En qualifiant de « munichois » les opposants à l’intervention militaire en Syrie, le premier secrétaire du PS se discrédite mais, surtout, il ridiculise l’ensemble de son parti.
Les partisans de l’intervention militaire en Syrie nous n’en sommes pas – rappelons-le – ne manquent pas d’arguments. Nous n’en ferons pas ici la recension car ce n’est pas le propos, mais chacun d’eux mérite à coup sûr discussion et expertise. Quand l’ex président de Médecins Sans Frontières, Rony Braumann, jusque là hostile à toute intervention de ce type, se déclara en faveur de frappes contre Assad et son régime, on ne peut évidemment que réfléchir et s’interroger.
Et cela fait quelques jours qu’un débat contradictoire et démocratique semble enfin s’engager : ce week end, Jean-Pierre Chevènement s’est exprimé dans Le Parisien tandis que François Bayrou et Hubert Védrine s’expliquaient dans les colonnes du Journal du Dimanche. Enfin des voix discordantes, différentes, détonantes. On peut être d’accord, pas d’accord, approuver, s’agacer. Au moins Chevènement, Bayrou et Védrine nous incitent-ils à la réflexion. C’était compter sans l’intervention de… Harlem Désir…
Qu’a-t-il dit au juste, le chef du Parti Socialiste, le parti qui gouverne la France, il n’est pas inutile de le souligner? Que les quelques leaders et grandes voix de l’opposition ayant l’audace de s’interroger sur la pertinence d’une intervention en Syrie – Valéry Giscard d’Estaing par exemple- sont des « munichois », c’est à dire des lâches, des pétainistes potentiels, des collabos en devenir. On pourrait (il faudrait?) se contenter de mépriser cette sortie, de n’en pas tenir compte, de se contenter d’un coup de patte : pour une fois que Désir se fait remarquer, il ajoute le contresens historique à l’insignifiance politique. Eh bien non, pas cette fois!
Ras-le-bol de diaboliser le contradicteur en utilisant sans le moindre remords les mots qui tuent, les mots qui discréditent, les mots qui interdisent la réflexion. Des mots évidemment puisés dans le vocabulaire de la IIème guerre mondiale, des mots chapardés à la lutte antifasciste, anti pétainiste, antinazis : Dominique de Villepin serait « munichois » parce qu’il estime que des frappes sur la Syrie seraient contre-productives? Mais une telle accusation est intolérable. Et dégueulasse au sens littéral du mot.
Il ne faut pas laisser passer, il ne faut plus laisser passer précisément parce que Harlem Désir, que cela plaise ou non, compte parmi les principaux responsables (j’insiste sur ce mot, responsable) politique de la République : il dirige le principal parti de la majorité ; il lui est donc en principe interdit de raconter tout à fait n’importe quoi ; de discréditer le contradicteur par l’insulte idéologico historique qui plus est infondée; d’utiliser le trou noir du XXème siècle pour discréditer toute contradiction, la plus légitime qui soit par ailleurs.
En écoutant des éclaireurs politiques tel que Harlem Désir, il ne faut pas s’indigner si les Français – peuple hautement politique- se détournent précisément de la…politique. L’insulte au lieu de l’échange. Le refus du débat démocratique. L’autisme pour règle de fonctionnement. Il y a trente ans, Harlem Désir incarnait le renouveau en politique. Aujourd’hui, il représente tout ce qui nous désespère. Sidérant parcours.
Source : Marianne.fr
https://www.marianne.net/Syrie-Desir-aurait-mieux-fait-de-se-taire_a231725.html?preaction=nl&;id=5923305&idnl=27076&
02 Septembre 2013
Légende : Harlem Désir, la Rochelle – APERCU/NOSSANT/SIPA/SIPA