclue la présence d’Assad, ou que le départ du dictateur syrien soit une condition à la tenue des discussions. Bien sûr, il a confirmé que la Russie, sous prétexte d’engagements antérieurs, continuerait à fournir des armes « au régime légal de Damas », mais de source britannique comme américaine, on a noté l’amorce d’un progrès : Poutine n’exclurait plus totalement le départ, à terme, de Bachar el-Assad. Après deux heures de discussion en tête-à-tête avec Obama, Poutine aurait même admis que, pour lui, le problème était moins Assad que la stabilité du pays. Le chiffon rouge des Russes, c’est la perspective d’une Syrie aux mains de factions religieuses qui se détestent et sont toutes prêtes à s’entretuer avec des armes fournies par l’Occident. Avant d’ailleurs de se retourner par fanatisme religieux contre ceux qui les ont aidés.
Le précédent malheureux de l’Irak
À Washington, comme à Paris ou à Londres, on n’est pas tout à fait insensible à ce raisonnement. Même si la brutalité du régime, l’autisme d’Assad à la souffrance de son peuple, le coût humain de la guerre civile – 93 000 morts – restent la priorité des priorités dans des pays où la démocratie a fini par faire reculer le cynisme. N’empêche que David Cameron, l’hôte du G8, a su habilement, lors du dîner du lundi soir, par ailleurs fort agité, apaiser son hôte russe en rappelant le précédent irakien. George Bush, fort de sa victoire sur Saddam Hussein, avait totalement démantelé l’administration irakienne et cassé l’armée. Le résultat avait été pour de longs mois une situation de chaos inextinguible. Personne ne souhaite qu’il en soit de même pour la Syrie. Pas plus les Occidentaux que Poutine.
Le Point.fr – Publié le 19/06/2013
Source : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/michel-colomes/syrie-et-a-la-fin-c-est-toujours-la-russie-qui-gagne-19-06-2013-1682698_55.php#xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20130620